De la survie animale en milieu urbain, c’est ce que nous propose le très original Tokyo Jungle. Par Tony F.
On la sent poindre de plus en plus, ça et là, au détour des news et previews : après la survie en milieu zombifié ces dernières années, voici venu le temps de la survi(déoludiqu)e en milieu naturel et/ou post-apo. Tokyo Jungle, l’aube des temps futurs, vue par un loulou de Poméranie.
In the Time of Twilight
Pas de doute, la fin du monde est proche. Peut-être pas physiquement, peut-être pas temporellement, mais il suffit de jeter un œil au paysage vidéoludique, cinématographique, télévisuel ou littéraire pour se rendre compte que l’apocalypse est présente dans nombre d’esprits. Le Japon, plus que n’importe quelle autre contrée, se montre prolifique lorsqu’il s’agit de mettre en scène, de quelque façon que ce soit, des récits catastrophes touchant à une quelconque notion de survie. Jusqu’ici, le jeu vidéo s’était montré plutôt discret sur le thème, préférant miser sur du post-apo badass et explosif que ne renierait pas George Miller plutôt que sur la survie froide, désespérée et en un sens vide d’un Cormac McCarthy. Convergence d’idées, effet de mode, inspiration Hillcoat/Kirkmannienne ou simple psychose, toujours est-il que le joueur friand de survie ne saura bientôt plus où donner de la tête, lui qui n’avait jusqu’alors eu qu’une poignée de titres à se caler sous la dent. On se souviendra tout au plus de la saga S.O.S : Final Escape (Zettai Zetsumei Toshi dans l’archipel), dont le quatrième opus fut annulé pour cause de Fukushima (et depuis plus jamais mentionné), ou de quelques essais peu adroits, tel le Disaster : Day of Crisis de Monolith Soft, aux effets sympathiques, au scénario démesuré, mais au gameplay très limité.
Après quelques essais ces derniers mois en terrains expérimentaux (I am Alive…), la survie commence gentiment son invasion par une exclu PS3, développé par le studio Crispy’s. Les êtres humains ont disparu, laissant les animaux seuls, et la nature reprendre ses droits sur Tokyo. Le but : choisir un animal, parmi les carnivores et herbivores proposés, et tenter de survivre le plus longtemps possible, en remplissant le plus d’objectifs donnés. Simple sur le papier, beaucoup moins en pratique. Côté contenu, on se retrouve face à quelque chose de plutôt conséquent et varié compte tenu de son prix (treize euros chez nous sur le PSN exclusivement, contre une trentaine au Japon… mais avec une sortie matérielle). Jugez plutôt : une cinquantaine de bestioles différentes (allant du chat au lion, du poulet au vélociraptor, tous à débloquer au fur et à mesure, plus une poignée en *tousse* DLC…), une map regroupant neuf zones (toutes fixes, immuables et figées cependant), un mode histoire facultatif, mais très barré, un mode coop limité (façon Tails dans Sonic, ou Gta San Andreas.) mais appréciable, et enfin un mode survival, de loin le mode principal, qui vous occupera le plus.
Rise and Shine
Tokyo Jungle repose sur plusieurs mécaniques de jeu, toutes empruntées aux tendances old-school/arcades et indés : le scoring, tout d’abord, puisque le but de chaque partie est d’atteindre le plus haut score. Le die & retry, ensuite, puisqu’une partie ne peut se terminer que par la mort de votre avatar. Le Rogue-like enfin (intimement lié au précédent), dans la mesure où, si l’environnement ne change pas d’un iota d’une partie à l’autre, les objectifs à remplir eux, seront définis de manière totalement aléatoire à chaque nouvelle session. Rejoindre un point précis de la carte, chasser un certain nombre/type d’animaux, ou changer de génération (vous reproduire) seront les clés de la réussite. Si le gameplay varie grandement d’un type d’animal à l’autre, certains aspects restent similaires, à commencer par la dimension RPG. Votre bête gagne de l’expérience, répartie sur trois niveaux, par la chasse, la nourriture, ou en remplissant les objectifs. Ses statistiques peuvent être augmentées par la customisation, via des items trouvés ça et là. Chaque animal a une espérance de vie limitée à quinze ans. La reproduction est donc un élément indispensable à répéter régulièrement pour continuer à jouer avec les descendants de votre espèce, ceux-ci héritant au passage d’une partie des statistiques de leurs ancêtres. Le jeu progresse en même temps que le joueur : plus les années passent, plus les objectifs se révèlent ardus, vous forçant souvent, avec l’expérience, à planifier vos trajets sur la décennie entière à venir (soit dix minutes, un quart d’heure en amont). La faune, la flore, changent également. Toxicité de certains quartiers, pluies acides, animaux de plus en plus dangereux, feront de votre lutte un véritable enfer dans lequel sortir d’un combat enragé contre des tigres avec votre meute de Golden Retriever de septième génération, sous une pluie battante deviendra un fait épique.
Psycho Chicken
Aux différences de statistiques d’un animal à l’autre (pas forcément toujours évidentes, perceptibles, par exemple, entre un chat et une hyène) s’ajoute, comme je le disais plus haut, une principale nuance de gameplay : le type. On ne jouera pas du tout de la même manière selon si l’on contrôle un carnivore ou un herbivore.
Les carnivores chasseront à peu près tout ce qui est encore vivant pour tenter de le bouffer. Grands prédateurs qu’ils sont, ils se cacheront dans les hautes herbes et attendront que leurs proies passent à portée pour les tuer instantanément d’un coup de croc (ce qui se fait avec un bon timing et une simple pression sur un bouton), ou bien cavaleront, toutes griffes et dents dehors, derrière les divers tas de viandes susceptible de leur apporter un peu d’expérience. Agiles, puissants, les combats avec un carnivore sont souvent violents et dynamiques, mais également dangereux : à se prendre pour le roi de la jungle, les plus gaillards finiront vite par payer leur imprudence en s’attaquant à plus fort qu’eux. Une erreur qui, dans ce jeu, aura tôt fait de se solder par une mort rapide et sans douleur (sinon pour vous, qui venez de foutre en l’air cent ans de reproduction en pensant pouvoir attaquer un raptor.)
Les herbivores sont naturellement plus faibles. Avec eux, la fuite primera. Trouver des plantes, des baies, des fruits quelconques sera à peu près votre seule préoccupation. Les plus puissants d’entre eux (sangliers par exemple) pourront parfois tenir tête aux carnivores, après une certaine expérience acquise. Les autres préféreront rester cachés le plus possible, se déplaçant rapidement d’un point à un autre en évitant toute forme de confrontation. Privilégiant la discrétion, ce gameplay devient vite épuisant : difficile d’être un poulet coursé par une dizaine de félins affamés…Néanmoins après quelques tentatives, on se prend au jeu, et les herbivores s’avéreront peut être le meilleur moyen de tenir la distance, au moins pour les débutants. Chaque espèce devra de toute façon être jouée si on souhaite débloquer l’intégralité des animaux du jeu… et rien que pour les derniers (les plus puissants), cela en vaut la peine.
Tony F.
Ovni parmi un genre déjà peu répandu, arcade jusqu’à la moelle dans son concept, Tokyo Jungle se révèle être une pépite de premier ordre pour qui aime les idées qui sortent des sentiers battus. L’œuvre ne brille certainement pas par ses graphismes ni par sa beauté technique, et sa durée de vie ne dépendra que de votre capacité à vous lasser ou non d’un jeu qui impose de recommencer encore et encore pour améliorer son score… mais il fait néanmoins partie de ces petits softs sur lesquels on reviendra régulièrement, le temps d’une ou deux parties à nos heures perdues. Une œuvre très attachante.
Verdict :
Tokyo Jungle, par Crispy’s, disponible sur PS3 (Playstation Network uniquement), édité par Sony, depuis le 26/09/2012.