2/Duo est le premier long métrage de Suwa Nobuhiro, réalisé en 1997, mais jusqu’ici inédit en France. Cette sortie coïncide avec la rétrospective consacrée au cinéaste japonais organisée lors du Festival du Film International de La Roche-sur-Yon. 2/Duo est un huis clos minimaliste sur le couple et l’amour, un marivaudage nippon constitué de longs silences et de dialogues hésitants perturbés par des coups d’éclat brefs et violents. Par Marc L’Helgoualc’h.
Le scénario de 2/Duo est des plus simples. Yu est vendeuse dans une petite boutique. Elle habite avec Kei, un acteur fauché qui vit à ses crochets. Un jour, Kei propose à Yu de l’épouser. Cette demande inattendue perturbe l’équilibre du couple… L’amour fonctionne ici comme des vases communicants : quand l’un est heureux, l’autre souffre. Le couple sans discorde existe-t-il ?
Suwa Nobuhiro est plus connu en France qu’au Japon. Son succès international date d’ailleurs du prix FIPRESCI reçu en 1999 au Festival de Cannes pour M/Other. La critique française le considère par ailleurs comme « le plus français des réalisateurs japonais ». Ce qui n’est pas faux puisqu’il a tourné plusieurs films en français, sans même en maîtriser la langue : H Story (2001) avec Béatrice Dalle, Un Couple Parfait (2005), le court-métrage Place des Victoires (2006) et Yuki et Nina (2009), co-réalisé avec Hippolyte Girardot.
Son premier long métrage 2/Duo développe la thématique chère à Suwa Nobihuro : son motif principal est le couple formé par un homme et une femme, les difficultés qu’ils rencontrent et leurs efforts pour les surmonter. Quels sont ces problèmes ? L’absence de travail, un mal existentiel, la difficulté de montrer ses sentiments. Le film fait la part belle aux silences. Le réalisateur explique : « le silence de mes films vient de la culture japonaise, où le couple évite en général de parler des choses en profondeur ». Il revient également sur le sujet du film : « le titre 2/Duo désigne bien sûr deux personnes. Mais mon intention était plutôt de signifier avec ce chiffre 2, les diverses oppositions, les duplicités qui existent dans ce film entre documentaire et fiction, abstrait et figuratif, homme et femme… Parce que je pense que le cinéma est toujours dans l’entre-deux de choses incompatibles. Dans mes films, je cherche à montrer ce qui se trouve dans cet entre-deux ».
Le tournage du film n’a pas été de tout repos. Tourné sans scénario clairement défini, 2/Duo laisse largement ses deux acteurs principaux, Yu Eri et Nishijima Hidetoshi, improviser. Suwa Nobihuro commente : « une scène pouvait s’écarter de l’histoire, ça ne me dérangeait pas tant que les émotions et le jeu des acteurs étaient suffisamment intenses. À la fin de la journée de tournage, l’équipe et les acteurs discutaient entre eux et échangeaient leurs opinions sur le tournant qu’avait pris la ou les scènes tournées dans la journée et sur ce que deviendraient les scènes suivantes ». 2/Duo fut vraiment un travail évolutif et collectif.
Le montage du film fut lui aussi épique : « le premier montage durait près de quatre heures. Nous avons découvert peu à peu la forme que devrait prendre le film. Comme il y avait beaucoup de plan-séquences de dix minutes, nous avons commencé par faire des faux raccords ou par occuper autant que possible les actions qui n’étaient pas nécessaires […] L’histoire initiale était celle d’une relation triangulaire dans laquelle Yu hésitait entre deux hommes. J’ai coupé toutes les scènes où cet autre homme apparaissait pour me concentrer sur la relation entre Kei et Yu ».
Marc L’Helgoualc’h.
Verdict :
Film épuré, 2/Duo plaira aux amateurs de cinéma d’auteur qui aiment méditer entre deux productions épileptiques de Michael Bay. Une certaine idée d’un cinéma plus économe et plus humain.
2/Duo est en salles à partir du 31 octobre 2012. Il est distribué par Capricci Films.