Vive la Liberté de Choi In-kyu (rétro)

Posté le 19 septembre 2012 par

Vive la Liberté de Choi In-kyu est l’un des rares films coréens tourné en 1946, juste après la libération du pays, qui ait été conservé et restauré. Typique de l’époque, le film traite de la résistance coréenne à l’impérialisme japonais en mêlant le mélodrame à l’action. Les scènes de badinages amoureux côtoient donc des fusillades et des courses-poursuites entre rebelles et policiers. Par Marc L’Helgoualc’h.

Le drapeau de la Corée : symbole de l’indépendance retrouvée

Résumé : l’action se déroule à Séoul en août 1945, soit quelques jours avant la reddition du Japon (le 15 août), qui occupe et administre le pays depuis 1910. Le film débute par l’évasion de prison du résistant coréen Han-joong. Blessé par balle, il se cache chez l’infirmière Hye-ja qui décide de l’héberger. Han-joong rejoint bientôt ses camarades de combat dans le but d’organiser une rébellion contre l’occupant japonais. Han-joong déplore cependant la trahison de son camarade Nam-bu, rallié à l’ennemi. Le même jour, alors que Han-joong vient d’assassiner en pleine rue un policier japonais, il trouve refuge chez Mee-hyang, une femme oisive qui s’accommode de l’occupation nippone et qui est convoitée par… Nam-bu ! Han-joong va lui ouvrir les yeux sur la nécessité de servir la Corée. S’ensuivent plusieurs intrigues sur la passion amoureuse et l’action révolutionnaire entre Han-joong, Hye-ja et Mee-hyang.

Le résistant coréen Han-joong n’hésite pas à jouer du pistolet contre l’ennemi japonais

Première remarque : la copie existante de Vive la liberté n’est pas complète ; elle dure 50 minutes. Une partie du film a été détruite pendant la guerre de Corée et des scènes ont été censurées 26 ans plus tard lors de la restauration du film. Une hérésie artistique qui s’explique par des considérations politiques : en 1975, Park Chung-hee est président de la Corée du Sud ; son régime est particulièrement autoritaire et mène une lutte féroce contre le communisme. Or, le traître coréen Nam-bu dans Vive la liberté est interprété par Dok Eun-gi qui a depuis rejoint la Corée du Nord. Les scènes dans lesquelles apparaît Dok Eun-gi ont donc été coupées. Le procédé est flagrant lors d’une scène où Mee-hyang quitte son domicile pour rejoindre en secret Han-joong mais rencontre Nam-bu. La scène de dialogue entre les deux personnages a été supprimée. Évidemment, la suppression du personnage de Nam-bu altère considérablement l’intérêt mélodramatique du film.

Arrestation d’un Coréen par un policier japonais

Malgré ces coupures volontaires et involontaires, on peut quand même apprécier Vive la liberté. La mise en scène est de qualité, Choi In-kyu alternant plans larges et plans rapprochés, champs et contrechamps, dans un montage agréable et dynamique. La scène de course-poursuite entre Han-joong et la police japonaise est particulièrement mémorable. Choi In-kyu réussit son dosage entre mélodrame et scènes d’action. Le triangle amoureux entre Han-joong, Hye-ja et Mee-hyang fonctionne comme un éveil ambivalent de l’amour et du patriotisme révolutionnaire. L’amour charnel est conditionné par l’amour de la nation. Un procédé qui sera systématique dans le futur cinéma de Corée du Nord. Remarquons enfin que dans ce film patriotique, rien n’est dit du rôle des États-Unis et de l’URSS dans la défaite du Japon. La libération coréenne est essentiellement le fait de la résistance coréenne.

Intrigue amoureuse entre collabo et résistant : Mee-hyang et Han-joong

Vive la Liberté fut un grand succès commercial : les spectateurs qui, jusque-là, n’avaient droit qu’aux films de propagande où la langue coréenne était interdite, applaudirent de tout leur cœur à cette réalisation. En effet, sous le colonialisme japonais, l’utilisation de la langue nationale fut interdite dans les films et les droits de production furent entièrement saisis. Dans les années 1940, les cinéastes ont même été contraints de mettre en scène des sujets pro-japonais s’ils voulaient travailler. C’est le cas de Choi In-kyu qui réalisa quatre films pro-japonais de 1941 à 1945 : L’Ange sans Domicile (1941), Les Enfants du Soleil (1944), Serment d’Amour (1945) et Les Enfants du Vent de Dieu (1945). C’est donc pour laver son honneur qu’il réalisa immédiatement après la guerre un film sur la libération nationale. Vive la Liberté est le premier film d’une trilogie qui comprend Coupable sans Faute (1948) et La Veille de l’Indépendance (1948). Choi In-kyu est pour cela considéré comme le père du cinéma coréen après l’indépendance du pays. Il n’eut malheureusement pas la possibilité de continuer son œuvre puisqu’il fut enlevé au Nord pendant la guerre de Corée. Personne ne sait ce qu’il advint de lui.

Marc L’Helgoualc’h.

Verdict :

Vive la Liberté de Choi In-kyu est disponible en DVD avec des sous-titres anglais.