Interview Makoto Shinkai, réalisateur de Voyage vers Agatha (DVD)

Posté le 19 juillet 2012 par

Après notre voyage dans l’œuvre de Makoto Shinkai (Voices of a Distant Star, La Tour au delà des nuages, 5 Centimètres par seconde ), nous avons rencontré le jeune prodige de l’animation japonaise pour la sortie en DVD de son dernier et très beau Voyage vers Agartha, disponible en DVD chez Kazé depuis le 04/07. Propos recueillis par Justin Kwedi.

Dans vos précédentes œuvres, on ressentait les thèmes adolescents de la solitude et de l’éloignement. Avec 5cm par seconde, vous allez vers un côté plus adulte, mature et réaliste. Dans Voyage vers Agartha, on ressent le prolongement de ces thématiques avec le deuil. Est-ce que c’est une évolution que vous avez ressentie ?

Oui, avec Voyage vers Agartha, je voulais changer un peu la direction par rapport à mes autres films. Il y a toujours des thèmes qui reviennent dans mes films mais c’est surtout la méthode qui a changé avec Voyage vers Agartha. Après 5cm par seconde, j’ai eu vraiment mon studio, j’avais des moyens et j’ai donc voulu faire des films autrement. Vous connaissez tous les films du studio Ghibli : ils ont créé des personnages qui sont devenus très classiques et familiers dans l’animation japonaise. Je voulais reprendre cette forme classique instaurée par Ghibli : le style des personnages et les décors mais en proposant d’autres messages. Je voulais aussi avec Voyage vers Agartha élargir mon public en proposant un long métrage cette fois non destiné uniquement aux enfants.

On remarque d’ailleurs une grande influence de Ghibli dans Voyage vers Agartha, sont-ce des citations volontaires ou inconscientes ?

Evidemment, ce ne sont pas des coïncidences, je les ai mises volontairement. Je pense que les personnages qu’on voit dans les films de Ghibli sont très universels. Il font partie de notre enfance et de notre vie. Mais il y a également des choses que j’ai mises de manière très inconsciente. Aujourd’hui, les films de Ghibli sont très connus mais auparavant, ce style dit ghibli a existé bien avant la création du studio et même avant que Miyazaki Hayao entre à Tohei Animation.

Avec Voyage vers Agartha, on a l’impression que vous avez mis le thème au service de l’histoire contrairement à vos précédents films où l’histoire servait de prétexte pour se centrer sur les thèmes de la solitude et de l’éloignement.

À l’époque de 5cm par seconde, je voulais faire un film différent des autres avec le plus de variétés possibles dans le cinéma d’animation japonais. C’est pour cela que j’ai décidé de faire un film où il ne se passe rien, raconté par le monologue. Avec Voyage vers Agartha, je voulais aussi faire un film que d’autres studios ne font pas. Peut-être que certains pourraient me dire que Ghibli font ce type de films. Je ne sais pas si on peut qualifier Princesse Mononoke ou Laputa de films d’aventures mais depuis plus de vingt ans, il n’y a pas eu de film d’aventures de qualité de deux heures et c’est pour cela que je voulais faire ce film.

À travers les héros du film, le professeur qui n’arrive pas à se consoler de la mort de sa femme et Asuna qui part à l’aventure pour dépasser la solitude, on retrouve vos deux facettes, l’universelle d’Asuna et l’intimiste plus réaliste du professeur. D’où viennent ces thèmes récurrents chez vous ?

Je ne sais pas si ces thématiques viennent de mes propres expériences personnelles. En tout cas, pour parler de la distance entre les personnes, moi-même je n’ai jamais vécu une histoire d’amour avec quelqu’un qui vit très loin de chez moi. J’ai essayé mais au bout d’un mois, cela s’est terminé. Tous les sujets ne viennent pas de notre propre vécu mais au sujet de la perte et de l’absence de quelqu’un, c’est très récurrent dans notre vie de chacun. C’est un thème très universel et c’est pour cela qu’à chacun de mes films, ce thème revient et me permet de mieux réussir.

Dans vos premiers films, il y avait un côté très naïf et innocent. Puis, dans 5cm par seconde, les personnages à la fin sont déjà adultes. Dans Voyage vers Agartha, une petite créature meurt au cours du film. Est-ce une acceptation de cette maturité dans le cycle de la vie ?

Oui, par rapport aux films que j’ai réalisés il y a dix ans, j’espère que mes nouvelles œuvres sont plus profondes. Ma vie personnelle a beaucoup joué aussi. Pendant la production de Voyage vers Agartha, je me suis marié et j’ai eu mon premier enfant. Parfois, les gens disent que si on n’a pas d’enfant, on ne peut pas vraiment raconter des histoires d’enfant, ou bien par exemple quand on n’est pas une femme on ne peut pas vraiment montrer la psychologie des femmes. Je n’y crois pas. Avec beaucoup d’imagination, j’arriverai sûrement à montrer l’aspect psychologique des femmes et justement c’est cela le plaisir de faire des films de fiction. Evidemment, la vie réelle ou les expériences jouent un rôle mais pas totalement.

Propos recueillis par Justin Kwedi à Paris 04/07/2012.

Traduction de Shoko Takahashi.

Retranscription et photos par Julien Thialon.

Merci à Aurélie Lebrun et à Kazé.

Le Voyage vers Agartha de Makoto Shinkai est disponible en vidéo depuis le 04/07, lire notre critique ici.

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