Les Enfants de Belle Ville d’Asghar Farhadi (Cinéma)

Posté le 10 juillet 2012 par

Encore inédit en France, Les Enfants de Belle Ville du cinéaste Iranien Asghar Farhadi arrive sur nos écrans le 11 juillet. Bouleversant voyage. Par Jérémy Coifman.

Un responsable de centre de détention bienveillant demande au jeune Ala s’il aurait pu tuer sa fiancée si elle avait été finalement promise à quelqu’un d’autre. Ala répond qu’il l’aurait oublié plutôt que d’avoir choisi la voie du sang. Facile à dire quand on est spectateur répond laconiquement le responsable. Les choix sont difficiles à assumer, et sont une question de perspective.

A Belle Ville, le passé est lourd, le futur totalement incertain. Les dilemmes sont permanents, la tristesse insondable. Une déchirante mélancolie plane tout au long du voyage. Le deuil impossible d’un père brisé, la quête d’un jeune voleur pour sauver son meilleur ami d’une mort certaine, l’amour impossible d’une mère célibataire. Ces trois histoires se déploient gracieusement, s’entremêlent pour ne former qu’un seul et même portrait d’un pays, l’Iran.

Sans jugement, sans parti-pris, le portrait est d’une force dévastatrice. Tout en finesse, Asghar Farhadi pointe du doigt les contradictions et les absurdités d’un pays et de sa politique, tout en offrant une véritable tragédie à hauteur d’hommes. La simplicité de la mise en scène, la subtilité de l’écriture, la force irrésistible du constat, finissent de placer le film comme une grande réussite.

Personne n’a tort ou raison à Belle Ville, il n’y a que des âmes meurtries, broyées. On est en colère après Dieu de ne pas faire ce qui est juste, on est en colère après un mari absent, un mari violent. Les drames sont forts, mais les gens souffrent en silence. Au détour d’une phrase, d’un sanglot étouffé, on parvient à capter une grande détresse. Rien ne sera plus comme avant pour ses personnages, le mal est fait. Quoi qu’il arrive, aucune échappatoire n’est possible. L’éclaircie est de courte durée, les sourires sont rares. Pourtant le bonheur est là, à portée de main, on le sent. Il y a de l’espoir. Et c’est quelque part ce qui détruit ces personnages, les enfermant toujours un peu plus. Les protagonistes se raccrochent à ce qu’ils leur restent, même quand il ne leur reste plus qu’une photo.

Finalement dans ce monde d’hommes, Ce sont encore les femmes qui ont la part belle. Les personnages féminins sont tous magnifiques. Trois femmes, trois destins déchirants. Firouzeh (magnifique Taraneh Alidousti), mère célibataire amoureuse, Mme Alboquasem, épouse qui a consacrée sa vie à l’Homme qu’elle aimait et surtout c’est finalement la fille de celle-ci qui est le personnage le plus emblématique de toutes. Handicapée moteur, elle traine sa carcasse à l’aide de béquilles. Rejetée de toute part, condamnée à une vie de misère, elle est finalement symbole de la condition féminine en Iran.

Puis il y a la religion. Omniprésente, évidemment. Farhadi oppose deux réalités, deux visions. Il y a les hommes qui prient à la mosquée paisiblement, dans la paix et l’harmonie. Et il y a la charia, le droit du sang, le talion. Le problème n’est pas le Coran, c’est celui qui le tient. En deux scènes, le cinéaste trouve le ton juste et dit les choses. Un imam expliquera au père vengeur que le Coran prône le pardon, tandis qu’un homme du gouvernement, assis derrière son bureau, lui dira qu’il faut payer pour avoir droit de se venger, que le sang de l’assassin vaut plus cher que celui de sa fille, que la Charia est claire.

On ressort quelque peu hagard de ce voyage à Belle Ville. Étouffant, terriblement fort et émouvant, le deuxième film d’Asghar Farhadi est une véritable réussite.

Verdict :

Jérémy Coifman.

Les Enfants de Belle Ville d’Asghar Farhadi sera présenté en avant-première et en présence de son réalisateur au Festival Paris-Cinéma du 29 juin au 10 juillet 2012.

Pour plus d’information : le site de Paris-Cinéma

Les Enfants de Belle Ville d’Asghar Farhadi en salles le 11/07/2012.