Si Saya Zamuraï divise jusqu’à la rédaction d’East Asia, son réalisateur, déjà responsable des déjantés et drôlissimes Dai-Nihonjin (Big Man Japan) et Symbol, Matsumoto Hitoshi fait partout l’unanimité. Rencontre à Deauville avec un humoriste touche à tout, en phase de devenir un réalisateur qui compte sur l’échiquier du cinéma contemporain. Par Victor Lopez.
Pouvez-vous nous parler de l’origine de Saya Zamuraï ?
Il s’agit de mon troisième film, et je voulais pour une fois faire un film d’époque. Et, afin de me concentrer sur le travail de réalisateur, j’ai aussi décidé pour la première fois de ne pas tenir le rôle principal.
Quand avez-vous choisi Takaaki Nomi et pouvez-vous nous parler de son parcours ?
Je travaille beaucoup à la télévision, et, au cours d’une émission, j’ai invité quelques personnes anonymes qui me faisaient rire. Nomi-san faisait justement partie de ces participants. Il était vraiment insaisissable, étrange, mais surtout très drôle. C’est cette rencontre qui m’a donné envie de l’employer dans mes films. Je n’ai aucune idée de ce qu’il faisait avant. Il ne travaillait pas vraiment… Cet homme est un mystère !
Vous jouez sur le même humour absurde, répétitif et nonsensique que Symbol, mais peut-être en plus accessible. Vouliez-vous toucher plus de monde avec ce film ?
En fait, le tournage était très particulier. Nous n’avons jamais dit à Nomi qu’il s’agissait du tournage d’un film. On lui a juste demandé de faire rire le garçon qui était en face de lui. Et on lui a dit que s’il n’y parvenait pas, il perdait son travail. C’était donc dans un sens assez proche du tournage d’un documentaire. C’est surtout cela la différence par rapport à mes autres films. À part cela, je voulais surtout que le film soit bien fait, cinématographiquement parlant.
Comment avez-vous choisi la petite fille qui est aussi très charismatique ?
Le rôle de cette fille est extrêmement important, d’autant que le rôle principal était tenu par un acteur non-professionnel. C’était donc à elle de l’aider en tant que professionnelle. Je lui ai demandé d’être non seulement la fille de ce personnage, mais aussi la mère. Et elle l’a joué formidablement.
Le film commence comme une parodie de chanbara mais bifurque vers une satire de l’industrie du divertissement. Est-ce que vous vouliez déjouer les attentes du public pour l’amener à réfléchir sur cette question ?
Hééé biiiien, non pas vraiment… Je n’avais pas cette intention… Pour moi, l’enjeu était surtout de jouer l’équilibre entre la comédie et le sérieux, comme si les deux côtés tiraient sur la même corde. Et ensuite, on essaye de savoir vers quel côté ça penche, quel côté, de la comédie ou du drame, sera le plus accentué. Et lorsque j’ai constaté que certains spectateurs riaient jusqu’avant la scène de seppuku, je me suis dit que j’avais gagné mon pari et que le film était réussi.
Est-ce que vous percevez une différence entre la réception de votre humour par le public japonais et le public français ?
Je fais un humour qui repose assez peu sur les dialogues, mais presque entièrement sur les actions et le visuel. Je pense donc que la réaction est à peu près similaire.
On sent un style très « cartoon » dans le film. Quelles sont vos influences comiques d’un point de vue visuel ?
Il est possible que parmi tous les réalisateurs de cinéma, je sois la personne qui a vu le moins de films ! Je n’ai été influencé par personne, et n’ai aucune connaissance sur le cinéma, en tout cas, je ne l’ai jamais étudié. Je réalise des films simplement, selon ma sensibilité, mon intuition. Et vraiment, rien ne m’a influencé.
Savez-vous où en est le remake hollywoodien de Dai-Nihonjin et quelle est votre implication dans celui-ci ?
Je ne suis pas au courant de l’évolution de ce projet.
Nous demandons à chaque réalisateur que nous rencontrons de nous parler d’une scène d’un film qui l’a particulièrement touché, fasciné, marqué et de nous la décrire en nous expliquant pourquoi.
Pouvez-vous nous parler de ce qui serait votre moment de cinéma ?
Hummmmmmmmmmmmmmmmmmmmm… Il doit y avoir des scènes qui m’ont marqué… Mais je n’ai rien qui vient ! Il n’y en a donc pas (rires) !
Avez-vous un dernier mot pour les lecteurs d’East Asia ?
J’espère que vous allez découvrir mon film, pour moi, c’est très important de faire des œuvres originales, qui surprennent le spectateur et le marquent. Je ne veux surtout pas faire des films qui sont vite vus et oubliés le lendemain.
Propos recueillis à Deauville le 09/03/2012 par Olivier Smach et Victor Lopez.
Images : Jérémy Coifman, Julien Thialon.
Traduction de Shoko Takahashi
Un grand merci à Florence Alexandre des piquantes !
Saya Zamuraï de Matsumoto Hitoshi, en salles le 07/05/2012