5 Ronin de Peter Milligan (Comics)

Posté le 4 avril 2012 par

Peter Milligan réinvente cinq personnages du Marvel Universe en les plaçant dans un menaçant Japon médiéval. Du chanbara super-héroïque doublé d’une troublante cruauté mélancolique. Par Victor Lopez.

Nous avions deux raisons d’attendre la publication de la mini-série 5 Ronin : La Voie du samouraï par les éditions Marvel. La première, et non des moindres, est le scénariste aux commandes de l’entreprise, Peter Miligan. L’auteur, irrespectueux et « so british« , a en effet récemment dynamité les mutants de la Maison des Idées avec sa version d’X-Force (puis X-Statix), réalisée avec son compère Mike Allred. Il s’associe sur ce nouveau projet avec cinq dessinateurs issus de la BD indépendante (et souvent européenne), pour réinventer quelques personnages phares de l’univers Marvel au temps du Japon féodal : l’indispensable Wolverine (dont la présence est pour une fois justifiée au vu des liens étroits qui unissent le mutant griffu au pays du soleil levant), Hulk, Psylocke, le Punisher, et le très à la mode Deadpool.

Le concept est en effet la seconde raison d’attendre ces 5 Ronin. Plonger les icônes super-héroïques dans un univers de chanbara permet de jouer avec les genres tout en affirmant le caractère mythologique des concepts décrits, transposable du New-York actuel au Japon du XVIIème siècle. De plus, en s’affranchissant d’une continuité complexe, l’œuvre peut aussi bien attirer l’amateur de manga ou de film japonais ne connaissant rien aux super-héros, que le marvelophile pointu, qui s’amusera des variations que subissent ses personnages fétiches. L’idée a d’ailleurs fait ses preuves et n’est pas nouvelle dans l’industrie des comics. On peut la voir comme un développement des célèbres What’s if des années 70, qui montraient ce que devenait la réalité Marvel si un personnage avait fait d’autres choix que ceux de la continuité classique ; et ressemble à une version asiatique de 1602, une mini-série dans laquelle Neil Gaiman et Andy Kubert replaçaient nos héros en collants dans l’Europe du XVIIème siècle, au début de la conquête du Nouveau Monde.

Entre un auteur prestigieux et un concept gagnant, auxquels s’ajoute la curiosité de lire un récit se déroulant au Japon mais pensés par des européens pour un public américain, on a donc bien envie de suivre la voie tracée par ces 5 Ronin. La première constatation est que Milligan s’octroie une très grande liberté interprétative, et que nos personnages japonais n’ont presque plus rien à voir avec ceux que l’on connaît, au point que le concept est presque plus un prétexte à raconter une histoire qu’un véritable traitement de l’univers Marvel au Japon. Presque, car le scénariste garde tout de même la problématique de l’inscription de personnages légendaires dans un monde troublé, et la question de savoir que faire de dons exceptionnels, toujours au centre des comics super-héroïques. Mais mis à part cela, les fans purs et durs de super-héros, cherchant un lien avec la continuité classique risquent d’être déçus. Le lecteur à la recherche de belles histoires aux atmosphères soignées peut quand à lui y trouver son compte.

Milligan signe alors cinq petits récits rattachés in fine par un fil narratif bien ténu, mais qui se complètent surtout par leurs thématiques. On y retrouve la figure du ronin comme celle du vétéran, perdu dans une société dont il ne fait plus partie. On a beau être plongé dans le Japon médiéval, les comics parlent encore de l’Amérique d’aujourd’hui mais l’inscription dans la culture nippone est tout de même bien présente, comme en témoigne  la très riche inscription culturelle ou scénaristique. Le chapitre 2 reprend par exemple le récit classique du village attaqué par des bandits des Sept Samouraïs. Les paysans vont faire appel à des samouraïs, qui vont remplir leur mission mais seront ensuite condamnés à la solitude, alors que les paysans, insouciants, reprendront leur vie.

C’est surtout cela qui frappe dans les récits de Milligan, ce portrait de la solitude du guerrier, qui s’épanouit dans la violence du combat mais dont la vie, les exploits, les pouvoirs, n’ont plus de sens en dehors de cellle-ci. S’accrochant à une illusion, ces héros vont alors trouver des justifications pour continuer le combat : la vengeance, l’honneur, etc. Mais tout ceci en pur perte, c’est la folie ou la solitude qui les attend au bout de leur voie.

Graphiquement, les traits réalistes de Tom Coocker (Chapitre 1 : Wolverine) et de Laurence Campbell (Chapitre 3 : Punisher) s’accordent parfaitement à la tragédie funeste qu’ils décrivent. À l’inverse, on peut être dans un premier temps surpris par les dessins très « cartoons / Manga », presque enfantins, de Goran Parlov (Chapitre 4 : Psylocke), mais le contraste entre leur naïveté apparente et la cruauté mélancolique du récit fait finalement mouche, et c’est le chapitre qui touche le plus, en métant à nu les contradictions d’une haine enfouit et mal dirigée.

Arrivé au bout de l’ouvrage, on ne regrette que la rapidité de la lecture, tant l’exercice, réussi, aurait pu être plus amplement développé, et reste en l’état, plaisant, intéressant, mais quelque peu anecdotique. Il ne nous reste plus qu’à contempler les beaux « Bonus » de l’éditions « Marvel Graphic Novels » (mention spéciale pour la couverture variant de Guiseppe Camuncoli), en attendant un futur développement, car on sait que chez Marvel, un bon concept, s’il est lucratif, ne reste jamais sous-exploité.

Victor Lopez.

5 Ronin de Peter Milligan, Tomm Coker, Dalibor Talajic, Laurence Campbell, Goran Parlov et Leandro Fernandez, édité par Panini Comics. Paru le 04/04/2012.

Disponible dans la collection 100% Marvel avec 5 variant covers et en édition Deluxe en Marvel Graphic Novel cartonnée avec des bonus.

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