Tandis que le wu xia pian est toujours en forme à Hong Kong et en Chine, et se vend très bien à l’international, La 14ème lame débarque dans nos bacs à DVD et Blu-ray pour en reprendre une dose. Alors finalement, est-ce que ce 14 Blades est deux fois mieux que Seven Swords ? A voir… Par Anel Dragic.
Blade to Blade
Daniel Lee n’est certainement pas le réalisateur hongkongais le plus prolifique, mais on ne peux pas dire pour autant que chacun de ses projets soit attendu comme le messie. Le metteur en scène n’est clairement pas un exemple de constance et sa filmographie est ponctuée de hauts et de bas. Ses débuts étaient pourtant prometteurs : son premier film What Price Survival, est un hommage aux wu xia pian de la Shaw Brothers filmé avec nervosité un an avant The Blade de Tsui Hark. Pas étonnant que ce dernier ait décidé de l’engager pour réaliser un épisode de sa série télé Wong Fei Hung, avant de produire le film le plus connu du réalisateur : Black Mask, dans lequel Jet Li devient un super-héros à la croisée des comics et arts martiaux. Une belle période qui marquera finalement ce qu’on retiendra surtout du réalisateur. La rétrocession passe par là et Lee met en boite quelques drames (Till Death Do Us Part, Moonlight Express, A Fighter’s Blues) avant de revenir à un cinéma plus commercial dès 2003 avec le très médiocre Star Runner où Vaness Wu donne la réplique à toute une tripotée d’acteurs has been que l’auteur de ces lignes adore. Le réalisateur retrouve Vaness Wu en 2005 dans son polar Dragon Squad, puis revient finalement au blockbuster en 2008 avec Three Kingdom : Resurrection of the Dragon, wu xia pian très quelconque qui lui permet de retrouver ses acteurs habituels et de continuer à rendre hommage à l’ancienne génération. Il était dès lors tout indiqué que Daniel Lee trouve sur sa route Donnie Yen, devenu la nouvelle star du wu xia pian…
Il était 892 fois en Chine
A la vue des œuvres du genre depuis le début des années 2000, assez peu de films se démarquent tant la production est uniformisée. Qu’attendre alors d’un wu xia pian de plus ? Peut-être justement la nostalgie d’un honnête artisan qui œuvra fût un temps pour la Film Workshop. Et il y a quelque chose de « Tsui Harkien » dans ce 14 Blades. On y trouve donc Donnie Yen, qui joue ici le rôle d’un soldat impérial appartenant à une milice secrète, la jinyi wei. Et qui dit soldat impérial dit du côté obscur. Il reçoit ses ordres de Law Kar Ying, qui joue ici un eunuque qui n’est pas dans rappeler certains personnages de Swordsman ou encore L’auberge du Dragon (rappelez vous, la production workshop où Donnie jouait… un méchant eunuque !). Manipulé puis trahi par Law Kar Ying qui l’envoie en mission récupérer un sceau impérial, Donnie va très vite devenir la cible de ses anciens compagnons d’armes. C’est donc au cours d’une bonne heure cinquante que notre héros va se repentir de ses actes, rétablir la vérité et botter le cul des méchants !
Le scénario n’est pas tellement neuf puisque ce cher Abe Kwong (réalisateur du très drôle Fighting to Survive, ici scénariste) s’inspire du classique de Tony Liu : Secret Service of the Imperial Court. Doit-on y voir un hommage aux films de la Shaw Brothers et à l’âge d’or du cinéma de Hong Kong ? Possible. Toujours est-il que Daniel Lee se fait plaisir et fait appelle à une pelletée d’acteurs old school (Sammo Hung, Chen Kuan Tai, Wu Ma, Fung Hak On, Damian Lau ou encore Law Kar Ying) pour compléter un casting déjà bien fourni. Entre autres, de la starlette mainland pour la Chine pop, (Zhao Wei, moins tête à claque qu’à l’accoutumée mais pas meilleure actrice pour autant) ou encore des jeunes minets pour appâter les ados (Kate Tsui, Qi Yu Wu, Wu Chun).
Ce qui fait toute la particularité du scénario, c’est peut-être la volonté de Abe Kwong de mettre la romance entre Donnie Yen et Zhao Wei sur le devant de la scène. Celle-ci joue une otage qu’utilise l’ancien garde impérial pour s’échapper. Faire reposer le film en grande partie sur ce duo est un choix assez discutable qui rend l’intrigue anémique et retire toute la cruauté du personnage de Donnie Yen. Dès lors, le scénariste semble oublier de laisser le personnage face à ses tourments intérieurs et préfère s’intéresser à leur relation qui passe progressivement de celle d’un preneur d’otage à sa victime à une romance tragique plus convenue. Un aspect qui aurait certainement permis au film de gagner en dynamisme s’il avait été mis de côté tant cette storyline prends trop de place et plombe le rythme d’ensemble.
Pieds plats à Hong Kong
Donnie Yen l’a bien compris : Pour assurer sa retraite pépère, il fallait délaisser le cinéma d’action. Se montrant de moins en moins impressionnant dans ses films de kung fu (les Ip Man sont loin de S.P.L niveau performance), l’acteur tourne désormais dans des comédies (All’s Well Ends Well 2011, Eight Happiness 2012) ou des wu xia pian (An Empress and the Warrior, The Lost Bladesman). Car soyons francs, le wu xia pian actuel, c’est un peu le film d’action flemmard. En général, plutôt que de démontrer ses prouesses physiques, l’acteur reste sur son cheval et les cascadeurs en prennent plein la figure avec des plans très serrés où l’on ne voit finalement pas grand chose. Heureusement, 14 Blades sort un petit peu de cette tendance probablement grâce à la nostalgie du réalisateur.
Le film comporte en effet quelques combats câblés qui tentent de renouer avec le style de la Film Workshop lors de quelques élans. Hélas, sans grande maîtrise ces plans se montrent trop artificiels. Les effets spéciaux ajoutés, notamment les ralentis et quelques trainées derrières les sabres sont plutôt kitsch. Il est probable que Daniel Lee ait voulu apporter un rendu pictural à ces images, l’homme étant également peintre, mais cela rappelle surtout certains effets vidéoludiques comme on en trouve plein les God of War et consorts. Dommage car le film est esthétiquement réussi à côté de ça. La photographie est belle, un soin est apporté aux décors et costumes, bien que la mise en scène soit parfois un peu maniérée. Les combats à l’épée se montrent en revanche peu lisibles, en raison de plans serrés destinés à cacher le statisme des acteurs, y compris Donnie Yen (quand on vous dit qu’il est déjà un pied à la retraite !).
Ku Huen Chiu, chorégraphe et ancien assistant de Yuen Woo Ping reprends beaucoup du style de ce dernier, surtout lors des échanges aux poings. Mais une fois de plus, les coups sont filmés de manière trop serrée, pour ne voir parfois qu’un poing traverser le cadre. Si le style peut rappeler certaines productions fauchées des années 80/90, pour un blockbuster ça la fiche assez mal. D’autant plus que Donnie n’arrange pas les choses et fait le strict minimum. En témoigne cette scène digne d’un album d’Astérix où la star met des claques à toute une bande de brigands en mangeant une cuisse de poulet de l’autre main.
Pas le plus moche ni le plus chiant des wu xia pian modernes, 14 Blades, sans être un film mémorable, reste néanmoins une production honnête qui parlera surtout aux fans de wu xia et kung fu old school. Malgré une déception quant à la qualité des scènes d’action, le reste du film est malgré tout plus intéressant que 80% de la production du genre actuelle. L’édition DVD et Blu-Ray présente en plus du film une interview du casting et de l’équipe, ainsi qu’une bande-annonce. Un programme somme toute assez basique, mais, vu le traitement réservé au cinéma asiatique à l’heure actuelle, on n’en attendait pas plus.
Anel Dragic.
La 14ème Lame (14 Blades) de Daniel Lee, disponible en DVD et Blu-Ray, édité par Universal, depuis le 04/10/2011.