A l’occasion de la sortie DVD de Panda, petit Panda, un inédit de 1973, East Asia revient sur la filmo d’un très grand nom de l’animation japonaise : Takahata Isao. Par Victor Lopez.
Si le nom de Miyazaki Hayao est familier du grand public français grâce à ses succès comme Princesse Momonoke ou Le Voyage de Chihiro, celui de Takahata Isao l’est déjà beaucoup moins. Et cette injustice mérite d’être réparée, tant l’aîné et collaborateur du réalisateur de Ponyo, est l’un des cinéastes parmi les plus talentueux du monde de l’animation. Le co-fondateur de Ghibli, au sein duquel les deux hommes produisent leurs succès depuis 1985, a en effet eut moins de chance avec le public occidental que son associé. Le Tombeau des lucioles, chef d’œuvre ayant participé à la reconnaissance mondiale de l’animation japonaise comme un art en présentant l’histoire bouleversante de cet enfant tentant de survivre en aidant sa petite sœur dans les décombres du Japon de la fin de la seconde guerre mondiale, est peut-être arrivé un peu trop tôt – 1996 – pour avoir le véritable succès qu’il méritait, tout en préparant le terrain pour l’imminent Princesse Momonoke. Si les critiques et les amateurs du genre ont souligné l’importance du film, le grand public est partiellement passé à côté. Mes Voisins les Yamada, hilarante chronique familiale adapté d’un comic strip, a aussi connu un succès d’estime, mais les thématiques étaient trop japonaises pour vraiment toucher les non-initiés. Les autres films du réalisateur sont sortis confidentiellement et dans le désordre, et sa rareté – Takahata passe environ 5 ans pour faire un film, et son dernier remonte à 10 ans – participe aussi à sa méconnaissance.
L’autre difficulté concernant Takahata est qu’il ne possède pas, contrairement à Tezuka, Otomo ou Miyazaki, un trait immédiatement identifiable, et qu’il change de dessinateurs et donc de style à quasiment chaque film. L’hyperréalisme poétique du Tombeau des lucioles prend la place du style semi-caricatural de Kié, alors que les Yamada évoluent dans un univers simplifié au maximum et fidèle aux cases du manga publié dans un journal quotidien dont il est adapté. A cette variété stylistique, s’ajoute une richesse thématique, qui rend son univers aussi difficile à identifier. Ses films évoquent aussi bien le Japon de la seconde guerre mondiale (Le Tombeau des lucioles), des créatures métamorphes vivant en marge de la société humaine (Pompoko) qu’un univers se référant aux mythologies nordiques (Horus, le prince du soleil). Mais au delà de ces différences, émerge dans chaque film un réalisme logique, rendant crédible dans son utilisation des détails ses fantaisies les plus incongrues. On retrouve aussi à travers toute la filmographie de Takahata un attachement à la figure de l’orphelin, obligé de grandir trop vite, mais dont la privation de l’enfance n’a entamé ni la droiture ni la détermination.
Son premier personnage majeur, Horus, le prince du soleil, répond déjà à ses caractéristiques en 1968. Perdant son père dès les premières minutes du film, le jeune homme décide d’affronter son destin avec courage et optimisme. On sent déjà la pâte Ghibli dans ce premier film, à la qualité d’animation exceptionnel, et qui arrive largement à battre Disney sur son propre terrain, tout en présentant un univers, certes encore naïf, mais par beaucoup de points plus adulte que son concurrent américain. Ce n’est pas l’avis de la Toeï qui produit le film à l’époque, et oblige Takahata, tenu pour responsable du retard pris par la production (certaines scènes du film ne semblent en effet pas terminées, et présentent des panneaux fixes et sonorisés contrastant avec la fluidité hallucinante de l’animation partout ailleurs) à quitter le studio. Il s’associe alors avec Miyazaki pour produire Panda, petit Panda, mais surtout une série d’anime révolutionnant la télévision des années 70 : le magnifique Conan, le fils du future, Lupin III, la première série d’animation japonaise pour un public adulte ou la tyrolienne Heidi.
Le retour au cinéma de Takahata a lieu au début des années 80, avec Kié, la petite peste (qui connait aussi une variation télévisuelle) et Gôshu, le violoncelliste (un hommage à l’univers de Miyazawa), et produit en 1984 l’adaptation du manga Nausicaä par son auteur Miyazaki. C’est l’année d’après que les deux hommes fondent les studios Ghibli, au sein desquels Takahata signe trois films majeurs : Le Tombeau des lucioles en 1988, Pompoko en 1994 et Mes Voisins les Yamada en 1999. Passionné par la culture française, le réalisateur, diplômé de littérature Française et ayant choisit sa voie après avoir été subjugué par La Bergère et le ramoneur de Paul Grimmaut, a depuis distribué au Japon Kiroukou ou Les Triplettes de Belleville. Et ni cette activité annexe, ni son âge – le monsieur est né en 1935 – ne l’empêche de travailler activement sur un nouveau projet, l’adaptation d’un conte populaire japonais. Initialement prévu pour 2010, Taketori Monogatari (qui peut se traduire par Le conte du coupeur de bambou) raconte l’histoire d’une petite fille venue de la Lune, découverte dans un Bambou et qui devient une femme à la beauté extraordinaire. On peut déjà avancer que c’est par ces mêmes adjectifs que l’on pourra qualifier ce film quand il sera prêt.
Victor Lopez.