Alors que Victor s’éclatait à Cannes, Yannik montait plus prosaïquement sur Paris pour couvrir une partie du cycle Le Cinéma japonais au surnaturel : les spectres de la Japan Horror de la MCJP. Certainement moins spectaculaire que les films de la croisette, mais tout aussi surprenant ! Journal de bord d’un week-end de J-horror Par Yannik Vanesse.
Arrivant à Paris le vendredi 20 mai, je m’apprêtais à découvrir la Maison de la Culture du Japon et une partie de la programmation de son cycle de films d’horreur… Mon périple débuta à 14h avec…
… Histoires vraies !
Et autant dire que la première découverte de cette programmation ne joue pas en sa faveur, « périple » étant un terme bien choisis en ce qui concerne ce film… Histoires vraies, réalisé par Tsuruta Norio pour le marché de la vidéo en 1991, soit à l’aurore du renouveau du genre, veut nous faire croire qu’il s’agit de reconstitutions d’histoires de fantôme véritables. Le postulat est évidemment amusant, et laissait espérer une sorte de best off de la J-horror, qui en poserait les bases à venir. Au lieu de cela, les scènettes (entre 10 ou 12, j’ai perdu le compte au bout d’un certain temps), mal filmées (on est véritablement revenu au temps de ces émissions type Mystères), mal jouées, cumulent les pires tares et les pires poncifs des histoires de fantôme japonais, sans le talent pour amener cela intelligemment. J’ai tout de même sursauté trois fois, mais cela reste assez léger, le reste nous enlisant dans un ennui assez phénoménal s’étendant sur 2h20 – parmi les plus longues depuis bien longtemps ! Le film étant de surcroit en trois parties, à deux reprises, je crus être libéré de mon calvaire par un générique salvateur, mais mon soulagement fut de courte durée ! Cependant, courageux, je parvins à rester jusqu’au bout…
Après cette première épreuve, j’eus juste le temps d’ingurgiter un sandwich aussi mauvais qu’onéreux, avant de retourner dans la salle, espérant que cette Histoires vraies ne soit qu’un simple cafouillage… Priant pour que les deux moyens métrages que j’allais voir soient intéressants.
Le premier s’appelait Le Bras, réalisé en 2010 par Ochiai Masayuki. Il dévoilait une histoire particulièrement surréaliste où un homme demande à une femme de lui prêter son bras le temps d’une nuit (!!!). Oui, il fallait l’oser ! Le rythme est assez lent, et l’histoire par moment difficilement compréhensible, mais l’ambiance étrange et dérangeante (il demande le bras pour des raisons fétichistes et va jusqu’à lui faire l’amour…), de même que le thème carrément « autre » font de ce film quelque chose qui mérite d’être vu…
Suivait Le Nez – oui, nous étions dans une thématique « partie du corps » – de Sang-il Lee, une histoire plus classique. Dans le Japon médiéval, un moine au nez non-seulement proéminent, mais surtout carrément difforme – il n’est pas Cyrano de Bergerac – fuit les moqueries en se réfugiant dans un petit village crasseux. Glauque au possible, avec un héros pathétique, l’histoire est intéressante et se suit avec plaisir jusqu’à sa fin aussi abrupte que cruelle.
Rassuré, je m’en allais dévorer un meilleur sandwich, avant d’attaquer le dernier film de cette journée, Le Démon du mont Ôe de Tanaka Tokuzo. Ce film, daté de 1960, nous fait visiter le Japon médiéval et m’offrant une excellente surprise : le meilleur film de la journée. Une histoire passionnante d’amour tragique, d’honneur, de trahison, où se mêle le fantastique, avec des démons volants, des araignées géantes et j’en passe, les effets spéciaux étant excellents !
Si le plaisir de découvrir au cinéma un film de 1960 est non négligeable, la journée du lendemain débuta par Le Mystère du shamisen hanté, daté, lui, de 1938 ! Réalisé par Ushihara Kiyohiko, il s’agit d’une histoire d’amour tragique et de vengeance d’outre-tombe, toujours à l’époque médiévale, assez classique, mais passionnante et plutôt angoissante. Les apparitions paranormales sont très bien mis en scène, nouvelle preuve qu’il n’est pas nécessaire d’avoir pléthore d’effets spéciaux pour montrer des fantômes. Un bon film, donc…
La journée ayant plutôt bien débutée, je m’attaque ensuite au film que j’avais particulièrement envie de voir, Cold Fish, encore inédit en France pour l’instant, mais bientôt distribué par Wild Side. Suicide Club m’ayant particulièrement marqué, j’avais hâte de découvrir le nouveau Sion Sono. Et je ne fus pas déçu ! Malsain, gore, violent et dérangeant, le réalisateur ne s’est pas assagi et marque le spectateur avec cette histoire de tueur en série, de soumission, de folie : une critique de la société japonaise effroyable… D’excellents acteurs, des effets spéciaux diablement réalistes, voilà un film qui vaut le détour !
Et on termine en beauté avec Orochi (2008) de Tsuruta Norio, l’histoire d’une créature surnaturelle s’intéressant par hasard à la destinée d’une riche famille sur laquelle pèse une lourde malédiction – qui n’est pas forcément celle qu’on croit. Violente, malsaine, effrayante et intelligente, cette cruelle histoire est vraiment passionnante, et nous révèle que, comme souvent, l’horreur humaine est bien plus terrible que le pire des monstres…
Si ces deux jours ne m’ont permis que de survoler la programmation, et si je ne peux donc pas la juger dans l’ensemble, j’ai pu voir des films allant de 1938 à 2011, voir le pire – Histoires vraies – comme le meilleur – Cold Fish, et j’ai même pu découvrir des moyens métrages… J’aurais certes adoré revoir – et au cinéma – Marebito et Ring, me pencher sur le cinéma muet, ou encore découvrir tous ces films que je ne connais pas, mais ces deux jours ont été une plongée passionnante et délicieusement dérangeante dans l’horreur made in Japan, une expérience que je réitérerais avec une grande joie ! Et voir ces films sur grand écran, sans bande annonce ou publicité, dans un silence religieux, sans que personne ne mange ou ne boive… Quel bonheur !
Yannik Vanesse.
Le cycle : Le Cinéma japonais au surnaturel : les spectres de la Japan Horror s’est tenu à la MCJP du 06/05/2011 au 01/06/2011. Plus d’informations ici.