Flag de Takahashi Ryosuke et Terada Kazuo – Coffret intégral de la série + film (DVD)

Posté le 15 juin 2011 par

Après un remontage quelque peu laborieux et décousu (lire notre critique ici), Flag de Takahashi Ryosuke et Terada Kazuo revient dans sa version originelle : une série en treize épisodes de 25 minutes. Une version qui rend justice au travail des deux réalisateurs. Par Jérémy Coifman.


Après des années de guerre civile, le peuple d’Uddinaya est las. Il n’y a aucun répit, aucun espoir. Pas un seul jour sans sa nouvelle tragédie. Certains continuent d’y croire, de se battre pour la paix. L’arrivée des casques bleus est peut-être synonyme de renouveau. Mais c’est une journaliste qui va faire s’enclencher un processus de paix que tout le monde n’espérait plus. Une photo, il aura suffit d’une photo. L’art comme moyen d’expression, comme dernier espoir. L’art qui déplace des montagnes.

Saeko photographie et filme comme elle respire. Elle ne sait pas pourquoi, tout du moins pas encore. Ce jour là, elle se trouvait au bon endroit, au bon moment. La photographie qu’elle prend met en valeur un drapeau, nouveau symbole de paix. Mais dans un pays à l’équilibre si précaire, il suffit que le drapeau disparaisse pour que l’appaisement soit fragilisée. L’art ne peut pas tout régler. Symbole de la paix, Saeko suivra celles et ceux qui vont lutter pour la reprise de ce drapeau, parce qu’elle ne sait faire que ça, parce que c’est nécessaire, parce qu’il faut montrer au monde ce qu’il se passe. Après tout c’est un reporter.

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Keiichi est également reporter. Ami de Saeko, c’est lui qui l’emmènera en Uddinaya. Son quotidien, c’est la vie dans la capitale, Subasci. Ses bombardements touchant les civils, ses rencontres. Parfois il se demande où se trouve Saeko, il s’inquiète. Alors il prend des photos, il filme, parce que c’est tout ce dont le pays a besoin.

Une nouvelle vie commence pour Saeko, dans la base du SDC, troupe d’élite de l’O.N.U. De nouvelles rencontres, de nouvelles photos.

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On pense à Chris Marker et à sa Jetée, ça tombe bien Takahashi en est fan. Saeko capte des instants, un sourire, un regard. Pas un seul plan ne sera pas subjectif. Tout est vu au travers de l’appareil photo, de la caméra où de la webcam. C’est documentaire, toujours au plus près de l’action, essayant de saisir le moment. L’atmosphère en devient lancinante et belle à la fois, touchante.

Saeko découvre la face caché d’un pays, ce qu’on ne voit pas dans les journaux télévisés. Une vielle dame au seuil de la mort, autrefois belle comme une fleur, un médecin au grand cœur ou tout un village de nomade. Elle découvre les couchers de soleil, les montagnes. Elle se découvre également. Trouvant une raison à son acharnement. Pourquoi photographies-tu tout ce que tu vois ? Pourquoi ne laches tu pas ton appareil Saeko ? Parce qu’elle aime, tout simplement. Au fil des treize épisodes, Saeko trouvera ce pourquoi elle vit. Elle apprendra à aimer ces hommes et ces femmes, qui risquent leur vie pour un drapeau, parce que c’est leur boulot. Elle les photographiera, meurtris, heureux, en colère. Elle fera ressortir leurs doutes, leurs peurs, mais aussi toute leur noblesse.

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Keiichi subira les combats, côtoiera la mort. Mais il sera toujours là, comme ses confrères journaliste. Il les retrouvera dans ce petit bar, sorte de quartier général de fortune. Il cherchera, recoupera les informations. Flag est aussi une histoire sur le journalisme. Le danger qui rôde, le scoop à tout prix, la promiscuité. Le journaliste peut être roublard, mais il est aussi parfois investi. Keiichi se sent investi d’une mission. Cette femme qu’il a rencontré à changé son regard sur les choses.

Dans Flag, il y a beaucoup de non-dits. Mais parfois un cliché vaut beaucoup plus que des mots. Saeko photographie ce bel officier Japonais pendant son footing, le filme à son insu. L’amour de Keiichi pour une native d’Uddinaya nait en une photo prise pendant un coucher de soleil.

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Flag parle également du métier de soldat, de tout ce que cela implique dans la vie d’un homme. Les responsabilités, le poids de la culpabilité, le sens du devoir. La série dresse un portrait assez juste, souvent touchant.

Parfois le temps se fait long. Le récit prend son temps. Ce que ne faisait pas le film. Mais ce sont ces temps si longs, ces petits riens, qui donnent toute sa saveur à Flag. Là où le film échoue, la série éblouit. Nous rappelant dans certaines scènes Six Feet Under pour sa vision de la vie, et Salvador d’Oliver Stone pour sa vision du reporter, Flag est passionnant. Brassant des thèmes incroyablement poignants et matures, assurant un certain spectacle (des scènes de Méchas très bien rythmées), et reposant sur un concept formel très audacieux et passionnant, Flag est une série animée d’une très grande qualité. La série n’évite toutefois pas un certain manichéisme et un simplisme qui touche à la naïveté, mais au vu de ses grandes qualités on le lui pardonnera.

Jérémy Coifman.

Flag de Takahashi Ryosuke et Terada Kazuo – Coffret intégral de la série + film, disponible en DVD édité par WE Prod depuis le 15/06/2011.