Le Roi des ronces de Katayama Kazuyoshi (DVD)

Posté le 8 juin 2011 par

Après Appleseed (OAV), Katayama Kazuyoshi flirt à nouveau avec l’apocalypse en reprenant le manga de Iwahara Yuji façon animé sanglant. Ça s’intitule Le Roi des ronces et c’est sorti en DVD/Blu-Ray en juin dernier. Allez hop, j’enfile mon armure pour la critique car qui s’y frotte s’y fritte et ça devient épique ! Par Dorian Sa.


« Peut-être ne sommes-nous tous que des reflets à l’intérieur du rêve d’un autre ?»

Marco le guerrier

LE PITCH

En 2015, l’odyssée de l’espèce humaine est menacée par Medousa, un virus infernal extrêmement contagieux. Par mesure de sécurité, 100 individus sont cryogénisés dans les laboratoires de Venus Gate, en attendant la découverte d’un vaccin. Pourtant, seulement sept d’entre eux survivront à un réveil massacrant. Pris au piège de la forteresse scientifique, ils devront unir leurs forces pour sortir de ce guet-apens sans se faire déchiqueter par les Tricératops qui les pourchassent. La jeune Kasumi Ishiki a l’air innocente mais semble pourtant plus impliquée que quiconque dans le processus de contamination. En remontant à la source du chaos et en maîtrisant ses pensées vagabondes, elle parviendra sans doute à découvrir comment tout a basculé…

LE STAFF

Illuminant les éditions Soleil depuis 2006, le manga de Iwahara Yuji se décline en 6 volumes dans les bacs français. Mis en mouvement par Katayama Kazuyoshi (signant dans la foulée le script avec Yamaguchi Hiroshi) et produit par les Studios Sunrise (Steamboy, Cowboy Bebop), Le Roi des ronces met à jour la tendance « survival horror » qu’on croyait essoufflée.

Au menu, les préceptes des films d’action rompus aux codes des jeux vidéo d’aventures gores sont broyés au blender et servis en Bloody Mary avec une paille pour aspirer les grumeaux. Un cocktail à 30% Tomb Raider et à 70% Resident Evil qu’on ne saurait trop vous conseiller de consommer avec modération.

En roue libre, cette version impose 2/3 variantes au contenu originel de son ainée (moins de protagonistes, un background différent pour les rescapés et une fin alternative inédite). Ajoutez des héros croqués par Matsubara Hidenori (character designer sur Evangelion) et des monstres (d)ébauchés par Ando Kenji (Origine) et vous verrez renaître de ses cendres un suspens qu’on pensait dispersé aux quatre vents par les fanatiques !

Sur la bande son, Sahashi Toshihiko excite nos sens à coups d’arias entêtantes, tandis qu’au générique de fin, Misia (clone japonais de Kylie Minogue, enfin sans la grâce…) sert une soupe populaire techno-acidulée au titre édifiant : « Edge of this world » !

En compétition dans divers Festivals européens, Le Roi des ronces n’a pourtant jamais été primé nulle part. Essayons de comprendre pourquoi malgré toutes ses tentatives d’accession au trône, le peuple cinéphile lui a toujours boudé le droit de poser une couronne de ronces sur sa tête de Roi !

LE SPEECH

Qui a dit : « rien ne se crée tout se transforme » est un génie pour l’auteur. Malheureusement pour lui, au pays du recyclage l’innovation est reine. Ici, il sort de sa filmothèque les classiques SF qui l’inspirent et concocte un hommage à ses pères sous la forme d’une mixture indigeste. Pot-pourri aussi retord qu’Inception (sans les talents d’orfèvre de Nolan), ça fleure moins le lys des montagnes forestières que la bouse de mammifère ruminant.

Que Katayama assume ses références avec fierté, tant mieux, c’est tout le mal qu’on lui souhaite, mais ce qui nous importe c’est le résultat, et en l’occurrence, son bébé nourrit à la private joke auto-référencée nous demeurera souvent impénétrable. Ces subtilités mises à part, le reste est du niveau CM2, ouf !

Comme dans Je suis une légende – où la population mondiale se retrouve contaminée par un Micro-organisme infectieux extrêmement transmissible, comme dans Hibernatus, puis plus récemment dans Demolition man et Vanilla Sky (remake de Abre los ojos pour les puristes) – qui furent les premiers long-métrages à aborder le thème de la « cryogénisation », comme dans Perfect Blue – où le rapport à la gémellité glisse vers la schizophrénie (bipolarité sujette à toutes les confusions oniriques possibles), comme dans Cube – où les prisonniers d’un édifice labyrinthique ne s’échapperont qu’au péril de leur vie, comme dans I robot – où un puissant ordinateur doté d’une intelligence artificielle nommée V-I-K-I (l’équivalent d’A-L-I-C-E ici) détient des informations secrètes qui pourraient bien résoudre le Schmilblick de tout cet imbroglio, comme dans Matrix – dont les « capsules dortoirs » empilées sur plusieurs étages plongent les cobayes dans les limbes de l’hyper-sommeil, comme dans Alien – qui voit son équipage poursuivit par des créatures diaboliquement voraces, comme dans Exitenz – qui mélange habilement les univers virtuels avec la réalité jusqu’à ce qu’on les confonde ; enfin, comme dans Jayce et les Conquérants de la Lumière – la série TV des années Club Dorothée qui opposait mille plantes transgéniques à une poignée de valeureux résistants ; comme tous ces précurseurs, Le Roi des ronces a pour unique dessein de transcender la simple épopée futuriste pour s’inscrire parmi les chef-d’œuvres du genre. Malheureusement, on en est loin !

La mise en place de l’intrigue se déroule pourtant très honorablement. Un environnement agréable à regarder, des sœurs jumelles en jupes à plis écossais, la palpitation d’une menace imminente et une double narration en voix off, captivée par un projet énigmatique baptisé : « opération Belle au bois dormant ».

J’étais confiant, et vous aussi… Mais voici qu’une sieste cryogénique engendre un parcours du combattant complètement banal. L’itinéraire kamikaze du groupe démarre au milieu des fauves affamés, encerclés par les épines géantes qui recouvrent les murs. Rapidement, les caractéristiques attachantes du jeu d’aventure disparaissent à mesure que le scénario s’obscurcit sur fond de castagne répétitive. Malgré son contexte High Tech médiéval, cet ovni à l’ambition Dantesque n’a pas su s’extirper d’une adaptation confuse et peu soignée.

Côté graphique, les paysages sont jolis pendant le premier quart d’heure, mais le contraste entre les souvenirs d’une époque « formidable » et le décor d’un présent dévasté met en contradiction des palettes de couleurs antagonistes. Les dégradés de marron et de vert, tirant davantage vers le purulent étron que vers l’ébène clair, sont notamment catastrophiques. On remarquera que la mocheté et l’horreur ont besoin d’une ligne esthétique pour convaincre, car n’est pas Francis Bacon qui veut. Si les satanés vilains doivent nous provoquer du dégoût et la violence nous révulser, l’harmonie du geste et la pureté des pigments doivent être respectés.

Heureusement, les rebelles sont là ! Voilà Tim, le gamin passionné de bastons sur PSP, Cathy l’infirmière qui le pouponne, un sénateur bedonnant, l’ingénieur à lunettes trop poli pour être honnête, le sous-lieutenant Britannique Marco Owen alias le petit fils de Ken le survivant, son homologue policier qui le déteste amicalement, et enfin Kasumi Ishiki, moitié de jumelle héroïque, psychotique mais sympathique. Toute la petite troupe s’évertue à casser du dinosaure avec un certain désenchantement comique. Alors que les bâtards pas glorieux ont des gueules pas crédibles et la langue pendante, notre bande de soldats est en revanche bien sentie. La richesse de leur passé est survolée, mais chacun fait usage de ses aptitudes particulières au moment propice pour justifier sa place au front. Ça fait toujours un point positif, même si cela ne suffit pas à sauver le reste.

Verdict :

En résumé, si au troisième visionnage quelque chose vous échappe encore, ne paniquez pas. Vous aurez gagné mon empathie, mon estime même, et j’aurai le plaisir de féliciter votre ténacité en vous remettant une couronne de ronces griffée par un Tricératops agonisant…

Le Roi des ronces ayant manifestement été conçu un soir de very bad trip sous acide, il conviendra mieux à des ados friands de gueguerres qu’à des adultes accomplis ayant passé l’âge. Hmmm… Pas glop !

LES PLUS (BONUS DVD)

* Les 5 trailers

Vous me direz mieux vaut cinq que zéro et je vous assurerai que la qualité doit primer sur la quantité.

Ok, les néophytes comprendront enfin la valeur du montage et des morceaux choisis dans la construction d’un extrait. En quelques secondes, le distributeur a la lourde tâche de sélectionner puis d’agencer des bribes de scènes avec un souci d’efficacité tape-à-l’œil qui induira probablement le spectateur en erreur. Voici donc cinq façons distinctes d’assembler un échantillon, soit cinq manières singulières de stimuler notre imaginaire. A moins d’être mordu de chez mordu et de se prosterner chaque matin en l’honneur du Roi des ronces, ce supplément n’a que peu d’intérêt.

* L’entretien de presse en présence du public

Katayama Kazuyoshi et Tsuchiya Yasumasa (le producteur chez Sunrise) y justifient des choix en matière de personnages et de synopsis… Ils exposent tous deux leurs méthodes de travail. Le producteur raconte à quelle occasion ils se sont rencontrés et pourquoi il a finit par engager Katayama, etc.

C’est ennuyeux – sauf pour les jusqu’au-boutistes qui au petit matin se prosternent… On ne vous prendra pas en grippe si vous zappez !

* L’interview du réal’

Idéale pour les paresseux du cerveau, les étourdis ou les impatients. On y comprend mieux la démarche du créateur – pourquoi chaque détail a son importance, en quoi le conte imbriqué dans le récit est porteur d’un message profond, tout ça tout ça.

Il paraît que la confusion apparente est voulue (mission accomplie !). Le réalisateur ne se prive d’ailleurs pas de blaguer avec lui-même et de s’auto faire rire – un peu comme dans Le Roi des ronces finalement. Mais soyons indulgent, un sage a dit un jour : « il faut rire de soi avant que les autres ne rient de vous ». Pour le reste, on fait confiance à vos goûts pointus pour dépareiller les vrais artistes des imposteurs…

Dorian Sa.

Le Roi des ronces de Katayama Kazuyoshi, disponible en DVD, Blu-Ray et Combo, édité par Kazé depuis le 08/06/2011.