La Ballade de l’impossible (Norvewian Wood) de Tran Anh Hung arrive sur les écrans français le 4 mai. En attendant la critique détaillée, voici nos premières impressions sur l’adaptation de Murakami vue à Deauville. Par Victor Lopez.
I once had a girl, or should I say, she once had me…
She showed me her room, isn’t it good, Norwegian Wood ?
The Beatles, Norwegian Wood
Après le Velvet Underground et Lou Reed dans À la vertical de l’été, on s’attendait à entendre des morceaux des Beatles envahir tout l’espace sonore de La Ballade de l’impossible, le nouveau Tran Anh Hung dont le titre original, Norwegian Wood laisse entendre l’influence du groupe de Liverpool. Surprise, ce sont plutôt des morceaux de Can qui sont employés, alors que les compositions de Jonny Greenwood, guitariste de Radiohead et orchestrateur de la sublime B.O. de There will be blood de Paul Thomas Anderson, finit d’envouter le mélomane. Le cinéphile, quant à lui, essaye tant bien que mal de se laisser porter par la mise en scène langoureuse de Tran, mais finit, malgré ses efforts, par décrocher pour se laisser bercer uniquement par la bande-son et l’atmosphère désespérée du film.
Ce n’est pourtant pas la faute du récit, adapté du best seller de Murakami, dont les passionnantes thématiques donnent une consistance immédiate à l’œuvre. On est happé dans la première demi-heure par la densité dramatique de la situation, qui traite avec subtilité de la perte d’un être au sein d’un couple sur fond de révoltes étudiantes japonaises de 1967. Inutile cependant d’y chercher un rapport avec le travail de témoignage du Wakamatsu de United Red Army : le film laisse de côté l’Histoire pour se concentrer sur le drame adolescent. Lorsque des étudiants en colère interrompent un cours sur Euripide sous prétexte qu’il y a des choses plus importantes, le professeur mis à l’écart leur rétorque que rien n’est plus important que la tragédie grecque, et Murakami comme Tran sont bien d’accord avec lui.
Rien non plus à reprocher aux acteurs, qui incarnent leurs personnages avec autant de justesse que d’années qui les séparent de leurs rôles. Kikuchi Rinko est comme à son habitude sublime et on espère que cette prestation lui permettra d’avoir enfin la reconnaissance qu’elle mérite au Japon. Et si l’on pouvait craindre l’interprétation de Matsuyama Kenichi, idole échappée de mangas-live ( Gantz, L), on est heureux et surpris de découvrir ici un véritable acteur.
D’où vient alors ce sentiment de déception face à une œuvre en apparence réussie, mais profondément bancale ? De la mise en image de Tran Anh Hung. On redécouvre d’abord avec bonheur sa touche impressionniste, balayant de ses longs plans ultra-composés les événements par ses atmosphères travaillées. Il habille son drame en filmant avec pudeur ses personnages en leur tournant autour, cachés par des filtres et divers objets, puis se rapproche d’eux en scrutant avec proximité leur épidermes. Au bout d’une demi-heure, on se souvient cependant que cette décoration était déjà ce qui faisait toute sa mise en scène de sa trilogie vietnamienne, et la lassitude fait bientôt place à l’ennui devant un procédé qui relève plus d’une mécanique que d’une esthétique. La douleur sonne alors artificielle, le drame faux, et l’on se détache de cette histoire, qui ne nous intéresse au final plus du tout lorsqu’elle est ainsi mise en image.
Victor Lopez.