Second long métrage de la réalisatrice So-Yong Kim, Treeless Mountain raconte l’errance de deux sœurs abandonnées de toutes parts. Vrai drame social ou pur chantage émotionnel ? Un peu des deux en fait… Par Jérémy Coifman.
Jin et Bin vivent avec leur mère dans un modeste appartement de la ville de Séoul. Tout est exigu, vide et froid. Jin va à l’école, rentre chez elle, repart à l’école. Elle ne peut même pas se permettre de jouer avec ses camarades, il faut qu’elle soit toujours à l’heure, c’est sa mère qui lui rappelle tout le temps. Elle a six ans, et pourtant elle a déjà beaucoup de responsabilités. Une mère un peu absente, qu’on sait, elle aussi, abandonnée par son mari. Treeless Mountain affiche d’emblée son spleen.
Vient l’heure de la séparation, Jin et Bin doivent aller vivre avec leur tante. Elles ne vont plus à l’école, livrées à elles-mêmes. C’est le moyen pour elle d’approfondir leur lien. Dans Treeless Mountain, tout est filmé à hauteur d’enfant, tout est perçu avec leur regard. Sans manichéisme aucun, So-Yong Kim montre les adultes comme les deux enfants les perçoivent. La mère est un peu autoritaire, mais brisée. On ne comprend pas vraiment pourquoi, on le ressent juste, comme Jin et Bin. La tante est alcoolique, égoïste, mais aussi par moment affectueuse ou compatissante. Elle offre un toit aux deux jeunes filles, et malgré elle, apprend à Jin et Bin à être solidaire. La grand- mère est aimante, humble, mais parfois incompréhensible. Cette vision enfantine est vraiment bien rendue.
La montagne sans arbre du titre, c’est cette petite colline de terre où les deux sœurs observent si leur mère n’est pas rentrée. En partant, leur mère leur a dit que quand elles rempliraient leur tirelire, elle reviendrait. Elles vont donc tout faire pour y parvenir. On les observera vendre des sauterelles grillés par exemple. Cette innocence est très touchante. On pense évidemment au Nobody Knows de Kore-Eda dans cette représentation de l’enfance abandonnée. C’est moins grave que le film du cinéaste japonais, mais aussi moins réussi.
Par moment, à trop vouloir épouser le point de vue des enfants, on nous prend un peu au piège, c’est ce qui rend ce Treeless Mountain quelque peu dérangeant par moment. Comme dans cette scène ou la tante lit la lettre de la mère. So-Yong Kim appuie là ou ça fait mal, parfois trop. La démarche est toutefois louable. La réalisatrice Américano-Coréenne filme avec justesse. Dans un style quasi documentaire, sans musique, elle arrive à rendre avec brio une certaine mélancolie. On sent l’enfermement avec les plans d’intérieur ou de la ville, le temps qui passe aussi. Elle se perd parfois dans des plans de transitions censés être poétiques, mais qui sont assez vains.
Treeless Mountain montre également la vie dans trois endroits différents. On passe de la grande ville, à la petite commune pour finir à la campagne. Peu à peu, les enfants se libèrent de certaines contraintes. Jouant avec leurs Pogs en ville, vendant des sauterelles plus tard, elles finiront par revenir à la terre, en toute simplicité. Ce retour aux sources leur sera salutaire. C’est par une relation toute simple avec leur grand-mère paysanne qu’ils retrouveront une certaine stabilité. Elles se sentent enfin utiles, appréciées. Les voir donner à leur grand-mère leur tirelire pour acheter des nouvelles chaussures est très émouvant. Et bien que l’on sache que ce n’est pas très honnête, on ne peut que fondre devant la bouille satisfaite des deux enfants.
En résulte un film assez touchant, quand on est préparé. Sinon, on en voudra un peu à So-Yong Kim de trop vouloir jouer sur la corde sensible. Mais entre les larmes, on entrevoit de bien belles scènes. Entre une caresse, un regard bienveillant ou un fruit partagé, on trouve une simplicité qui touche au sublime.
Jérémy Coifman.
Verdict :
Treeless Mountain de So-Yong Kim, disponible en DVD depuis le 01/03/2011 édité par Spectrum Films