Dans sa volonté d’exhumer le patrimoine cinématographique hongkongais dans ce qu’il a de pire et de meilleur, Metropolitan allait bien finir par nous sortir un navet. Et ledit navet de prendre la forme de Witch From Nepal ( Le Sorcier du Népal chez nous) de Ching Siu-Tung, pour venir assommer le spectateur avec un voyage lancinant et totalement vain qui ne dure heureusement qu’une petite heure et demi. Par Anel Dragic.
Réalisé en 1986, Witch From Nepal est le deuxième long de Ching Siu-Tung. Produit par la Golden Harvest, la film se paie un Chow Yun Fat en tête d’affiche, quelque mois avant qu’il n’explose dans le rôle de Mark Gor, héros d’A Better Tomorrow de John Woo. En délocalisant son action dans les beaux paysages du Népal, le métrage nous conte alors un voyage qui sera tout sauf paisible (quoique).
Fatal Vacations
L’histoire tiens sur un demi-ticket de métro. Dans les montagnes himalayennes du Népal vit une tribu de demi-dieux qui, comme nous l’apprend le résumé au dos de l’édition Joy Sales (parce que dans le film ça ne se voit pas tellement, a hérité de pouvoirs surhumains. Le chef de la tribu se fait vieux et charge son esclave Sheila ( Emily Chu) de trouver un successeur en la personne de Joe ( Chow Yun Fat). Par le plus heureux des hasards, Joe et sa femme Ida ( Yammie Nam) sont justement venu faire du tourisme dans le coin. Mais tout cela serait trop facile si un terrible sorcier ( Dick Wei) n’était pas à leurs trousses.
Avec une idée de départ pareil, on aurait put s’attendre à une honnête série B mais on se retrouve finalement face à un vrai film de vacances, et ce dans tous les sens du terme. Car outre le personnage de Joe qui passe son temps à faire du tourisme, toute l’équipe semble s’adonner aux plaisirs du fare-niente. Les acteurs font le strict minimum, les dialogues se comptent sur les doigts d’une main, et Ching Siu Tung semble aussi en pilote automatique, nous livrant une de ses œuvres les moins spectaculaires.
Qu’est-ce qui justifie au final cette production ? Le scénariste Chui Jing-Hong ne cherchait visiblement qu’un prétexte pour envoyer une équipe grassement payée en faire le moins possible dans les beaux décors du Népal. C’est bien simple, durant tout le film, il ne se passe absolument rien ! Voilà à quoi peut se résumer l’action: Chow Yun Fat se promène en éléphant, Chow Yun Fat tombe de l’éléphant et se retrouve à l’hôpital, Dick Wei court sur une route, Chow Yun Fat rencontre Emily Chu et trompe sa femme, Dick Wei court dans les champs, Chow Yun Fat regarde le ciel, Chow Yun Fat trompe sa femme une deuxième fois, Chow Yun Fat prends son café, Dick Wei court dans une rue, Chow Yun Fat ramène sa maîtresse à la maison et se montre tout surpris de voir sa femme piquer sa crise, Dick Wei ressuscite des zombies, Chow Yun Fat affronte les zombies, Chow Yun Fat affronte Dick Wei, Chow Yun Fat gagne !
Comme vous l’aurez remarqué, le scénario se montre hautement subtil et aligne les idées maladroitement, sans cohésion, sans aucun enjeu berçant le spectateur qui n’attend qu’un rebondissement pour se réveiller, ce qui n’arrive malheureusement qu’à la fin du film avec quelques scènes d’action, dont on se demande si elles ne sont pas apparues là accident.
Histoires de Sorcier chinois
Déjà réalisateur du très bon Duel to the Death et juste avant son classique A Chinese Ghost Story, Ching Siu Tung était pourtant tout indiqué pour mettre en boite des séquences d’action efficaces qui auraient pu dynamiser toute cette histoire. Mais non, trop enlisé dans sa routine vacancière, le film ne décolle jamais véritablement et ne tient pas ses promesses.
Malgré un pitch qui tient du fantastique, le métrage ne relève finalement qu’assez peu du genre en question préférant s’attarder sur les activités vacantes de Joe, ou sur la romance entre celui-ci et les deux personnages féminins. Un moyen pour le réalisateur d’instaurer un rythme lent, pas forcement ennuyant, mais à l’opposé de ce que l’on peut attendre d’un film appelé Witch From Nepal. Il ne faut donc pas espérer une débauche d’effets visuels et un bestiaire de folie, et ce n’est pas avant les vingt dernières minutes que l’action pointe le bout de son nez.
Le final se montre en effet plus rythmé. Dick Wei faisant sortir de terre une poignée de zomblards tandis que Ching Siu-Tung shoot ça comme le John Landis de Thriller. Une séquence sympathique, bien que trop courte, qui voit les personnages principaux se faire attaquer de toute part et qui se prolonge sur le final entre Chow Yun Fat et Dick Wei. Si ce dernier est un excellent artiste martial, ce n’est malheureusement pas dans ce film qu’il fait étalage de ses capacités techniques. En se contentant de bondir et de rugir (son contrat stipulait peut-être qu’il n’aurait pas de dialogues), Dick Wei néglige le kung fu pur et Ching Siu Tung démontre son intérêt pour les combats câblés. Hélas, ces chorégraphies se montrent bien fades, voir totalement inintéressantes, surtout en comparaison du reste de l’œuvre du réalisateur.
Reste malgré tout une qualité esthétique assez séduisante. Une belle photo, de belle lumières, surtout celles nocturnes virant au bleuté, une musique sympathique très canto-pop, de quoi combler un vide scénaristique et porter le spectateur sur la durée. Cette belle mise en forme contrebalance assez bien le vide de l’intrigue pour que l’on ressente la présence de bons techniciens derrière la caméra, mais cela n’efface en rien l’idée que ceux-ci se laissent aller à ne faire que le strict minimum.
Au final, Witch From Nepal est une erreur de parcours dans la filmographie de son réalisateur. Bien filmé mais dénué d’intérêt, le film parviendrait à monter contre lui même le plus indulgent des fans de ciné HK. Cela dit, peut-être qu’une diffusion sur Arte à 4h du matin aurait des chances d’accrocher le spectateur insomniaque, car, grâce à son atmosphère malgré tout poétique et envoûtante, le film se montre assez hypnotique.
Anel Dragic.
Verdict:
Le Sorcier du Népal (Witch from Nepal) de Ching Siu-Tung. DVD édité par Metropolitan Filmexport, disponible depuis le 20/01/2011.