Saawariya de Sanjay Leela Bhansali (Preview Bollywood)

Posté le 5 février 2011 par

Sorti en 2007 sur les écrans, Saawariya signait le grand retour de Sanjay Leela Bhansali, réalisateur du poignant Black (2005) et du sublime Devdas (2003). Saawariya est mis à l’honneur au festival Made in Asia de Toulouse, occasion de (re)découvrir le premier Bollywood entièrement financé par une maison de production américaine :  Sony. Par Sonia Recasens.

Sanjay Leela Bhansali, qui nous avait laissé en transe devant le tragique et époustouflant Devdas, revient en 2007 avec une nouvelle histoire d’amour. Inspiré de Nuits Blanches, une nouvelle de Dostoïevski, Saawariya conte l’histoire de Raj ( Ranbir Kapoor), un artiste vagabond fraîchement arrivé dans une ville mystérieuse et atemporelle. Embauché comme chanteur dans un cabaret, Raj découvre le quartier modeste de la ville, où il est accueilli par Gulabjee, une prostituée qui ne tarde pas à tomber amoureuse de ce doux idéaliste. Interprétée par Rani Mukherjee, Gulabjee joue aussi la narratrice pour le spectateur de sa voix doucement rauque. Errant dans les rues de cette ville mystérieuse aux décors de films hollywoodiens des années 1950, Raj tombe sous le charme de Sakina ( Sonam Kapoor), dont le regard mélancolique guette le retour de l’homme qu’elle aime: Imaan ( Salman Khan). Épris d’amour, Raj tente par tous les moyens de conquérir le cœur de la douce Sakina, qui elle s’attache désespérément à la promesse du retour de son bien aimé le soir de l’Aïd…

Ranbir Kapoor, fils de l’acteur, producteur et réalisateur Rishi Kapoor, et Sonam Kapoor, fille de l’acteur Anil Kapoor – le Jean-Pierre Foucault dans Slumdog Millionnaire, c’est lui – font ici leurs premiers pas devant la caméra. Tous deux assistants de Sanjay Leela Bhansali sur le tournage de Black (2005), ils se voient offrir pour leur premier film les rôles principaux d’une super production bollywoodienne. Les super stars que sont Rani Mukherjee et Salman Khan sont ici reléguées aux seconds rôles. Par son casting qui fait honneur à la grande famille du cinéma indien et son décor hollywoodien, Sanjay Leela Benshali espérait ainsi attirer autant les spectateurs indiens qu’occidentaux. Mais son film n’obtient pas le succès escompté. Malgré des bons chiffres en Occident, Saawariya est boudé en Inde.

Les raisons d’un désastre

Tout d’abord Saawariya pêche par la faiblesse de son histoire d’amour qui tourne aux jeux d’enfants plus agaçants que bouleversants. Bhansali, qui nous avait habitué à de la passion, à du pathos, et surtout à des personnages littéralement consumés par l’amour ou bouleversant de dignité, nous conte ici une histoire où les jeux puériles ont remplacé la passion. La sauce ne prend pas.

D’autre part, le choix du casting assez surprenant de prendre deux jeunes inconnus pour incarner ses personnages principaux, se révèle désastreux. Ranbir Kapoor et Sonam Kapoor dont le jeu d’acteur est caricatural pour l’un et approximatif pour l’autre, ne parviennent pas, de par leur manque de charme et de prestance, à donner du relief à leurs personnages. Ainsi, Sakina interprétée par Sonam Kapoor, est aux antipodes des héroïnes habituelles de Bhansali, dont la beauté n’a d’égal que la dignité, et la grâce, la force de caractère. Que l’on pense à Aishwarya Rai dans le rôle de Paro, ou Madhuri Dixit dans celui de Chandramukhi dans Devdas, mais aussi Rani Mukherjee dans le rôle de Michelle Mc Naly dans Black, toutes ont en commun une force de jeu qui met en relief des personnages touchants, poignants et bouleversants de dignité et de beauté. Mais, me direz-vous, il est plus facile d’insuffler de la vie et du caractère à un personnage quand celui-ci est bien écrit. Et il est vrai que celui de Sakina est particulièrement faible. Seul Ranbir Kapoor tire son épingle du jeu, de part son indéniable talent pour la danse. Autre actrice à sortir du lot : Rani Mukherjee, qui interprète avec justesse le rôle de Gulabjee en lui donnant charme, humour et un soupçon de pathos. Quant à Salman Khan il ne convainc absolument pas dans ce rôle plus qu’effacé de (pseudo) beau ténébreux qui de ses yeux mystérieux soulignés de khôl envoûte la juvénile Sakina. Ainsi, une histoire d’amour faible additionnée à des personnages seulement esquissés et des acteurs tantôt effacés tantôt caricaturaux, ne peuvent qu’agacer et désenchanter.

Désenchanté nous le sommes en effet, car la scénographie digne d’un conte nous promettait émerveillement et enchantement. Les gondoles de Venise, côtoient des décors de comédies musicales américaines des années 50, des minarets, des clochers… Nous sommes dans un espace temps hybride et universel. En effet les décors magnifiques, la mise en scène sublime, et le sens aigu de la couleur font de ce film un bel écrin. Mais un bel écrin qui sonne creux !

Par ailleurs l’univers musical est particulièrement décevant. Mise à part Chabeela interprétée par Rani Mukherjee, nous ne retenons aucune chanson du film. C’est d’autant plus décevant quand on sait que Bhansali accorde habituellement énormément d’importance à l’univers musical qu’il définit même avant de commencer à réaliser un film. Là aussi Saawariya pêche par comparaison. Dans Devdas, les scènes chantées et dansées magistralement et avec intensité par les actrices étaient servies par une mise en scène à couper le souffle. Mais dans Saawariya la mise en scène certes très réussie tourne à vide car les scènes chantées et dansées manquent d’ampleur et de charge émotive.
Malgré ses nombreuses faiblesses Saawariya reste très agréable à regarder et permet d’admirer le talent de metteur en scène de Sanjay Leela Bhansali qui par son sens aigu des couleurs et de la lumière insuffle poésie et onirisme à ses films.

Sonia Recasens.

Verdict:

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