Suming, Deserts & Algae (Chang Xuan), 1976, soit le meilleur de la pop-rock taïwanaise qui est venu vendredi dernier chauffer la scène du Nouveau Casino à Paris, avant de conquérir Cannes le lundi 24 janvier au Salon de la Croisette, par le biais de la 45e édition du MIDEM (Marché International du Disque et de l’Édition Musicale). Retour sur les performances de trois jeunes groupes prometteurs, dans cette petite salle de concert où nous reviendrons volontiers ! Par Dorian Sa.
Dès 20 heures tapantes, mon acolyte et moi-même suivons la ribambelle de jeunes et jolies asiatiques, toutes émoustillées à l’idée d’applaudir leurs idoles pour la première fois en France. A travers le long corridor menant à la fosse, nous constatons que ces fans taïwanaises composent 80% du public. L’ambiance est bon enfant, la langue française minoritaire, le dépaysement garanti. Le décors du lieu mélange chandeliers luxueux, lampes de chirurgiens démesurées et plafond bosselé aux formes géométriques, le tout dans l’esprit d’une déco industrielle réussie.
Une mezzanine permet de côtoyer les ingénieurs lumière et son, autant que les artistes décomplexés se frayant un chemin parmi nous. L’acoustique est aussi excellente en haut qu’en bas et le volume respecte nos tympans, merci !
Suming est déjà en place, coiffé d’un chapeau amplifié par une moumoute façon queue de chat ébouriffé. Jeune prodige aborigène aux compositions folks tranquilles, il remet au goût du jour le style des chants traditionnels à cappella, qui ne laissent pas de séduire les midinettes. Deux-trois accords de guitare sèche suffisent à faire bouger les têtes, et les costumes typiques à faire sourire.
Entre les morceaux, le leader quelque peu excentrique lance à la foule des private jokes certainement drôles, mais dont les parisiens de souche n’entendent rien car perdus sans traduction. Heureusement, un invité original en look de M. Spock rétablit la bonne humeur, en déclenchant l’hilarité générale…
Voici que s’installe Deserts & Algae, alias Chang Xuan, une chanteuse de pop indie ayant remporté 4 Golden Melody Awards (les victoires de la musiques locales), dont celui de meilleur tube de l’année. Entre Suzanne Vega et The Cramberries, elle nous susurre à l’oreille les sensuelles confidences de son cœur. Juste divine, elle commence les présentations par un : « boune nuit » suivi d’un « je t’aime beaupou » faisant chavirer les hommes pendus à ses lèvres. Une relation d’intimité se noue instinctivement entre elle et nous. Dès lors, un cours de langue s’improvise avec elle, et les fous rires fusent. Chang Xuan se confie avec simplicité en un instant. Rares sont les artistes capable d’instaurer une telle proximité avec des inconnus…
Voix veloutée, clavier délié, pop langoureuse, rythmes slow, grondements de guitares électriques, les titres sont propres et romantiques. En fin de prestation, un batteur s’associe aux autres instruments pour notre plus grand plaisir. La chanson Far de Chang Xuan est dédiée à ses parents. Elle s’excuse d’ailleurs de ne pouvoir l’exprimer en français. Toujours aussi émouvante dans le registre : « nos parents savent vraiment qui nous sommes et nous acceptent comme tel… »
Mon collègue, dont je tairai le nom ( Olivier Smach), tombe amoureux à l’occasion… Héhé… Moi aussi !
Voilà pour finir la bande de 1976, dans l’esprit de la coldwave britannique des années 80, avec la verve post-punk de la New Order, la mélancolie adolescente de The Cure, sans parler des sous influences telles que Blur, Bloc Party, Pulp ou les débuts de Radiohead. De quoi faire trembler l’assistance et provoquer l’euphorie auditive !
Les murs vibrent enfin, parfait. A la fois mouvementés et planant, les quatre dandy sont prêts à tout pour nous secouer (batterie, clavier ponctué de sons psychédéliques, guitare électrique), ils se déchainent sous les faisceaux bleutés des spots, alors que la foule réagit modérément. C’est sans doute un phénomène culturel. En tous cas, nous passons une bonne soirée de belles découvertes musicales. On se serait cru a un concert privé, d’où le côté chaleureux de l’évènement, et cela tient vraiment de l’exploit, un vendredi soir en plein centre de la capitale…
Dorian Sa.
A ne pas manquer la prochaine et dernière représentation à Cannes, le lundi 24 janvier au Salon de la Croisette. Réservation dans tous les points de vente habituels.