A l’occasion de la sortie chez Kazé de l’intégrale en DVD collector de la saga de Tsutsumi Yukihiko, retour sur l’adaptation live du manga culte 20th Century Boys !
Or, la vision du premier volet apporte une réponse plutôt satisfaisante à ce problème : tranchant avec finesse dans les intrigues pour les ramasser en un film certes foisonnant et multiple, mais finalement assez digeste.
Malheureusement, le second opus, s’il reste assez plaisant à voir, n’évite pas certains écueils à côtés desquels était passé son aîné. Sans se hasarder à résumer l’histoire du film, on peut tout de même dévoiler que le métrage se concentre cette fois sur Kanna, la nièce de Kenji, héros du premier, dans le monde cauchemardesque de 2015 contrôlé par le mystérieux et joueur Ami et sa secte. Et on perd beaucoup lors de ce passage de relais générationnel. Alors que Kenji et ses amis symbolisaient la déception d’une génération de japonais imaginant changer la société nipponne par le Rock et leurs rêves d’enfants, mais se réveillant à 40 devant une vie médiocre et sans saveur (Kenji a abandonné ses espoirs de rock star pour s’occuper du Konbini – épicerie – familial), Kanna se relève bien plus conventionnel que son oncle. Adolescente japonaise typique, elle n’a pas sa profondeur touchante et se relève trop creuse et superficielle pour porter le film.Autour d’elle, les intrigues foisonnent, mais justement peut-être un peu trop. Sans le fils directeur qui oppose Kenji à Ami, lors d’un duel se jouant principalement dans la mémoire du premier, on a l’impression de se perdre dans les sous intrigues, choisies dans la profusion monstrueuse du Manga. L’univers de 2015 s’avère aussi plus difficile à retranscrire que les années 90 du premier film, et les codes du Manga Live mis en œuvre contrastent parfois avec le réalisme voulu de l’ensemble.
Quelques scènes arrivent tout de même à rehausser le niveau : une plongée expérimentale dans le stage bonus d’Amiland, remontant à la base du trauma du personnage en 1969 où le flash-bach d’Otcho, se remémorant face à Ami le sort de son fils, sont ainsi des plus réussis, et apportent la touche d’émotion qui manque souvent au film. Et surtout, le dernier plan, annonçant un grand retour alors que les guitares de T-Rex se font enfin entendre, provoque un frisson de plaisir dans le dos…
Le dernier plan du chapitre précèdent annonçait donc le meilleur pour cette conclusion : les guitares de T-Rex se font entendre, quand on devine la silhouette de Kenji, rescapé du nouvel an sanglant du premier opus en mode Easy Rider. Il faudra cependant attendre plus de trois quart d’heure pour retrouver ces réjouissantes images, et subir une longue introduction récapitulant les denses enjeux de la dernière partie de la trilogie. Là repose un des défauts majeurs de cette fresque, qui, à force d’accumuler personnages et intrigues sans trop faire le trie, devient un peu pesante. Taillant dans les milliers de pages du Manga, les trois films condensent l’histoire d’ Urusawa Noaki, mais ne savent pas se faire assez tranchés dans leurs choix. La fidélité est parfois une facilité, et un travail d’adaptation plus personnel de la part du scénariste Fukuda Yasashi aurait permis de recentrer le film sur l’essentiel, au lieu de laisser le sentiment de survoler les événement sans réel point de vu.
Le même problème se pose avec la réalisation de Tsutsumi Yukihiko, dont le manque d’ampleur et l’absence de réel style visuel confèrent une impression de pauvreté à l’une des sagas les plus onéreuses de l’histoire du cinéma japonais. D’autant plus que le futur de 2017 décrit, tout droit volontairement sorti d’un “mauvais film de science-fiction pour enfant”, fait peine à voir dans ses excès kitch et cheap, prouvant encore une fois que ce qui fonctionne à merveille dans une Bande dessinée ne passe pas au cinéma sans une remise en forme. On assiste en l’état à un travail d’illustration bien fait, mais sans génie, ressemblant à un drama de luxe parcouru par de géniales fulgurances dues au matériel d’origine. Respectant à la lettre un cahier des charges contraignant, Tsutsumi s’enferme dans une esthétique très quelconque, jurant avec le propos révolutionnaire de son film.
Et heureusement que celui-ci reste intact malgré le traitement en demi-teinte qui aurait mérité plus d’audace. Fresque passant en revu la culture du Japon du XXème siècle avec bonheur, ce chapitre final de 20th Century Boys enthousiasme réellement par intermittence, à la fois par ses joyeuses références (de Creedence Clearwater Revival à Yabuki Joe !) et par cet imaginaire rock n’roll bon enfant que le film arrive parfois à déployer. Mais surtout, le film arrive à se recentrer sur la thématique qui faisait toute la force du premier opus, et laissée de côté dans le second volet : la désillusion que provoque le passage à l’âge adulte et l’abandon des rêves d’enfants. “Quand on s’accommode de ce qu’on est devenu et non de ce que l’on voulait être quand on était enfant, on devient un adulte”, explique ainsi un des personnages dès l’introduction de ce final. Le retour de l’univers de leur enfance par la figure destructice d’Ami met alors nos héros face à leurs désillusions, et l’apocalypse survenu les poussent à réagir. Pour sauver l’humanité, les voilà prêt à affronter leurs désirs de jeunesse, un temps abandonnés à la médiocrité du quotidien. Ils ressortent alors leurs guitares, laissées dans un placard à portée de main et reforment le groupe de Rock de leur adolescence.
Car oui, dans 20th Century Boys, c’est un morceau de Rock qui sauve l’humanité, et c’est pour cela que le film reste, malgré ses défauts, réellement touchant et passionnant pour tout amateur de culture japonaise.
Victor Lopez.