Snot Rocket et Abductee de Yamaguchi Yudai, et The Peach Tree de Hye-sun Ku (BIFFF)

Posté le 16 avril 2013 par

Aujourd’hui 10 avril, une journée totalement asiatique s’est révélée aux yeux de votre serviteur plongé en plein BIFFF, avec une séance de rattrapage indispensable et deux films intéressants. Par Yannik Vanesse.

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Un Objet Filmique Non Identifié

Snot Rocket de Yamaguchi Yudai

Derrière ce nom se cache tout d’abord une série de sketchs tournés sur plusieurs années. Ils sont réalisés par Yamaguchi Yudai, qui nous a habitués à un cinéma un peu particulier, et son acolyte Sakaguchi Tak, qui joue ici beaucoup avec son image de badass ultime. Et voici qu’en 2012 arrive un long métrage semblant réunir de nombreux sketchs.

Le résultat qui se déroule devant les yeux ébahis des spectateurs est tout d’abord déstabilisant. Le film ressemble au début à une succession de scènes sans queue ni tête qui retourne le cerveau du spectateur le plus aguerris. Mais, quand finalement on parvient à s’habituer à l’étrangeté de l’objet, une histoire semble se dessiner.

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C’est tout d’abord l’histoire du héros, Tebana Sankichi, incarné par un Sakaguchi Tak qui s’amuse visiblement comme un petit fou. Ayant perdu ses parents très jeune, il lutte contre le crime (et en particulier contre les suicides féminins) avec un fidèle acolyte qui répète toujours tout deux fois. Mais une sinistre créature semble vouloir sa perte, utilisant de vils stratagèmes pour y parvenir. Suivre l’histoire demande cependant un peu d’exercice, le récit se perdant dans des flashbacks, rêves, et délires les plus fous. En effet, Snot Rocket n’est pas tant un film à regarder, qu’une expérience à vivre. Se laisser porter par sa folie est la garantie d’un voyage unique. La construction du film en lui-même est d’ailleurs étrange. Il est découpé en épisodes, en saisons, s’y ajoutent des flash spéciaux (la naissance d’un yéti au zoo) ou même des messages des personnages principaux, pour Noël ou Halloween, qui profitent de l’occasion pour prévenir d’un changement d’horaire de la série, qui s’accompagne d’un changement de ton. Ainsi, les saynètes flirtent parfois vers le récit malsain assez proche d’un Sushi Typhoon, pour ensuite passer à une ambiance de drama déstabilisante. Autant dire qu’on ne sait jamais ce qui va se passer à l’écran.

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Mais l’histoire, c’est aussi celle de Sakaguchi Tak jouant avec son image. Portant une tenue similaire à celle qu’il arbore dans Yakuza Weapon, il arbore les poses et les tics qui sont l’apanage des différents personnages qu’il incarne au fil de ses films. Cette manière de se toucher le nez, ou de gifler les femmes (pour les aider à garder leur virginité, un délicieux moment de comique de répétition) renvoie ainsi à tout son cinéma. Cependant, ici, il n’est pas le badass ultime qu’on aime, mais joue avec son image, se met en danger, s’amuse et nous amuse, et c’est très agréable de voir ainsi un acteur taquiner son côté cinématographique.

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Snot Rocket mêle ainsi tous les genres, comique de répétition, non-sens et bien d’autres ! Il utilise le film muet, le dessin animé, interrompt le programme, nous fait suivre des aventures parallèles ridicules, brasse des références cinématographiques et offre, au final, un spectacle réjouissant.

Verdict : Snot Rocket est une expérience en soi, qui emmène ses spectateurs sur un terrain totalement inconnu. Une expérience à ne rater sous aucun prétexte.

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Snot Rocket de Yamaguchi Yudai, diffusé dans le cadre de la 31ème édition du BIFFF.

Un joli conte de fée

The Peach Tree de Hye-sun Ku

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Hye-sun Ku est actrice, et nous livre ici son deuxième film en tant que réalisatrice. Il s’agit de The Peach Tree qui, avec une imagerie très proche des contes de fées, nous raconte les difficultés d’un enfant né avec deux visages, et donc deux personnalités. Sorte de frère siamois avec un seul corps (l’un ne pouvant donc que regarder le monde), l’enfant vit cloîtré avec son père, dans une maison hors du temps, loin de tout, sauf d’un magnifique pêcher. La photographie est sublime, l’histoire est très jolie et mignonne. À travers son histoire, Hye-sun Ku nous parle du droit à la différence, de la peur du regard des autres. On retrouve ainsi un peu d’Elephant Man dans The Peach Tree, mais traité d’une manière douce amère, parfois volontairement irréelle.

L’histoire est intéressante, douce, les personnages attachants. Ils sont joués par d’excellents acteurs, condition indispensable pour réussir à faire passer les sentiments qu’ils ressentent. Ballottés par la vie, dans des décors magnifiques, ils tentent tant bien que mal de s’adapter à ce monde qui n’a pas l’habitude de la différence. La campagne est sublime, tandis que la maison est chargée de souvenirs. Vétuste, sombre, remplie de photos et de portraits, elle semble peuplée du fantôme de la mère de notre triste héros, qui n’a jamais pu accepter son fils. L’endroit est une prison triste, désespérée, mais aussi un havre de paix, le seul endroit où il n’a pas à craindre le regard des autres. La ville, elle, est propre, pleine de couleurs, de mystères, de surprises.

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Oui, l’histoire est jolie, les thématiques classiques mais intéressantes, mais hélas il ne s’y passe pas grand chose, et l’ennui s’installe rapidement, engluant le spectateur. Dommage, car il ne manquait qu’un peu de péripéties pour que le film devienne un chef-d’œuvre.

Verdict : Hye-sun Ku nous emmène dans un conte de fée des temps modernes, triste mais plein d’espoir, mais hélas, le spectateur s’ennuie autant que le frère du héros, condamné à observer le monde se dérouler lentement devant ses yeux. Dommage, car le film est de toute beauté.

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The Peach Tree de Hye-sun Ku, diffusé dans le cadre de la 31ème édition du BIFFF

Huis clos, vous avez dit huis clos ?

Abductee de Yamaguchi Yudai

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Faire un huis clos est toujours un exercice complexe. Certes, il permet de faire un film sans un grand budget, mais il demande une écriture millimétrée et des acteurs très bons pour éviter l’ennui. Il n’est en effet pas facile de faire un Cube ou un Buried.

Découvrir Yamaguchi Yudai aux commandes d’un tel projet ne peut que surprendre, de prime abord. En effet, l’homme nous a plus habitués aux films fous partant dans de nombreuses directions, comme Battlefield Baseball ou Yakuza Weapon.

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Et si le twist final – qu’il faut garder secret – renoue avec le cinéma de Yamaguchi Yudai, le reste semble atypique pour le réalisateur. Il nous conte ici l’histoire d’un homme qui se réveille, un sac en plastique sur la tête, dans un container. Il parvient à se libérer, et découvre que d’autres containers sont accolés au sien. Dans chacun une personne est emprisonnée, avec les mêmes interrogations que lui. Et Yamaguchi Yudai va nous dérouler son film en restant, jusqu’au final, dans cet endroit minuscule. Les autres personnages ne sont que des voix éthérées et, avec des dialogues, des recherches et des réflexions, et des dessins (le héros était dessinateur de manga), ils vont devoir comprendre ce qu’ils font là. L’idée de montrer le périple de ces prisons, ou le visage possible des autres prisonniers, à travers les dessins du héros, est d’ailleurs excellente.

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Soyons honnête, l’écriture de l’histoire manque de quelques petites choses, et Yamaguchi Yudai ne parvient pas à éviter des pointes d’ennui. Rien de trop dramatique cependant. L’acteur principal est très bon, et si les personnages esquissés sont classiques, ils n’en sont pas caricaturaux pour autant. Le réalisateur essaie de rendre dynamique sa réalisation, filmant le plafond et les murs de sa prison, pour suivre les bruits, comme on filmerait une séquence d’action. Certes un peu tapageur, le résultat est intéressant, et le seul véritable souci est que, finalement, le personnage ne fait pas grand chose – forcément – et la tension baisse par moment. Il aurait mieux valu, peut-être, supprimer une dizaine de minutes du métrage.

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Cependant, quand le final commence à s’esquisser, l’intérêt se rehausse de quelques crans. Surprenant en diable, les raisons de cet enlèvement sont excellentes et amenées d’une manière assez superbe, quelques effets spéciaux magnifiques accentuant le poids de cette surprise.

 Yannik Vanesse

Verdict : Abductee est un huis clos certes perdant de la tension par moment, mais offrant un twist final imprévisible et hallucinant. Un excellent film, surprenant venant de son réalisateur.

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Abductee de Yamaguchi Yudai, diffusé dans le cadre de la 31ème édition du BIFFF.

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