FCCF 2017 – Mr. No Problem de Mei Feng : Le Tartuffe ou l’imposteur

Posté le 17 juin 2017 par

Premier film de Mei Feng, Mr. No Problem était peut-être le film le plus expérimental du Festival du Cinéma Chinois en France. Durant plus de deux heures et demie et tout en noir et blanc, le film avait de quoi déstabiliser. Sa forme est pourtant sa plus grande qualité…

Bien que cette année brise quelque peu la règle, le Festival du Cinéma Chinois en France a toujours privilégié le cinéma populaire, ou du moins à succès, que le cinéma d’auteur. Même dans une édition 2017 plus variée, la sélection Mr. No Problem, du haut de ses deux heures et demie et de sa photographie en noir et blanc avait de quoi surprendre. Première réalisation de Mei Feng, connu et reconnu pour avoir été le scénariste de plusieurs films de Lou Ye comme Une Jeunesse chinoise et Nuits d’ivresse printanière, il fait pourtant preuve d’une maîtrise certaine et d’un talent dans la mise en scène qui parvient à nous faire rentrer dans un métrage pourtant difficile d’accès.

Adapté d’un récit de Lao She datant des années 40, Mr. No Problem raconte l’histoire d’une ferme chinoise durant la guerre sino-japonaise. Les propriétaires décident d’engager un manager financier, Ding, pour aider la ferme à prospérer. Mais alors que son incompétence devient de plus en plus évidente et que les déficits se creusent, Ding va devenir un véritable parasite indélogeable, et ce malgré les efforts des dirigeants.

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Divisé en trois parties, Mr. No Problem s’attarde ainsi sur trois personnages différents. Le premier tiers sert à présenter le personnage ainsi que la ferme et les ouvriers, la seconde partie apporte le personnage de Qin, artiste auto-proclamé et soi-disant rentier qui demande à louer une pièce de la ferme en échange d’un loyer qui n’arrivera jamais. La troisième partie narre l’arrivée à la ferme de M. Yau, nouveau manager engagé par les actionnaires de la ferme qui, malgré le succès de ses méthodes, sera rapidement évincé par les supercheries de Ding.

Ce qui frappe dans un premier temps, c’est la radicalité de la mise en scène, la quasi-totalité des scènes sont des grands plans séquences fixes à la durée parfois extensive. Ajoutez à cela un noir et blanc peu contrasté et le résultat devient déconcertant. Le rythme lent de l’ensemble finit de rendre le film définitivement peu accessible. Mais au spectateur aguerri et courageux s’ouvrira une oeuvre riche, aussi bien dans le sens que dans la forme.

Si les plans séquences sont longs, ils sont aussi souvent très beaux, et résultent sans aucun doute d’un travail minutieux de préparation et mise en place. Ainsi, l’œil du spectateur reste ouvert et éveillé à chaque instant et jamais l’image à l’écran ne devient fade. Cependant, aucun plan séquence ne peut être réussi sans un casting au niveau, et celui de Mr. No Problem est simplement excellent. Si aucune performance ne ressort principalement, c’est seulement parce que l’intégralité des acteurs se complète et que la quantité des rôles n’a d’égal que le talent et l’alchimie remarquables des comédiens. On accordera tout de même une mention spéciale au chanteur pop Chao Zhang, absolument détestable dans son rôle de beau gosse manipulateur.

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Si la forme est donc excellente, le bât blesse un peu au niveau du fond, intéressant mais pas révolutionnaire pour un sou. On peut comprendre l’impossibilité de rendre un récit vieux de 70 ans novateur mais il est clair que cette comédie de mœurs s’essouffle à certains endroits, recyclant les mêmes lieux communs vieux de plusieurs siècles. Seul le message politique, dénonçant à la fois la démagogie des dirigeants et l’immobilisme des conditions sociales donne au scénario des particularités qui le différencieraient des autres films du genre. En effet, à trop vouloir jouer la carte de la finesse et de l’implicite, le film perd beaucoup en impact et devient parfois trop lisse, impersonnel et oubliable.

Mr. No Problem est loin d’être un mauvais film, et il reste visuellement remarquable, mais n’apporte rien de nouveau à un jour tout de même assez poussiéreux. C’est parfois comique, mais dans le même comique que pouvait faire Molière il y a plus de 400 ans, c’est parfois malin, mais souvent redondant. Le souci vient donc sûrement du matériel d’origine, assez ancien et du manque d’efforts mis dans son actualisation. En conséquence, Mr. No Problem ne sonne pas faux, mais il paraît profondément daté, et c’est dommage pour un film aussi poussé visuellement.

Elias Campos.

Mr. No Problem de Mei Feng. Chine. 2016. Projeté au Festival du Cinéma Chinois en France.

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