Visage de Tsai Ming-Liang (retro)

Posté le 25 mai 2011 par

A l’occasion du cycle “Salomé”, le Musée du Louvre projette Visage de Tsai Ming-Liang. L’occasion est idéale pour revenir sur ce film, édité en DVD par Arte Vidéo. Par Victor Lopez.

 2 heures 20 pour un Tsaï Ming Liang, c’est un peu long… surtout que le cinéaste Taïwanais a tendance à y recycler énormément d’idées, malgré son voyage à Paris.


Quelques mois après Hou Hsiao Hsien, invité à Paris par Orsay pour y filmer Le Voyage du ballon rouge en 2009, c’est au tour de l’autre grand cinéaste Taïwanais de venir filmer un musée français. Le Louvre ouvre ainsi ses portes à Tsaï Ming Liang, qui y revisite à sa manière le mythe de Salomé. Et l’on retrouve, malgré la distance, l’univers du cinéaste absolument intact dès les premières images. Une inondation dans un appartement et tout revient : la langueur hypnotique des plans intemporels, le corps mutique de Lee Kang-Sheng, les obsessions aquatiques et incestueuses… Mais peut-être ce retour est-il un peu trop insistant.

Visage est né du désir de rapprocher deux figures, celle de Lee Kang-Sheng, muse et alter ego du réalisateur et celle de Jean Pierre Léaud, modèle truffaldien du cinéaste, d’une émouvante fragilité dans le film. Doublant ce raccord avec un hommage à Truffaut, Tsaï Ming Liang prend le risque de répéter l’expérience de Et la bas, quelle heure est-il ? , en lui enlevant de sa subtilité métaphorique (les deux acteurs ne s’y croisaient pas, si ce n’est par écrans et personnes interposés). Il y a certes dans l’hommage à Truffaut quelques moments magiques de cinéphile, comme cette confrontation étrange entre Fanny Ardent (qui jouait dans le tardif Vivement Dimanche ) et l’éternel Antoine Doinel. Mais la systématisation de l’hommage, qui passe par des extraits des 400 coups , la présence de livres sur Truffaut, d’acteurs, comme Jeanne Moreau, de chansons, lorsqu’elle reprend Le Tourbillon dans une réminiscence, certes délicieuse mais trop évidente de Jules et Jim , rend au final l’exercice trop formel dans son accumulation un peu lourde.

S’ajoute à cela un sentiment de déjà vu, qui donne l’impression que l’univers de Tsaï commence un peu à tourner en rond. L’hommage à Truffaut était déjà en creux dans Et là bas, quelle heure est-il ? , qui traitait aussi de la mort du père. C’est maintenant celle de la mère qui traverse le film, et des similitudes dans le travail de deuil se retrouvent, de la présence fantomatique de la défunte, jusqu’au dernier plan, autour de la même fontaine. De même, cette histoire de tournage et de film dans le film, en plus d’évoquer La Nuit américaine , rappelle le magnifiquement grotesque La Saveur de la pastèque , aussi traversé par une dialectique complétant une réalité triste et glauque par une féerie charnelle tenue par les numéros musicaux. L’apocalyptique The Hole s’organisait aussi suivant cette logique, et le fait que ce soit cette fois Laetitia Casta qui gigote sur du playback en mandarin amoindri à peine la sensation de répétition qui se dégage du film.

Cela fait que l’ennui s’installe parfois au long des 2 heures 20 que dure Visage , et que l’hypnose intemporel que crée la beauté des cadrages tout en miroirs et leur étirement se fait parfois un peu longue. Après ce film, associer du gaffeur et Laetitia Casta suffira à vous plonger dans un profond sommeil. Quelques scènes arrivent pourtant à graver leur beauté dans la mémoire du spectateur, comme une lumineuse scène d’amour à l’éclairage envoûtant, ou une autre montrant un Jean-Pierre Léaud sortant en costume, hagard, perdu, mais majestueux, des galeries du Louvre. Et rien que pour cela, ce Visage mérite sans doute une contemplation plus attentive.

Victor Lopez.

Verdict :

Visage de Tsai Ming-Liang est diffusé le mercredi 25/05/2011 à 20 heures au Musée du Louvre dans le cadre du cycle “Salomé”. Le film est disponible en DVD chez Arte Vidéo depuis le 20/05/2010.

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