Après un petit détour par la télévision (Going My Home, dont on reparlera bientôt), Kore-Eda s’invite à Cannes avec Like Father, Like Son. Par Jérémy Coifman.
Pourquoi le cinéma de Kore-Eda parvient-il à nous toucher quand d’autres cinéastes avec un scénario de ce genre pourraient provoquer les moqueries de petits journalistes malicieux ? C’est la question que soulève le nouvel opus du japonais, Like Father, Like Son.
Le film relate le destin de deux familles perturbées par un évènement inattendu et totalement déconcertant : leurs fils ont été échangés à la naissance. L’apprendre est déjà en soi une dure épreuve, mais quand c’est au bout de six ans, c’est encore plus problématique. Kore-Eda pose la question le plus simplement du monde, les liens du sang sont-ils tout ce qui compte ?
Le cinéaste oppose assez schématiquement deux familles. L’une aisée, avec un père au poste important et à la mère, desperate Housewives typique, l’autre plus modeste, avec un père flemmard et une mère courage. C’est très appuyé, que ce soit dans la mise en scène (un plan aérien montrant la BMW d’un côté, la camionnette modeste de l’autre) ou dans le comportement des personnages (la rigidité contre la liberté). Le scénario est tout aussi attendu, reposant sur des ficelles assez grosses, ne laissant que peu de place aux surprises. Tout repose sur la dualité entre les deux familles, entre les deux modes de vies, une plus traditionnelle, contre une plus libertaire, plus affectueuse aussi.
Le talent de Kore-Eda, réside principalement dans cet air de ne pas y toucher (on se souvient de I Wish ou de Still Walking). Là où l’on croit tenir un film tenant plus de l’anecdote qu’autre chose, Kore-Eda insinue toujours ce petit plus, cette bonhommie douce-amère, cette candeur qui cache quelque chose de grave. Comme dans I Wish, ou son sublime Nobody Knows, les enfants sont au centre des enjeux. On connait le talent du cinéaste pour dénicher des enfants/acteurs étonnant, Like Father, Like Son ne déroge pas à la règle. Ils sont encore une fois prodigieux, et à la trogne irrésistible.
Ici, le récit n’est cette fois pas à hauteur d’enfant, on se situe au niveau des adultes et leur problèmes. Quand I Wish parlait de la relation fraternelle, Like Father, Like Son traite du lien avec le père. Comment notre relation avec notre père nous définit en tant qu’adulte. C’est là que réside la profondeur du scénario de Kore-Eda, dans cette douleur immense d’un enfant, devenu adulte (très juste Fukuyama Matsuhuru) répétant les même erreurs que son père, incapable de briser la malédiction.
C’est le tour de force de Like Father, Like Son, d’aller jusqu’au bout de son entreprise. Kore-Eda instaure une situation et une ambiance naviguant sans cesse entre le surréalisme le plus total, les moments de poésie pure et une douloureuse histoire familiale. Surtout, il aime ses personnages, il brosse un portrait d’une tendresse inouïe, ne jugeant jamais vraiment leurs actions (bien que la fin soit quand même évocatrice du point de vue du cinéaste sur la question). De ce fait, malgré la durée du film (2h tout de même), le scénario aux ficelles bien trop apparentes, c’est la tendresse qui l’emporte.
Jérémy Coifman
Verdict : Like Father, Like Son peut donc légitimement être considéré comme mineur dans la superbe filmographie de son auteur, mais comme pour I Wish, le film révèle en quelques séquences, ses trésors. Kore-Eda, est un cinéaste tout aussi brillant qu’attachant, et il le prouve encore une fois, transcendant un scénario plus convenu par sa justesse de ton et sa pertinence.
Like Father, Like Son de Kore-Eda, visible lors du Festival de Cannes 2013.