Le deuxième festival du cinéma chinois en France aura lieu pendant presque un mois du 14 mai au 12 juin dans quatre villes en France. Parmi les films programmés, un genre se fait particulièrement remarquer : la comédie romantique. Le film de TENG Huatao L’amour n’est pas aveugle en fait partie. Le réalisateur, après une carrière dans la télévision et un début au grand écran avec The matrimony, sort ce nouveau long métrage. Par Alexandra Bobolina.
Depuis quelques années déjà, le sujet du couple teinté d’ironie et habillé de glamour est exploité avec succès par les cinéastes chinois. Les situations inspirées de la vie amoureuse peuvent sûrement être très variées mais la reprise régulière de certains éléments les dote d’un cachet national, propre au genre romantique.
La promotion de Lala, La vengeance de Sophie, Un couple, Trois scénarios sont toutes des productions récentes qui partagent le même esprit. Les effets visuels, le rythme, les musiques, les décors, bien ou mal employés, sont les éléments qui rassurent un public qui veut se réconforter par des histoires d’amour avec (presque toujours) une fin heureuse.
L’amour n’est pas aveugle confirme la règle générale, étant à la fois exception et exemple. HUANG Xiaoxian, jeune planificatrice de mariage, apprend que son copain, celui avec qui elle songe à sa propre cérémonie romantique, la trahit avec sa meilleure amie. Pendant 33 jours, l’histoire suit les hauts et les bas du moral de la jeune femme, avec son quotidien, ses souvenirs et son entourage. Le film se veut une chronique, ou même une image universelle (ou, pour le moins, de la Chine contemporaine) de la séparation amoureuse. Partie du processus de réalisation, l’équipe a repris à travers le pays plusieurs jeunes qui parlent de leur expérience, drôle ou douloureuse, de la séparation. Alors que dans l’introduction du film ces récits ont inspiré quelques scènes caricaturales pour donner le ton à l’histoire, le générique de fin est accompagné par les vidéos mêmes des témoignages recueillis. Autrement dit : c’est une histoire basée sur des faits réels… Un documentaire, presque ? Non, le film de TENG Huatao ne démontre pas la profondeur qu’annonce cette approche et la version originale – de 150 minutes, elle a été modifiée pour le spectateur français à 110 minutes. Cependant certains épisodes, des flashbacks de la relation malheureuse, restent toujours trop accentués. Reste la vision d’un amour, quelque part, moins cliché.
Ce qui donne au film un côté ravissant et original est la présence accentuée et décalée du collègue Wang Xiaojian. Son personnage bouscule les valeurs de l’histoire vers autre chose que la relation amoureuse. Cette amitié exposée avec des dialogues légers et bien dosés dédramatise et ironise les souffrances sentimentales avec sérénité.
WEN Zhang, qui interprète le rôle de l’ami, est un acteur qui, à 27 ans, se distingue par un jeu mature et de qualité. Ayant débuté dans des séries télévisées, depuis 2008 il travaille pour le cinéma. Son rôle d’autiste dans Ocean Paradis (projeté au FCCF en 2011) lui vaut une grande reconnaissance et la récompense de Shanghai Media Awards 2010 pour le meilleur acteur.
Le film manifeste une appartenance incontestable à ce cinéma qui met en valeur les conquêtes matérielles de l’ascension sociale (décors riches, pas de lieux publics populaires, environnement social plutôt aisé, priorité donnée à la carrière), tout en condamnant ces nouvelles tendances. Dans une des lignes parallèles, HUANG Xiaoxian flirte avec un futur mari (pas le sien) pour lequel elle est chargée de réaliser un mariage inoubliable. La fiancée est une fille autant jolie que fâcheuse, avec des valeurs exclusivement basées sur le bien-être matériel. Dans un échange intense entre le futur marié et Xiaoxian, notre héroïne défend passionnément les filles « comme elle » pour lesquelles « l’amour est une nécessité, alors que la richesse est un luxe » (et pas l’inverse). Son personnage, habillé en sweatshirt et jean, est aussi en gentil décalage avec les restaurants luxueux, les pièces avec des vues sur des gratte-ciels illuminés, etc. Mais cette apparence est aussi vitale pour construire un personnage féminin, aussi très exploré dans les comédies romantiques, de la fille en même temps émancipée et enfantine qui existe, de son gré ou pas, pour l’amour.
Tous ces éléments se conforment bien avec ce que le cinéma rose de l’amour suppose mais, sans gêne, ils glissent aussi une pointe d’originalité et de piment qui vaut la peine de tenter l’expérience.
Verdict :
Alexandra Bobolina.