Crows Zero et Crows Zero II de Takashi Miike

Posté le 27 septembre 2010 par

À l’occasion de la sortie de Yakuza en DVD, retour sur les deux Crows Zero de Miike Takashi.

Crows Zero est à la fois une déception pour les fans de Miike, une réussite pour les amateurs de manga et une curiosité pour les cinéphiles japonisants. Explication :

Miike Takashi fait partie de cette nouvelle génération de cinéastes japonais ultra-productifs (il lui arrive de signer trois films par an) et atypiques, à laquelle on peut aussi associer le plus sage Kiyoshi Kurosawa. Apparu à l’orée des années 90, le cinéaste s’est fait connaitre en signant en vidéo quelques œuvres au sein de genres très codifiés (notamment des Yakusa Eiga) dans lesquels la singularité de son univers apparait peu à peu. Son succès lui permet de signer quelques films plus personnels, qui font sa renommée de cinéaste barré et malsain à l’étranger. Il alterne depuis la réalisation de films qui lui tiennent à cœur et d’œuvres de commande avec une régularité lui permettant d’être à la fois le cinéaste déviant et trash internationalement reconnu et un maître du box office local.

Episode Zero

Crows Zero, énorme succès en Asie, fait indéniablement partie de ces films de commande, au sein desquels la forte personnalité du cinéaste s’efface au profit d’un cahier des charges assez contraignant. Le fan de Miike risque alors d’être un peu déçu devant un produit qui s’adresse plus aux adolescents qu’aux cinéphiles à la recherche de sensations extrêmes. Exit la torture SM d’Audition, le surréalisme délicieux de Dead or Alive, ou l’explosion pasolinienne des codes familiaux japonais de Visitor Q : Crows Zero se veut avant tout un manga live grand public immédiatement accessible à tout lecteur de Shônen.

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Crows est d’abord un manga d’Hiroshi Takahashi, dont les vingt-six volumes publiés au cours des années 90 sont représentatifs de la mouvance Yankee, les racailles japonaises qui passent leur scolarité à se battre et à conduire des bécanes sans permis, se destinant plus à une carrière de Yakusa que de Salaryman. Crows : Episode Zero, titre de travail indiquant bien la direction du projet, se présente comme une déclinaison en forme de préquel de la bande dessinée, dont il reprend le cadre, le terrible lycée Suzuran, dit des corbeaux, zone de non-droit où l’on survie à la force de ses poings, et son univers d’adolescents violents mais attachants. L’histoire est ultra simple : Genji, fils de chef Yakusa, a pour mission de devenir le caïd de Suzuran s’il veut succéder à son père. Aidé d’un Yakusa looser, il va alors affronter des chefs de bande de plus en plus forts jusqu’à un final apocalyptique et guerrier. L’intérêt de Crows Zero, mélange de film de baston, de prison et de Yakusa, le tout en version teenager, vient surtout de sa fantaisie visuelle, qui essaye de coller au plus proche à l’univers du manga.

Iconisations extrêmes des personnages prenant la pause pendant tout le métrage, avec coupes et vêtements extravagants, ruptures de ton brutales et surprenantes (les apartés humoristiques passent encore, mais lorsque c’est un clip de J-Rock qui vient couper une scène d’action, le spectateur occidental a de quoi être surpris !), et combats aussi excessifs que graphiques : on a vraiment l’impression de voir les cases d’un manga prendre vie sous nos yeux.

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Le fan de Miike et l’amateur de manga ne peuvent alors qu’être partagés : l’un aura le sentiment de voir un produit assez impersonnel de la part du réalisateur de Gozu et incohérent dans sa mise en scène ; l’autre sera happé par l’énergie que dégage les procédés d’adaptation mis en œuvre. Le cinéphile curieux peut quand à lui tout simplement profiter du spectacle d’un film d’action mainstream bien loin des codes hollywoodiens et prendre plaisir à l’univers excessif et coloré que lui présente le film.

Verdict Crows Zero I:

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Kurôzu zero II

Si le premier Crows Zero est donc plutôt amusant, le manga live de Miike n’appelait pas forcement une suite, et le numéro 2 vient le prouver. Difficile en effet de se passionner durant plus de deux heures pour ce réchauffé de bastons lycéens sauce Yankee quand Miike se contente de reproduire sans grande conviction ses trouvailles visuelles (sans leur humour et leur beauté, la cadence effrénée du tournage et les coûts de productions réduits se ressentant sur le travail de la photo). Il en va de même pour le scénario, qui semble appauvrir les personnages, déjà bien minces, plutôt que de les enrichir. Et pour les courageux qui tiendront jusqu’à la bataille finale, pas la peine d’espérer le moment de bravoure sous la pluie et dans la boue du premier, une pénible escalade de 40 minutes sur le modèle d’un jeu vidéo et le tour est joué.

Crows Zero 2

On conseillera donc au fans de Miike curieux jeter un œil sur l’intéressant premier épisode et de laisser le suite bien inutile aux fans du manga, même s’ils ne sont pas assurés d’y trouver leurs compte cette fois ci…

Victor Lopez.

Verdict Crows Zero II:

Sayonara

 

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