Cannes 2011 : Wu Xia de Peter Chan (Sélection officielle, hors compétition)

Posté le 14 juin 2011 par

Première grosse déception cannoise : après le miraculeux Les Seigneurs de la guerre, Peter Chan revient avec un Wu Xia boursouflé, inabouti et franchement ridicule… Par Victor Lopez.

Peter Chan avait surpris avec ses Seigneurs de la guerre, qui réactualisait en 2007 Frères de sang de Chang Cheh dans une apothéose de sang, de boue, de démembrements et de massacres d’innocents d’un réalisme qui faisait froid dans le dos. Dès les premières minutes de Wu Xia, on se dit que l’on est très loin de cette inexorable tragédie, et que Yip Wai Wai, le co-réalisateur d’alors, devait finalement y être pour beaucoup dans cette absence de concessions. Non que Wu Xia ne soit ni violent ni réaliste, mais ces attributs sont atténués par l’humour et le merveilleux. Cette juxtaposition d’éléments hétéroclites donne une impression d’incohérence à un métrage, dans lequel les divers genres finissent par s’annuler au lieu de se mélanger.

Wu Xia suit le quotidien de Liu Jin-xi, modeste fabriquant de papier d’une petite ville de province en 1917 incarné avec sobriété par Donnie Yen. Sa vie bascule quand deux brigands braquent son épicerie. Lors d’un combat chaotique, il les tue accidentellement en se débattant maladroitement. Arrive alors un enquêteur (Takeshi Kaneshiro), qui a dû mal à avaler la thèse de l’accident, et pense que seul un grand expert en arts martiaux a pu terrasser les deux brutes…

Soyons honnête, l’enquête qui suit, malgré une ou deux scènes rigolotes dues au regard perpétuellement candide de Takeshi Kaneshiro, ferait passer celle de Detective Dee pour un chef d’œuvre d’ingéniosité scénaristique au plus fervent détracteur du dernier Tsui Hark. On a ici le droit à une version Chinoise des Experts, avec l’acuponcture qui remplace l’analyse ADN. Les conclusions et les éléments de l’enquête sont aussi tirés par les cheveux que dans la série mais ce n’est pas le plus grave : Peter Chan emprunte aussi aux productions Bruckeimer sa mise en scène clipesque et épileptique, usant sans cesse de ralentis et d’accélérés que rythme une bande son assourdissante.

Et cette réalisation bourrine vient illustrer un scénario qui arrive à être à la fois basique et confus (normalement, c’est soit l’un, soit l’autre…). Le film part en effet dans toutes les directions sans qu’aucunes ne soit ni abouties, ni surprenantes. Le personnage de Takeshi Kaneshiro pourrait ainsi être intéressant, tant par la problématique qu’il soulève (la loi contre la compassion) que par ses étranges hallucinations, mais on l’abandonne en cours de route. Non seulement, le film ne donne pas de réponses aux questions du personnage, oublie sa schizophrénie, mais il n’a même pas le droit à une vraie conclusion. Wu Xia donne l’impression de constamment vouloir se rassurer sur ses capacités en explorant le maximum de pistes. Mais en en terminant aucune, le film n’assume aucune de ses propositions et finit par embrouiller, ennuyer, puis franchement énerver.

Avec un scénario incertain et une mise en boîte bidon, Wu Xia devrait au moins se rattraper sur les combats. Là aussi, le film déçoit. Aussi outrés que son jeu est sobre, les chorégraphies de Donnie Yen virent rapidement au ridicule, avec ces personnages qui passent tout leur temps à brasser de l’air au lieu de donner des coups ! Un peu comme le film en fait…

Victor Lopez.

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