VIDEO – The Great Battle de Kim Kwang-sik

Posté le 11 juillet 2020 par

Dévoilé sur les écrans coréens le 19 septembre 2018 et après 5 millions de spectateurs, on peut enfin découvrir The Great Battle, réalisé par Kim Kwang-sik, en DVD et Blu-Ray chez Program Store. Notre avis sur la fresque historique narrant la résistance héroïque (au spectateur de valider ou non l’objectivité du récit) d’une troupe de soldats s’opposant à l’invasion chinoise.

En l’an 645, l’Empereur Li, de la Dynastie Tang, envahit Goguryeo, l’un des anciens Royaumes de Corée. L’armée Tang enchaîne les victoires jusqu’à arriver à la forteresse d’Ansi, défendue par le Général Yang. Isolé, abandonné par le reste du Royaume, et largement dépassé en nombre par les centaines de milliers d’assaillants, Yang rassemble ses troupes, bien décidé à résister…

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Après une surprenante exposition express de la situation politique (point de dévoilement subtil des strates sémiologiques des enjeux, point de mise en lumière progressive et nuancée des principaux acteurs du conflit par exemple), le film décide clairement de ne pas s’ennuyer à «raconter» une histoire. Étonnant en effet tant l’intérêt géopolitique, en Corée, d’un conflit datant de plus d’un millénaire peut donner lieu aux fantasmes les plus délirants. Grandiloquence, souffle épique et action incessante, The Great Battle ne s’embarrasse jamais de sous intrigues superflues. L’empereur Li (le méchant) décide d’envahir Goguryeo (le clan des gentils)… A l’image d’un célèbre village gaulois résistant encore et toujours à l’envahisseur (sic), la forteresse d’Ansi défendue par Yang sera la Bataille des Thermopyles des résistants. Et pour cela, la production ne lésinera pas sur les moyens tant les premières secondes sont intenses. Après donc avoir surpris les cinéphiles les plongeant tête la première dans un fracas incessant d’épées et de boucliers (mention spéciale aux costumes et armures simplement sublimes), le film provoque les premiers coups d’estoc par sa violence frontale et assumée. Loin d’égaler la mise en scène inoubliable de Gibson dans Tu ne tueras point, Ainsi-seong de son vrai nom est avant tout un pur cadeau tout en énergie, une prouesse enthousiaste pour qui apprécie un cinéma d’action déguisé sous les oripeaux d’un témoignage légendaire. Soutenu en cela par un mixage audio de grande qualité (la déflagration des épées qui tranchent ou le vacarme des flèches qui transpercent pour ne citer qu’eux), c’est aussi et surtout les trop peu nombreuses images d’Épinal d’une Asie bucolique qui écarquillent encore un peu plus les yeux. Rien de mieux alors pour qualifier un continent si passionnant que l’adjectif de tableau vivant. Beauté des hautes herbes balayées par le vent, ressac de plaines vallonnées qui semblent infinies, coucher de soleil qui tend à l’éternité… Souvent sublime, sortez les oriflammes : le film de Kim Kwang-sik ne se prive pas de plans capricieux mais picturalement inattaquables.

Impossible in fine de ne pas évoquer le regard magnétique de Kim Seol-hyun. Un soupirail aux multiples interprétations mettant subtilement en lumière les quelques inoffensives luttes internes qu’il serait toutefois exagéré de qualifier de sous-intrigues. Ainsi, malgré un empereur particulièrement manichéen, les personnages du commandant et du général, pourtant dans le camp des opprimés, sont eux la touche de subtilité bienvenue permettant alors au film de trouver un second souffle dans sa dernière heure.

 

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The Great Battle est en soi un film soigné et respectueux de ses enjeux. Il se plante toutefois un nombre incalculables de flèches, sabres, épées ou  poignards dans le pied… Ayant digéré ad nauseam le 300 de Zach Snyder et surtout la trilogie du Seigneur des anneaux, le réalisateur décide tout simplement de citer et pour un nombres de plans quasi irréels le petit Peter Jackson Illustré.… Survol des scènes de batailles, travelling « à la » Old Boy ou 300, caméra subjective du survol d’une flèche, arrivée du bélier : que tout ceci manque d’inspiration !

Nous pourrions également évoquer les citations du chef d’œuvre de John Woo, Les 3 royaumes, Troie ou le plus convenu Le Dernier samouraï que la liste serait encore bien éloignée de l’exhaustivité. Dommage pour un récit qui méritait plus de prise de risques, d’empathie et d’implication pour le regard d’un occidental. Enfonçant le clou à coup de fléau d’armes, le métrage ne rate aucun des poncifs qu’on espérait éviter. Le manichéisme des motivations chinoises toute d’abord et à peine estompé par les personnages du conseiller et de la chamane, sous exploités tous les deux. Que dire de cette sempiternelle opposition des deux camps, mention spéciale à l’une des homélies de l’empereur conseillant aux soldats pillage et viol… Subtil en effet… Un nombre de ralentis quasi risibles, un doublage français réellement catastrophique ou un épilogue trop vite expédié deviennent alors des faux-pas facilement évitables avec moins de concessions au cahier des charges du film d’action lambda et une personnalité affirmée. En l’état, convenu : mieux vaut se souvenir de séquences jouissives et inoubliables. La première scène d’assaut de la forteresse (réplique réelle de onze mètres de haut et 180 mètres de long), l’arrivée des tours de sièges, le délire pyrotechnique des bombes de feu aériennes ou une séquence finale absolument dantesque sont ainsi les qualités indéniables d’un métrage sincère mais imparfait car manquant d’une vision d’auteur (4 scénaristes…) ou de rigueur historique, comme le souligne Yoon Min-Sik du Korea Herald : « Il est très peu probable que Yang Manchun ait été âgé de la mi-trentaine, qu’il y ait eu une escouade de jolies femmes tirant avec des sarbacanes, ou un groupe de super-soldats frontaliers se battant sans casque, mais ce film ne s’embarrasse pas d’une véracité historique ».

Courage, fraternité, sacrifice ou loi du Talion, tous les thèmes attendus dans un long métrage épique sont évidemment au rendez-vous. De l’esquisse d’une réflexion sur la désobéissance civile à la pertinence de la théorie de Nicolas Machiavel, le Jet Li du Hero de Zhang Yimou n’aurait sans doute pas juré face au dilemme du « héros » (et la boucle est bouclée) ; du soldat dévoué au mutin. Un film à grand spectacle donc mais à recevoir avec un minimum de recul pour s’abandonner à son époustouflante créativité guerrière. Ce n’est finalement pas si mal.

Jonathan Deladerrière.

The Great Battle de Kim Kwang-sik. Corée. 2018. En DVD, Blu-Ray et VoD le 08/07/2020 chez Program Store.

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