Nuoc 2030 est à la lisière de plusieurs registres fictionnels : il s’agit bien entendu d’un film de science-fiction, de par son intrigue située dans le futur et ses réflexions scientifiques (la vie sur l’eau, les recherches pour produire des aliments dans la mer). C’est aussi un polar, du moins un temps. Et il se révèle être, sur tout un pan de l’intrigue, une romance. Minh Nguyen-Vo déploie une structure narrative claire mais étonnement complexe et précisément découpée pour faire s’entremêler ces genres cinématographiques.

Après le postulat de départ (la mort de Thi), le film se lance dans deux flashbacks bien distincts, mettant en avant la vie de Thi et Sao, puis la vie de Sao et un autre personnage, avant de revenir sur le fil principal. La fragmentation des intrigues est à la fois la force et la faiblesse du film. La force, car  opérer des va-et-vient continuels dans le temps et des ellipses, sans chapitrage, est un type de narration vu et revu pour des films d’anticipation à suspense. Ici, la narration par pallier permet une compréhension progressive des enjeux et laisse le spectateur s’imprégner de cet univers – justement, la photographie et les étendues marines sont propices à la contemplation. Mais le film manque à certains égards d’un souffle dans son histoire, dans la puissance de ce qu’il essaie de signifier, pour réellement exploiter cette narration un peu particulière et de base, bien pensée. Certains plans sont très beaux, principalement ceux montrant les étendues aquatiques, et s’offrent même des effets de lentilles du plus bel effet. En revanche, dès que le film s’essaie à l’imagerie de science-fiction, il perd grandement en impact, tant les décors semblent factices – dû à un manque de budget, clairement. L’immersion se perd alors et c’est toute l’intention qui en prend un coup, puisque le spectateur est sorti du film.

Néanmoins, et bien que le final se perde dans des explications capillotractées, cette structure narrative est intéressante et il faut laisser une chance au film pour cette raison. Pourquoi pas, même, essayer de le revoir plusieurs fois pour se l’approprier et apprécier toutes les nuances des genres ?

Malgré une narration élaborée, une magnifique photographie et un propos salutaire, le manque de force dans les images couplé à des faiblesses scénaristiques rendent la qualité du métrage vacillante.

Les bonus de l’édition vidéo COMBO (blu-ray + DVD) comportent une interview du réalisateur. Elle est enrichissante, car en quelques minutes, on arrive à cerner le profil de ce cinéaste et ce qui le motive. Il ne vient pas du milieu du cinéma, mais des sciences. En un sens, il rappelle Edward Yang, qui était informaticien. Le hasard de la vie l’a mené au cinéma, et compte-tenu de la gravité du sujet du réchauffement climatique, il est important que le sujet de Nuoc 2030 ait été traité.

On retrouve également sur le disque l’habituelle critique de La critique masquée et Dirty Tommy, toujours pertinente. La qualité du blu-ray rend honneur au travail sur la photographie du cinéaste et du directeur de la photographie.

Maxime Bauer.

Nuoc 2030 de Minh Ngyen Vo. Vietnam. 2013.  Disponible en COMBO (BLU-RAY + DVD) & DVD chez Spectrum Films le 19/02/2019.