FICA 2019 – His Lost Name (Yoake) de Hirose Nanako : Get Out

Posté le 5 mars 2019 par

His Lost Name, le premier long-métrage de Hirose Nanako sort prochainement en salles à Tokyo. La réalisatrice fit ses débuts auprès de Kore-eda Hirokazu, et resta à ses côtés pour un apprentissage de longue durée, de 2011 à 2016, période au cours de laquelle elle œuvra chez Bun-Buku, la société de production fondée par Kore-eda et Nishikawa Miwa. On retrouve son premier long-métrage, His Lost Name, avec Yagira Yuya, acteur primé à Cannes en 2004 pour Nobody Knows de Kore-eda en compétition au Festival des cinémas d’Asie de Vesoul.

Depuis le tournant du siècle, le cinéma japonais s’est tourné vers des enjeux de représentation de la récession qui broie le pays, un cinéma qui montre la stagnation à travers une suite de récits dans lesquels les personnages s’enlisent et peinent à échapper. A cet égard, Hirose Nanako ne s’éloigne pas de ces cadres souvent modestes, entendons sans ‘dépassement’, qui désignent l’univers de son mentor Kore-eda Hirokazu, dont l’autre volet penche vers les figures de conflits père-fils, également présents dans His Lost Name.

Un jeune homme, qui dira s’appeler Yoshida Shinichi (Yugira Yuya, quinze ans après Nobody Knows) est retrouvé sur les bords d’une rivière longeant une lointaine banlieue de Tokyo, avec ses mêmes chaînes de restaurants, ses concessionnaires Toyota/ Nissan/ Honda, et ses salles de pachinko. Il est recueilli par un menuisier veuf (Kobayashi Kaoru de Midnight Diner), Tetsuro, qui a également perdu son fils. L’instinct paternel, ici emblème du rachat, s’éveille. Il le sauve, le nourrit, l’héberge dans la chambre du fils défunt, lui offre une formation dans sa petite entreprise. Ce nouveau venu, qui pourrait être accueilli comme le Terence Stamp de Théorème, reste figé dans cette première partie devant cette succession d’actes de bonté : du menuisier, de sa secrétaire divorcée qu’il compte épouser, d’un ancien apprenti devenu permanent (remarquable Young Dais, vu dans l’immense Tokyo Tribe de Sono Sion). Puis peu à peu, les grimaces apparaissent, Yoshida Shinichi ne se trouve pas là par hasard, il ne s’est pas rendu dans ce lieu qui ne produit rien pour être sauvé, mais pour se condamner d’un acte qu’il y a commis. Aux grimaces suivent les premières tentatives de vouloir s’enfuir, chaque fois retenu par Tetsuro. La seconde partie du film semble d’ailleurs se composer de séquences dans lesquelles on cherche les échappatoires et autres points de fuite.

Hirose met tristement en scène (les décors, la pauvreté de la lumière, la modestie du budget de son film) deux personnages en quête de pardon. Tetsuro voit en Shinichi le ticket gagnant. Ce dernier ne veut plus rester un instant de plus dans ce lieu où il échoua à mourir. Le film pourra s’en tenir là, et ressembler aux personnages qui ont dessiné trop tôt les limites de leurs ambitions, à l’image de ceux croisés dans Asako I&II de Hamaguchi Ryosuke. Le personnage de Shinichi ne cherche pas simplement à quitter ce décor, il exprime un ras-le-bol que lui inspire ce récit. La dernière scène du film le voit courir sur des kilomètres avant de croiser un chemin de fer, freinant sa course le temps d’un train qui passe, pour le révéler par la suite, figé, indécis, ne sachant où aller. Malgré un montage qui mérite d’être plus tendu, et une continuité lumière chancelante, Hirose  Nanako loue avec His Lost Name (un nom que Shinichi ne souhaite pas retrouver) les mérites de la rupture.

Stephen Sarrazin.

His Lost Name (Yoake) de Hirose Nanako. Japon. 2018.

Présentée au Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul (FICA). Hors-Compétition. Plus d’informations ici.

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