Film de la semaine – Avant l’aurore de Nathan Nicholovitch (en salles le 19/09/2018)

Posté le 19 septembre 2018 par

Il aura fallu attendre plus de trois ans après sa présentation à l’ACID au Festival de Cannes 2015 pour voir De l’ombre il y a, le film de Nathan Nicholovitch, renommé pour sa sortie Avant l’aurore, en salles ce 19 septembre.

Il y a des films qui marquent par leur âpreté, leur sécheresse de surface, la dureté des sentiments et des actes. Avant l’aurore de Nathan Nicholovitch est de ceux-là. Le film nous happe dans un Phnom Penh en perdition, rugueux, sale, dont les mille et une lumières éblouissent autant qu’elles empêchent de voir l’horreur.

Au milieu de ce chaos, Mirinda, prostitué français, vit au jour le jour, de rencontres en rencontres. Le Cambodge lui permet de se réinventer – elle devient femme – autant que de se perdre complètement. Le pays dont les fantômes du passé ne cesse de troubler devient une représentation parfaite de la psyché d’un personnage qui en rencontrant une jeune fille en perdition trouve une nouvelle opportunité de se transformer à nouveau.

Avant l’aurore laisse transparaître alors, au milieu de la saleté, de la colère, de la violence, des sentiments forts et lumineux. L’union de ces deux personnages permet d’entrevoir une autre issue pour le pays/Mirinda. Filmé comme l’enfer sur terre, le Cambodge devient une sorte d’entité qui crie sa douleur à la face du monde, son incapacité à se laver de ses péchés ancestraux, de ses horreurs.

Nicholovitch filme ce maelstrom d’émotions avec beaucoup de finesse, laisse le temps se diluer, comme pour montrer le cheminement de pensée de son personnage principal. Car Avant l’aurore est une quête de sens, un magnifique portrait d’un être qui se pense perdu mais qui découvre des sentiments nouveaux. Il n’est d’ailleurs pas incongru de relier le film de Nicholovitch avec Burning de Lee Chang-Dong, qui présente lui aussi un état des lieux sans concessions et qui laisse les personnages se débattre avec leur quête de vérité et de liberté. Certaines séquences sont traversées par la même grâce, entre ombre et lumière, horreur et beauté du monde.

L’horreur et la beauté trouvent dans Avant l’aurore sa plus belle représentation dans le corps de Mirinda. Filmé sans fard, le corps du formidable David D’Ingéo, avec ses plis, ses injections de botox, ses dents qui tombent, sa maigreur, devient le sujet même du film. Le personnage principal n’est au début qu’un corps, qui se meut bon gré mal gré dans un univers sans pitié. Nicholovitch met le spectateur face à ce corps, qui (re)trouve une âme. Que le film se termine dans l’eau n’en devient que plus symbolique : c’est le pardon, le salut, la liberté.

De l’ombre il y a, disait le premier titre du film, et il y en a beaucoup dans ce Phnom Penh cauchemardesque. Mais puisque l’aurore est là « c’en est fait des funestes pensées, c’en est fait des mauvais rêves »[1].

[1] Puisque l’aube grandit, puisque voici l’aurore – Paul Verlaine

Jeremy Coifman.

Avant L’aurore de Nathan Nicholovitch. France-Cambodge. 2015. En salles le 19/09/2018.

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