Dernier train pour Busan – Entretien avec le réalisateur Yeon Sang-ho

Posté le 17 août 2016 par

Alors que Dernier train pour Busan secouait la Croisette en mai dernier lors la séance de minuit, nous avons pu nous entretenir avec son réalisateur, Yeon Sang-ho. Cela tombe bien puisque le film vient de sortir en salles et mérite le détour !

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dernier train pour busan

On vous retrouve cette année avec Dernier train pour Busan en séance de minuit à Cannes. Quelle est la genèse de ce film ?

Quand j’étais en pleine production du film d’animation Seoul Station, il y a un an, je me suis dit que je pourrais peut-être garder le même univers en y mettant plus d’émotions personnelles. En traitant le film de façon un peu plus commerciale, en le situant le lendemain de l’action de Seoul Station, je me disais que cela pouvait donner un tout autre film. J’en ai parlé à ma production qui a trouvé l’idée assez bonne et ils m’ont donc proposé de faire un film en prises de vue réelles. Et c’est ça qui a donné Dernier train pour Busan.

Ce virage de l’animation vers la prise de vue réelle avait-il pour premier objectif de toucher davantage de monde ?

Il y a plusieurs raisons à ce virage. Mais, effectivement, en Corée, c’est plus facile d’approcher les spectateurs à travers un film en prises de vue réelles. Donc, comme vous le dites, il y a cet aspect commercial. Mais c’est aussi parce qu’on m’avait proposé à plusieurs reprises, depuis The King of Pigs, de tourner un film en prises de vue réelles. Je pense que j’avais au fond de moi la volonté de connaître le fonctionnement du mécanisme des films en prises de vue réelles, qui est totalement différent de celui des films d’animation. J’avais envie d’une nouvelle expérience.

Comment s’est déroulée cette nouvelle expérience en termes de tournage et de direction d’acteurs ?

Je n’ai pas éprouvé de grandes difficultés pour ce film car chaque membre de mon équipe était extrêmement professionnel. Ils m’ont aidé dans chaque étape du film. J’ai eu la chance d’avoir une équipe constituée, pour la plupart, de fans de mes films d’animation et ils ont tout fait pour que je me sente à l’aise sur le plateau. Concernant la direction d’acteurs, je dirai que même dans le cinéma d’animation, on est plus ou moins amené à diriger les acteurs pour le doublage, même si c’est très différent d’un film en prises de vue réelles. En tout cas, les acteurs se sont vraiment donnés à fond et ont tout fait pour que le film se passe bien. Le tournage a été une partie de plaisir.

yeon sang-ho

La production de Dernier train pour Busan a-t-elle été plus simple que celle de vos films d’animation ? Combien le film a-t-il coûté ?

Le budget de film a été d’environ 10 millions de dollars. Au contraire de mes films d’animation, évidemment, on a beaucoup travaillé les décors. Sinon, je n’ai pas ressenti de grandes différences par rapport à la production d’un film d’animation.

Dernier train pour Busan est un film de zombies, genre assez peu représenté dans le cinéma coréen. Pourquoi avoir choisi cette figure ?

En effet, c’est un genre qui n’est pas vraiment répandu en Corée. Mais comme il y a beaucoup de films étrangers de zombies à gros budget, le public coréen y est habitué. Les zombies étaient déjà l’élément clé de Seoul Station et le processus de reprendre cette figure dans Dernier train pour Busan a été naturel. Je me suis quand même dit que ce film allait peut-être être un peu difficile d’accès pour les spectateurs coréens. C’est pour cela que j’ai ajouté certains éléments pour que les Coréens puissent se retrouver dans le film et ne se sentent pas étrangers.

yeon sang-ho

Qu’est-ce qui vous attirait précisément dans la figure du zombie ?

Je voulais inclure des zombies car cette figure est très différente des autres figures traditionnelles comme les vampires ou les loups-garou. Le zombie, pris à part, n’a pas de pouvoir particulier. C’est assez « facile » de se protéger contre une attaque de zombies. Mais la force du zombie, et ce qui déclenche la peur de la population, est qu’il se déplace en groupe. Cette notion de groupe, de horde peut donner une signification sociale. Je voulais réaliser un drame social et cette figure me paraissait correspondre à ce que je voulais montrer.

En parlant de drames sociaux, vos précédents films portent une critique très directe sur la société contemporaine. Quel message souhaitiez-vous faire passer dans Dernier train pour Busan ?

Dans Seoul Station, je voulais délivrer un message social très fort. Pour Dernier train pour Busan, je voulais davantage apporter une touche d’émotion personnelle. Du coup, j’ai souhaité me concentrer sur les individus, les êtres humains qui peuvent devenir petit à petit des monstres. Cela peut concerner les gens qui se transforment en zombie mais pas seulement. Cela peut aussi concerner des personnes qui, à cause des circonstances, se transforment en des êtres monstrueux. Au contraire, certains deviennent des héros alors qu’ils ne l’étaient pas au début du film. Et je me suis dit demandé quelles étaient les raisons qui les poussaient d’un côté ou de l’autre de la barrière. Dans Seoul Station – je ne vais pas tout vous raconter car le film n’est pas encore sorti – la plupart des personnages sont des SDF ou des gens qui ont tout perdu. Dans Train to Busan, je voulais au contraire montrer le reste de la population, dont la motivation est de protéger leurs proches.

Il semble pourtant y avoir une critique directe de la société dans Dernier train pour Busan, notamment au début du film lors des séquences où les médias annoncent que tout va bien alors que c’est quasiment l’apocalypse dehors.

Je ne parlerai pas vraiment de regard critique. En Corée, tout le monde est habitué à l’autorité du gouvernement. C’est ce que je voulais montrer dans ce film. Selon moi, le public coréen trouvera cela plutôt amusant puisque c’est vraiment ce qui se passe avec le gouvernement. C’est vraiment la figure du pouvoir qui est représentée dans cette scène ; c’est une petite touche réaliste.

Quels sont vos prochains projets ?

Je travaille actuellement sur un scénario donc je ne peux pas trop en parler. Mais cela sera un thriller de science-fiction très coréen.

Nous demandons à chaque artiste que nous rencontrons une scène, un film qui les a inspiré ou marqué. Quel serait votre moment de cinéma ?

Je pense au film Perfect Blue de Kon Satoshi. Il y a une course-poursuite à la fin du film entre le criminel et le personnage principal. Tout d’un coup, on voit sur une vitrine l’image du vrai criminel qui se reflète. C’est une scène qui n’a l’air de rien et qui est très réaliste. Mais elle montre bien les sentiments des personnages.

Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho. Corée. 2016. En salles le 17/08/2016.

Traduction : Kim Yejin.

Remerciements à Yeon Sang-ho et Laurin Dietrich.

Propos recueillis le 15/05/2016 à Cannes par Elvire Rémand et Victor Lopez.

Photos de Victor Lopez.