FCCF – 12 Citizens, d’Ang Xu : les strates de la société chinoise en huis-clos

Posté le 30 juillet 2016 par

Le Festival du cinéma chinois en France (FCCF) présentait 12 Citizens, d’Ang Xu, relecture de 12 Hommes en colère de Sidney Lumet. Première réalisation d’Ang Xu (qui en est aussi le scénariste), 12 Citizens permet au cinéaste de pointer du doigt la société chinoise dans son ensemble.

Ang Xu, pour son premier long-métrage, ne fait pas dans la facilité, puisqu’il opte pour un huis-clos centré sur les délibérations des jurés d’un faux procès. Et hormis les toutes premières minutes, montrant le meurtre qui est le point de départ de l’affaire (une affaire véritable, qui aura été beaucoup médiatisée mais n’a finalement pas été jugée), la caméra d’Ang Xu ne quitte jamais la salle qui sert aux discussions des jurés.

12 citizens

L »histoire est simple. Une affaire médiatisée mais qui n’aboutit pas dans la réalité (un jeune homme riche est accusé d’avoir assassiné son père naturel qui l’a abandonné depuis longtemps et lui taxe régulièrement de l’argent) est le point de départ d’un exercice d’une école de droit occidental, qui met en scène le procès qui aurait pu avoir lieu. Les parents des jeunes mettant en scène le dit procès sont réquisitionnés pour incarner les jurés et, après quelques minutes de présentation, le spectateur se retrouve coincé dans une salle avec les faux jurés. Tous pensent que le jeune accusé est coupable, sauf un. Pourquoi ? Ce qu’il explique de prime abord, c’est qu’avant de détruire la vie d’un homme de l’âge de leurs enfants, il faut être certain, et prendre le temps d’en discuter.

12 Citizens est beaucoup plus qu’une relecture du film de Sidney Lumet, il s’agit d’un remake. Certes, Ang Xu n’a pas la maestria filmique du réalisateur de 7h58 ce samedi là, et ne s’éloigne que peu de l’original. Que ce soit le numéro du juré opposé à la culpabilité, la manière dont la singularité de l’arme du crime est mise en doute, ou encore les différentes méthodes utilisées pour démonter l’argumentaire de l’accusation, tout provient de l’original. Ang Xu apporte cependant quelques modifications majeures, en optant pour la tenue d’un faux procès, ce qui lie les jurés aux membres du tribunal (puisqu’il s’agit de leurs propres enfants). Et entre cela et les rapports compliqués de l’accusé pour son père (bien différents dans 12 Hommes en colère, dans lequel l’enfant était pauvre et souvent battu), le réalisateur de cette nouvelle version explore les relations entre les couches de la société chinoise avec justesse, en évitant la caricature. De plus, maîtrisant plutôt bien le huis-clos (même s’il n’a visiblement pas le talent de Sidney Lumet), il parvient à rendre son film ludique et à garder son spectateur attentif.

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Car l’ennui aurait facilement pu s’inviter face à ce film centré sur les dialogues tournant autour de la fausse accusation d’un jeune homme, et pourtant il n’en est rien. Des acteurs convaincants, des dialogues passionnants, ainsi qu’une réalisation cherchant à se montrer inventive (en particulier lors de la tentative de reconstitution du meurtre, alors que le réalisateur rajoute les bruits du train, par exemple) rendent 12 Citizens très intéressant et toujours plaisant.

Les protagonistes se révèlent aussi assez rapidement archétypaux, mais il s’agit d’une démarche délibérée, qui permet de montrer des représentants des différentes strates de la société chinoises, confrontés les uns envers les autres, et surtout comment ils perçoivent, à travers le prisme de ce meurtre, la justice chinoise et la culpabilité. En cela, les rapports de chacun avec leur enfant et leur perception de l’école (qui enseigne le droit occidental) sont superbement mis en scène. En particulier, nous verrons un personnage se montrer plutôt virulent envers les habitants d’une banlieue, et un autre refuser de percevoir autre chose que la culpabilité de l’accusé, car son comportement dénote un manque de respect envers ses aînés. Bien entendu, au fil des discussions, le spectateur tout comme les membres du jury, en apprennent plus les uns sur les autres, découvrant les raisons qui motivent de telles prises de positions.

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12 Citizens manque cependant un peu de rebondissements, et de ce fait, sa conclusion peut être aisément anticipée même si le plan final se révèle inattendu et très différent de l’original. Cela n’empêche pas le film d’être très intéressant sur le fond comme sur la forme, et de se révéler comme étant autant un film très ludique qu’une intéressante étude de la société chinoise. Le principal problème du film (outre le fait qu’il suit d’un peu trop près son aîné) est qu’il manque finalement d’enjeux. Puisqu’il s’agit d’un faux procès, personne ne risque quoi que ce soit et, si Ang Xu insiste bien sur la tension, certains jurés prenant très à cœur cet exercice, le spectateur ne peut s’empêcher de se dire que tout cela révèle une finalité un peu vaine, contrairement à 12 Hommes en colère, qui voyait forcément le risque d’envoyer un gamin d’à peine 18 ans à la mort. De plus, le plan final (qu’il est difficile de révéler) dénote un côté un peu trop patriotique, alors que tout ce qui avait précédé se voulait plutôt neutre et réfléchi, comme si le réalisateur avait eu peur d’aller trop loin dans sa réflexion, au risque de déplaire au gouvernement chinois.

Yannik Vanesse.

12 Citizens, d’Ang Xu, diffusé dans le cadre de l’édition 2016 du Festival du cinéma chinois en France (FCCF).

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