Le Black Movie de Genêve nous permettra de découvrir Ping’an Yueqing, réalisé par Ai Wei Wei. Ce qui vous laisse encore 4 jours pour découvrir l’univers de l’artiste chinois contestataire… en vous plongeant par exemple dans la ducumentaire que lui consacre Alison Klayman, Ai Weiwei : Never Sorry !
Le documentaire Ai Weiwei: Never Sorry a fait le tour des festivals en 2012. Il a d’ailleurs été récompensé du Prix Spécial du Jury lors du Festival de Sundance 2012, ce qui n’est pas rien. Grâce aux éditions Blaq Out, spécialisées dans les films d’auteur, le documentaire arrive par chez nous et nous dépeint un bout de vie de l’artiste dissident chinois Ai Weiwei.
Une lutte politique et artistique
Ai Weiwei: Never Sorry est le premier film documentaire d’Alison Klayman, journaliste de profession. Elle a suivi l’artiste de 2008 à 2011, période extrêmement remplie pour Ai Weiwei. En effet, ses installations artistiques font le tour du monde et son engagement politique se montre plus vindicatif que jamais. Ce quotidien, fait de luttes acharnées contre le gouvernement chinois, Alison Klayman nous le fait découvrir. Le spectateur suit Ai Weiwei dans ses voyages en Chine, mais aussi lors de l’installation de ses expositions à l’étranger. Un épisode marquant de la vie d’activiste d’Ai Weiwei est particulièrement développé : sa révolte contre le manque de communication du gouvernement chinois lors du tremblement de terre du Sichuan en mai 2008. Face à un régime qui ne s’exprime pas, ou ment effrontément, Ai Weiwei lance une enquête citoyenne sur les terres du Sichuan. Il recrute deux cents bénévoles qui parcourent la région sinistrée afin de retrouver le nom des enfants disparus, ainsi que leur âge. Au bout d’un an, une liste de plus de 5 000 personnes est publiée. Ai Weiwei fait du résultat de ce combat une installation de 9 000 sacs à dos, qui sera mise en place lors de son exposition So Sorry à Munich. Si le film insiste autant sur cet épisode, c’est qu’il est symptomatique du travail d’Ai Weiwei. Ses œuvres d’art sont façonnées par son engagement politique.
Pour montrer Ai Weiwei d’une façon neutre, la caméra se veut témoin, elle erre autour de lui sans jamais s’impliquer. Pour autant, Alison Klayman ne désire pas montrer un artiste tout puissant et sans failles. Pour cela, de nombreuses interviews sont disséminées dans le film, ce qui rend le personnage Ai Weiwei humain, voire attachant. Outre les personnes qui l’ont connu aux Etats-Unis – Ai Weiwei y a vécu de 1981 à 1993 – et en Chine, la réalisatrice met en avant les témoignages de sa famille, notamment de sa mère, qui sont parfois bouleversants. Le documentaire se penche également sur sa vie de famille et l’on apprend qu’Ai Weiwei a un enfant, né d’un adultère. La réalisatrice ne traite pas cet adultère de façon scabreuse. Au contraire, elle montre Ai Weiwei comme un père aimant, désirant faire de la Chine, son pays, un endroit plus libre pour les générations futures.
Ai Weiwei, un personnage énigmatique
Alison Klayman se montre neutre dans sa réalisation, et c’est tout à son honneur. Cependant, la neutralité pousse parfois à ne pas s’interroger, et c’est bien le point faible du film. Qui est vraiment Ai Weiwei ? Un artiste, un politicien, un bloggeur ? Alison Klayman a beau nous présenter les installations d’Ai Weiwei, ces dernières sont rapidement éclipsées par sa lutte politique. La visite de son atelier à Shanghai est particulièrement révélatrice de ce qu’est Ai Weiwei : un homme d’affaires employant une vingtaine de personnes. Certes, il reste le cerveau initiateur de ses installations mais ces dernières apparaissent comme un moyen de faire connaître ses actions politiques à l’extérieur de la Chine. Ai Weiwei: Never Sorry montre un personnage énigmatique qui dénonce les Jeux Olympiques de 2008 après avoir construit le stade, passe son temps à twitter ses malheurs avec la police chinoise et profite des dons de la population chinoise pour sa libération sous caution, alors que ses œuvres se vendent à des milliards de dollars. Son succès mondial lui permet de défier le gouvernement chinois sans craindre de finir en prison à vie. Et pourtant, ses nombreuses protestations contre le régime chinois lui vaudront d’être retenu 81 jours en prison, en 2011. Libéré sous caution, il reste actuellement en liberté conditionnelle et ne peut quitter Pékin sans autorisation. Alison Klayman termine d’ailleurs son film par la sortie d’Ai Weiwei de détention. A ce moment-là, nous découvrons Ai Weiwei sous un autre jour. Il ne parle plus. Cet être bavard et communicatif ne s’exprime plus. La bravoure d’Ai Weiwei semble avoir été brisée par la prison. C’est bien la seule fois qu’Ai Weiwei respecte les décisions du régime chinois. Mais heureusement pour nous, il s’est remis à parler il y a peu ! Car oui, Ai Weiwei a beau être énigmatique, il n’en est pas moins important dans le développement embryonnaire de la démocratie en Chine.
Ai Weiwei: Never Sorry est un film documentaire qui mérite d’être vu, ne serait-ce que pour mieux connaître le travail d’Ai Weiwei. Cependant, Alison Klayman a tendance à faire passer ses œuvres d’art au second plan, alors que ces dernières sont superbes. Un peu plus d’art et davantage de questionnements sur l’engagement d’Ai Weiwei auraient fait de ce documentaire un film essentiel à regarder.
Lvi.