Lee Joon-ik

Festival – FFCP : Master Class avec Lee Joon-ik, realisateur de Hope

Posté le 22 novembre 2013 par

Le film d’ouverture du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), Hope, réalisé par Lee Joon-ik (Le roi et le clown), a emballé le public parisien. Pour mieux comprendre les motivations du cinéaste, le FFCP a organisé un débat entre lui et le public. Rencontre avec le réalisateur coréen, jovial et heureux d’être présent à Paris.

Hope

Le viol de la petite fille n’est pas montré directement dans le film. A ce propos, vous avez déclaré avoir préféré aborder le thème plutôt que le sujet du film.

Le sujet du film, l’agression sexuelle envers un mineur, a déjà été traité au cinéma à plusieurs reprises. En général, cela donne lieu à une vengeance personnelle. Mais ces films ne parlent pas vraiment de la douleur qu’éprouvent les victimes. Ce que je voulais montrer à travers ce film, c’est le processus de la victime et comment elle arrive à s’adapter et surmonter ses difficultés. Même si Hope n’a été interdit qu’aux moins de 12 ans, c’est un film assez éprouvant à voir car on imagine toute l’action. C’est pour cela que je n’ai pas préféré mettre des détails sordides. Ce genre d’actes a lieu dans le monde entier. A chaque fois, les gens se disent « il faut tuer l’agresseur, rétablir la peine de mort ». Mais quand on demande aux victimes ce qu’elles en pensent, en général, elles veulent se cacher et n’ont pas d’avis aussi tranché que celui de l’opinion publique.

Je voulais donc montrer à quel point c’était difficile pour ces victimes et qu’on doit les soutenir dans cette démarche.

Quelle est la réaction de la société par rapport aux victimes ? Au Japon, il y a un taux très faible de victimes qui déclarent être victimes, par crainte de ne pas être écoutées ou d’être mises à part de la société. Qu’en est-il du côté de la Corée ? Dans le film, tout se passe très bien mais dans la réalité ?

L’an dernier, les statistiques coréennes ont montré qu’il y avait 2,7 mineurs par jour concernés par des agressions sexuelles. Mais cela ne concerne que les cas déclarés ; il y en a donc beaucoup plus en réalité. Les victimes ont tendance à se cacher pour préserver leur famille, leurs enfants, leur entourage. Après avoir projeté le film, beaucoup de personnes sont venues vers moi et ont voulu parler de ce qu’elles avaient subi. J’ai aussi reçu beaucoup de lettres de personnes qui avaient été victimes de viol et qui me remerciaient d’avoir fait ce film.

Effectivement, en Corée, les victimes se cachent. Mais je vous retourne la question : est-ce qu’en France, les victimes se déclarent facilement ? Personnellement, je ne pense pas. Ce film est alors une sorte de question que je voulais adresser à la société. Ne doit-elle pas soutenir et avoir un regard plus chaleureux envers les victimes ?

La petite fille, à la fin du procès, s’accroche à la jambe de son père. Si la fille ne l’avait pas fait, le père aurait bien sûr frappé le violeur. Mais ce n’est pas en le frappant que la blessure se serait guérie. Dans le Talmud, il est écrit que pour surmonter la blessure, il faut vivre heureux. C’est la seule façon de vaincre cette blessure.

lee joon-ik

Au terme du procès, le verdict semble particulièrement injuste. En Corée, pour ce genre de crime, la consommation d’alcool peut être une circonstance atténuante. Est-ce un engagement de votre part de dénoncer l’alcool comme circonstance atténuante ?

L’histoire de Hope est un fait divers qui remonte à 5 ans et le verdict a été exactement le même. Une révision de la loi sur l’alcool en tant que circonstance atténuante a eu lieu il y a 2 ans.

Le film est à l’affiche depuis 4 semaines en Corée et le public demande à ce qu’il y ait une plus grande punition envers les violeurs dans la loi coréenne. J’espère que ce film fera bouger les choses et qu’il y aura du changement dans les prochaines années.

Concernant la jeune actrice, cela n’a pas été trop dur pour elle de tenir ce rôle ? Et cela n’a pas été difficile pour vous de la mettre dans de bonnes conditions ?

Dans le film, il y a le centre du Tournesol pour aider les enfants victimes de viol. Avant que la petite fille ne tourne avec nous, on est justement allé dans un centre pour avoir des conseils, savoir si ce ne serait pas difficile pour une enfant d’interpréter ce rôle, et si elle n’aurait pas de séquelles après le film. En tant que réalisateur, je ne pouvais pas vraiment la diriger. C’est surtout l’entourage de la fille, à commencer par sa mère, le répétiteur et l’équipe de mise en scène qui a joué ce rôle. Pour les scènes plus éprouvantes, on a davantage parlé à la mère de la fille plutôt qu’à l’enfant directement. Toutes les mères et les filles entretiennent une relation très forte et ont une communication spéciale entre elles.

L’acteur ne travaille jamais en solitaire. Il a toujours un partenaire en face de lui. En face de l’enfant, il y a une caméra, et derrière la caméra, il y a ses parents. En face de l’enfant, il y a un immense acteur, l’un des plus doués de sa génération. Quand un acteur est vraiment concentré, il ne joue pas, il réagit. Les gens disent que la petite fille joue bien mais je dirais plutôt qu’on lui a fourni un environnement idéal pour qu’elle puisse se concentrer et réagir au mieux.

Comme le film est un sujet douloureux, on a essayé sur le tournage de faire rire les gens. De plus, pendant le tournage, un consultant pour enfant qui venait vérifier que tout allait bien.

Comment avez-vous réussi à rendre le maquillage si vraisemblable ?

Pour le maquillage, on a essayé de le rendre réel. On a fait plusieurs essais de cicatrices. La cicatrice qu’a l’enfant sur la joue sont des traces de dents. Pour les yeux, on a commandé des lentilles des Etats-Unis. Le maquillage prenait minimum 2h à chaque fois. Il y avait toujours sa mère ou une assistante qui essayaient de lui rendre ce temps un peu moins douloureux. Un bon maquillage aide l’acteur à se concentrer et à faire une bonne interprétation.

Lvi.

Crédits photo : FFCP

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