Black Movie : notes sur les films (suite), Alone, Stateless Things, Japan’s Tragedy, Chapiteau Show…

Posté le 27 janvier 2013 par

Après Outrage Beyond, Pietà ou Dead Sushi (lire ici), au tour de Chapiteau Show, Japan’s Tragedy ou Stateless Things de passer au radar critique de Victor Lopez.

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Faceless Things de Kim Kyung-mook (Corée, 2005)

« AVERTISSEMENT : Nous informons le public que ce film contient une scène documentaire de scatophilie susceptible de choquer sa sensibilité. Public, te voilà averti ! »

Voilà ce que l’on peut  lire en préambule de la présentation du film dans le catalogue du Black Movie, et autant dire qu’avec un tel avertissement, le public est venu nombreux découvrir l’objet du scandale. Et pourtant, ceux qui attendaient du trash gratuit et des sensations fortes, à la manière d’un snuff movie, ont dû se trouver fort déçus devant un projet avant tout expérimental interrogeant de manière frontale le regard du spectateur face à la profusion d’images voyeuristes que l’on trouve sur le net. Le point de départ de Faceless Things est en effet la colère du jeune cinéaste devant une vidéo mise en ligne issue d’une caméra cachée dans une chambre d’hôtel, dévoilant ainsi l’intimité d’un homme d’âge mûr et d’un adolescent. Les 43 premières minutes rejouent la scène en un seul plan fixe, créant par ce procédé un malaise certain face à l’incertitude de la provenance même des images, alors que la séquence incriminée par l’avertissement vient clore le film, en multipliant les points de vue, et en doublant la réflexion par une interrogation sur les limites réalistes des images, où les frontières entre objectivité et intériorité, réel et fantasme, la vie de Kim Kyung-mook et celle de ses personnages se brouillent totalement, avant qu’un dernier plan revoit tout cela de manière direct au spectateur. Une expérience de cinéma intense, extrême, mais surtout précieuse.

Verdict : 3,5/5

VL.

Black Movie : Interview de Kim Kyung-mook, réalisateur de Stateless Things.

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Stateless Things de Kim Kyung-mook (Corée, 2012)

Dans la continuité de Faceless Things, Kim Kyung-mook signe un premier long métrage maîtrisé et passionnant. On ne reconnaît pas dans un premier temps la patte du cinéaste lorsqu’il plante un décor naturaliste, suivant le parcours d’un jeune pompiste nord-coréen digne de Journals of Musan. Pourtant, rapidement, le réalisme se fissure lors d’un insert d’une scène SM, filmée au téléphone portable et sans aucun lien avec le récit en cours. Une seconde couche de réel se superpose alors à la première et vient l’éclairer sous un autre angle, dans lequel la soumission sexuelle répond à la soumission sociale de la première partie. En se dédoublant ainsi, le film se fait plus ambigu et rejoint les thématiques des courts-métrages du cinéaste sur sa place et celle du spectateur dans la narration, sur le voile d’irréalisme tendu sur le monde, ou sur l’inconciliable dualité de celui-ci dans l’appréhension que nous en avons. Si son long n’est pas tout à fait à la hauteur des promesses de ses courts, un cinéaste est indéniablement né et nous avons hâte de découvrir où ses prochaines œuvres vont nous mener.

Verdict : 3/5

VL.

À lire:  Black Movie : Critique de Stateless Things de Kim Kyung-mook

Japan's Tragedy

Japan’s Tragedy de Kobayashi Masahiro (Japon, 2012)

D’une intense sobriété, le dernier film de Kobayashi émeut et bouleverse. Le regard plein de tristesse et de résolution de l’immense Nakadai Tatsuya, qui porte le film avec une solidité inébranlable surtout reste en mémoire longtemps après la projection. Le constat est sans appel sur le destin du Japon, voire du monde, et une tristesse infinie transparaît dans chaque recoin du noir et blanc fixe du film. Ce désespoir transparaît jusqu’aux propos de Kobayashi lui-même, que nous avons eu la chance de rencontrer longuement pendant le festival pour lui parler du film. Heureusement, la tristesse est contrebalancée par une gentillesse infinie, et une envie de partager son expérience avec ses spectateurs.

Lire la suite ici.

Verdict : 3,5/5.

VL.

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Ship of Theseus de Anand Gandhi (Inde, 2012)

Fracturé en trois parties, Ship of Theseus reprend à sa manière le mythe du bateau de Thésée, dont on se demande, une fois toutes les parties échangées au point qu’il n’en reste plus une seule d’origine, s’il s’agit encore de son bateau. Mais la problématique est ici greffée de manière subtile sur le corps humain, en posant la question du don d’organes dans l’Inde contemporaine. Malgré une troisième histoire plus didactique, traitant un peu lourdement de la question du trafic d’organes entre l’Inde et l’Europe et un final un peu programmatique tenant à sensibiliser le public indien sur la question, les deux premiers segments impressionnent par leur maîtrise cinématographique et leur sens du dialogue et des situations. Les personnages de la jeune photographe aveugle et du moine athée sont ainsi des plus attachants et on suit leur histoire avec bonheur. On retiendra donc le nom du talentueux Anand Gandhi, qui s’inscrit dans la nouvelle vague indienne ouverte par Onir, osant traiter avec audace de sujets difficiles et tabous en Inde. Un cinéma nécessaire et beau.

Verdict : 3/5

VL.

When Night Falls

When Night Falls de Ying Liang (Chine, 2012)

Ce sont surtout des raisons extra-cinématographiques qui confèrent à When Night Falls un intérêt certain. En s’inspirant d’un fait divers sur un jeune homme condamné à mort pour le meurtre de policier suite à un interrogatoire qui a mal tourné, Ying Liang pointe les injustices et les travers d’un système judiciaire autoritaire, violent et absurde, qui ne laisse aucune chance à ses accusés. Un constat qui a forcé son réalisateur à l’exil, actuellement dans l’incapacité de revenir dans son pays. Un cinéma nécessaire, donc, visant à éveiller les consciences, mais dont le traitement laisse par contre perplexe à force de radicalité minimaliste. Après une belle introduction se focalisant sur le calvaire de la mère du jeune accusé, relaté en voix-off, alors que défile des photos sur l’écran, l’attention du spectateur a tendance à s’effriter à mesure que le film se déroule, en suivant toujours les allées et venues de la mère désemparée face au destin de son fils. On comprend vite que tout a déjà été décidé, et que l’impuissance de la famille est totale face à cette situation impossible et que seule la rage et le désespoir subsistent. L’asséner au spectateur de manière aussi répétitive lasse alors, et les 1h10 de métrage semblent durer une éternité.

Verdict : 2/5

VL.

Juvenil Offender

Juvenile Offender de Kang Yi-kwan (Corée, 2012)

Malgré son histoire et ses thématiques dramatiques, une humeur légère se dégage de Juvenile Offender, autant grâce à la tonalité lumineuse choisie par Kang Yi-kwan pour illustrer son histoire, que par le jeu rafraîchissant de ses jeunes acteurs, dont la chanteuse Lee Jeong-hyeon (parfois considérée comme « la Björk coréenne »). Le film se concentre sur le parcours d’un jeune homme, qui, suite à une infraction dans une maison, va se retrouver en centre de détention pour mineurs. À sa sortie, sa mère, qu’il n’a jamais vu, l’attend et a décidé de s’occuper de lui. Mais cette dernière se révèle être dans une situation encore plus précaire que celle de son fils. Et pour couronner le tout, le garçon apprend que sa petite amie a accouché lorsqu’il purgeait sa peine. Beau et intelligeant, appuyant juste parfois un peu trop sur la corde sensible, sans pour autant sombrer dans une facilité mélodramatique, Juvenile offender est une petite réussite, qui nous a donné envie de rencontrer son auteur.

Lire la suite ici.

Verdict : 3/5

VL.

Alone

Alone de Wang Bing (Chine, 2012)

D’abord présenté sous le titre de Three Sisters, le dernier film de Wang Bing revient avec un montage resséré (1h30 à la place de 2h30) et troque son titre tchekovien pour Alone. De la petite famille composée de 3 sœurs ayant respectivement 10, 6, et 4 ans filmées par le documentariste de À l’Ouest de rails, c’est surtout sur la solitude de l’aînée que se concentre cette nouvelle version, d’autant plus poignante. Vivant dans une région reculée  de la Chine, coupées de tout et au milieu de nulle part, les trois gamines vivent pratiquement seules, leur mère disparaissant dans la première bobine du film, et leur père travaillant pour elles à la ville. L’aînée porte alors sur ses épaules la vie de ses sœurs, et voir ce petit personnage ayant déjà autant de maturité et de responsabilité bouleverse profondément. D’autant que dans la seconde partie, le père décide d’emmener ses sœurs avec lui, la laissant seule dans cet univers inhospitalier. Encore une fois, Wang Bing trouve la parfaite distance entre son sujet et sa caméra, après plus de deux ans de proximité avec la famille qu’il filme, afin d’arriver à un résultat aussi naturel que fluide.

Verdict : 3/5

VL.

Postcards From the Zoo

Postcards From The Zoo de Edwin (Indonésie, 2012)

Si vous avez aimé la première séquence de Life of Pi, se concentrant sur les animaux d’un zoo, vous allez adorer Postcards from the Zoo, surtout si vous avez trouvé la scène trop courte et manquant de girafes chez Ang Lee. Si la vision des animaux et la vie d’un zoo vous ennuient, vous pouvez profiter de la tranquillité du film de l’indonésien Edwin pour vous reposer, et, pourquoi, pas, faire une agréable sieste en rêvassant aux belles images du film. Dans tous les cas, Poscards From the Zoo est une invitation au voyage reposante et voluptueuse.

Verdict : 2/5

VL.

Chapiteau Show

Chapiteau Show de Sergueï Loban (Russie, 2011)

Un sentiment de vertige saisit le spectateur devant l’énormité du maelstrom cinématographique que constituent les 3h40 de Chapiteau Show. Pour vous donner une idée du film, imaginez Kenneth Anger, David Lynch, Sergei Kontchalovski, Emir Kusturica et Rachid Nougmanov (avec Victor Tsoi en guest star) se passant une caméra en trinquant sans fin à la vodka, et vous n’aurez qu’une vague idée de la folie furieuse de ce morceau de cinéma halluciné. Un grand moment de cinéma et la belle découverte inattendue du Black Movie 2013 !

Verdict : 4,5/5

VL.

À lire également : la première partie des notes sur les films du Black Movie de Genève 2013 !

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