In Another Country de Hong Sang-Soo (En salles le 17/10/2012)

Posté le 16 octobre 2012 par

Après avoir filmé les déboires sentimentaux d’un prof d’université porté sur la bouteille et les femmes, Hong Sang-Soo revient aux affaires avec une Isabelle Huppert Lost in Translation, dans In Another Country. Par Jérémy Coifman

Une jeune femme est assise avec sa mère sur la terrasse d’une petite auberge de Mohang-Ni, un petit village paisible en bord de mer. Elles parlent d’un oncle, qui ruina la famille et qui apporta le déshonneur et le malheur dans leur vie. La jeune femme rêve d’ailleurs. Elle veut se lancer dans l’écriture de scénarios. Elle commence à poser les mots sur la feuille de papier. Elle veut d’abord parler d’une femme qui fuit ses dettes, mais elle trouve qu’une occidentale, une belle Française arrivant dans la ville, est plus intéressant. Nous allons suivre ce qui se passe dans l’imagination fertile de la jeune femme.

Film à sketches en trois parties, In Another Country met en scène Anne (Isabelle Huppert) dans trois rôles bien distincts, mais pourtant pas si éloignés. Elle est d’abord une réalisatrice française renommée, qui rend visite à son ami coréen, réalisateur lui aussi et qui se prénomme Jong-soo. Sa femme enceinte l’accompagne. Puis elle est une femme d’un riche industriel qui trompe son mari avec un réalisateur coréen, appelé Mun-soo. Enfin elle incarne une femme divorcée venant en Corée avec une amie qui enseigne le folklore à Jongju.

Anne est tour à tour indépendante, maîtresse, trompée, douce, entreprenante, naïve. Elle incarne les différentes facettes de la femme. Autour d’elle, des hommes. Bien qu’ils incarnent des personnages différents comme Anne, ils sont affreusement les mêmes. Des grands buveurs, jaloux et dragueurs. L’amie d’Anne le résume bien dans le troisième segment : les hommes coréens sont tous les mêmes. « Qu’est-ce qui ne va pas avec ces hommes ? ».  Hong filme encore ses alter égo, réalisateurs, intellectuels et même moine. Jang-soo,  le cinéaste veut réaliser un film sur sa ville « parce que les gens ont trop souffert ici », pourtant, il est incapable de savoir la cause de cette souffrance. Le moine est incapable de répondre à la moindre question posée par Anne et lui montre son stylo Montblanc avec fierté. Malgré la redite (The Day He Arrives est très récent), le portrait est souvent très drôle et amène des scènes des plus cocasses.

Puis au fur et à mesure, une mélancolie s’installe, tout doucement. Après la fête et les bouteilles de Soju, il y a la réalité, les moments de solitude, les regards dans le vide, les fantasmes qui se mêlent au réel sans qu’on  y prenne garde (formidable scène d’hallucination dans le deuxième segment). Hong Sang-Soo répète les scènes à l’envie. Cela peut paraître paresseux (et ça l’est sûrement un petit peu), mais cela insinue petit à petit une idée d’irrémédiable. La forme du récit (en 3 segments) est finalement une métaphore du cinéma de Hong Sang-Soo : ce sont des acteurs, qui interprètent des personnages différents à chaque fois, mais qui sont sensiblement les mêmes. Peu importe les situations, certaines choses ne changent jamais. Anne est toujours seule, Jang-soo n’aime plus vraiment sa femme, la petite aubergiste est toujours aussi soumise et le maître-nageur… nage.

C’est LE personnage du film. In Another Country a beau se concentrer sur Anne, la française, c’est bien le maître-nageur qui tire son épingle du jeu. C’est l’électron libre, le seul personnage présent dans les trois segments qui garde la même ligne de conduite. Il est le point d’ancrage. Il y a une belle alchimie entre Yu Junsang (déjà excellent dans The Day He Arrives) et Isabelle Huppert. Si bien qu’on aurait aimé que le film ne soit centré uniquement que sur leur relation. Le maitre-nageur incarne à merveille toutes les caractéristiques de « l’homme coréen type » selon Hong. À la différence qu’il est croqué avec tendresse par le réalisateur et cela fait toute la différence. Au-delà de ses mauvais côtés, il apparait comme profondément gentil, avenant et même aimant.  Chaque moment où il apparait à l’écran est un vrai délice.  Chaque fois qu’il ouvre la bouche, on attend que quelque chose se passe. Que ce soit lors d’un repas un peu tendu, quand il chante une chanson à la gloire d’Anne ou bien qu’il parle du fameux « Lighthouse » du village.

Hong Sang-Soo reste donc fidèle à sa ligne de conduite. Il filme les états d’âme d’ivrognes et d’indécis, toujours avec des zooms et des dézooms qui peuvent méchamment déranger, mais qui ici retranscrivent bien l’idée de « recadrage » des personnages, des changements d’humeur ou de personnalité. Les films de Hong Sang-Soo ne surprennent plus, c’est un fait établi et celui ou celle qui attend de lui un renouveau avec ce film sera bien désappointé. Pourtant la sauce prend encore, malgré la profonde vacuité qui se dégage de l’ensemble. On rit beaucoup, le cinéaste livre de beaux portraits de femme et parvient encore à installer son atmosphère, son petit monde, qu’on est toujours un peu triste de quitter malgré tout.

Jérémy Coifman.

 

Verdict :

In Another Country de Hong Sang-Soo, en salles le 17/10/2012

 

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