Le Chateau dans le ciel de Miyazaki Hayao (Rétro)

Posté le 21 juillet 2012 par

Dans le ciel flotte un château, vestige d’un royaume légendaire : Laputa. La jeune Sheeta possède la pierre qui pourrait y conduire mais elle fait l’objet de bien des convoitises. En l’aidant à échapper aux pirates de l’air et à l’armée, Pazu, jeune garçon d’une cité minière, est entraîné dans une fabuleuse aventure. Par Justin Kwedi.

L’immense succès de Nausicaä (1984) avait signé l’indépendance d’un Miyazaki qui, débarrassé des contraintes des grands studios, avait enfin pu imposer un univers personnel et son perfectionnisme maladif à travers la splendeur visuelle du film. La production du film fut de longue haleine, notamment l’obtention du financement, puisque la mode étant à l’adaptation de manga plutôt qu’aux scripts originaux. Miyazaki fut contraint, suite à de multiples refus, de coucher une version papier dont le succès permit de lancer le film dont le succès pose les fondations du futur studio Ghibli lancé dans la foulée.

Le Château dans le ciel a donc la lourde tâche d’être le premier film produit au sein du studio Ghibli et c’est en grande partie pour cette valeur historique qu’on le retient. C’est également un des chefs-d’œuvre de Miyazaki faisant le lien entre ses travaux précédents et l’évolution à venir dès Kiki la petite sorcière qui suivra. Le Château dans le ciel est pour Miyazaki l’aboutissement d’une longue quête, celle du film d’aventures ultime. Le réalisateur y regroupe ainsi plusieurs éléments d’œuvres antérieures. L’argument du récit lorgne ainsi largement vers la série Conan, le fils du futur, sorte de répétition générale de Laputa où on trouve déjà la quête d’un garçon intrépide et dur à cuire cherchant à protéger une jeune fille dont le pouvoir secret en fait la proie d’ennemis malfaisants.

L’influence occidentale, allant de la littérature enfantine anglo-saxonne qu’il a étudiée de près (le titre original Laputa vient notamment du nom de l’île volante du troisième récit des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift) à l’esthétique très steam punk et inspirée de l’épure d’un Moebius ou du Roi et l’oiseau de Paul Grimault atteint également des sommets ici. Enfin, Miyazaki s’en donne à cœur joie dans son amour des machines volantes tandis que les multiples courses poursuites et gags annexes (dont une mémorable bagarre) rappellent grandement la cultissime version canine de Sherlock Holmes dont il réalisa 6 épisodes.

Désormais son propre maître, Miyazaki peut donner le film somme de ce qu’il ne parvint à disséminer que par intermittences dans ces diverses commandes pour délivrer le récit d’évasion absolu après lequel il court, enrichi de ses thématiques. Depuis Le voyage de Chihiro, Miyazaki donne volontairement dans des récits plus décousus, à la progression moins ouvertement élaborée, laissant voguer son imaginaire.

La construction magistrale de Laputa donne donc à voir le soin qu’il apporte dans une narration classique. La première partie dépeint avec une limpidité parfaite le lien tendre unissant Sheeta et Pazu ainsi que leur passé les liant à Laputa.

Les méchants et leur fourberies se révèlent dans l’action, l’aspect comique des pirates (dont la matrone dur au cœur tendre est inspirée de la propre mère de Miyazaki !) préparant leur rôle plus positif en opposition à l’implacable détermination des militaires menés par Muska alors que les moments d’accalmie dévoilent une poésie envoûtante comme l’arrivée flottante de Sheeta ou la séquence des pierres phosphorescentes dans la caverne.

Enfant de la bombe atomique, Miyazaki exprime une vraie dualité quant aux technologies utilisées dans le film, avec une ampleur de plus en plus grande. Ainsi, la carcasse du robot tombé de Laputa une fois ranimé sème une infernale destruction, tandis que bien plus tard, nos héros découvriront une autre machine du même modèle qui, dernier survivant de la cité, soigne la faune locale. De même, l’émerveillement ressenti lors de l’arrivée à Laputa (porté par un score magique de Joe Hisaishi pour sa deuxième collaboration avec Miyazaki) est contrebalancé par l’apocalypse finale lorsque la forteresse volante déploie son arsenal de guerre.

Le message écologique de Miyazaki se fait même philosophique à travers la description des merveilles abandonnées de l’ancienne civilisation de Laputa, disparue par sa volonté de se substituer aux dieux alors que l’Homme est fait pour évoluer sur terre. C’est d’ailleurs vers cette terre que s’en vont au bout de leurs aventures Pazu et Sheeta, nouveaux Adam et Eve d’un monde dont ils n’apprécieront que mieux les splendeurs.

D’une perfection technique ébouriffante qui n’a pas pris une ride (décors saisissants de détails, séquences aériennes et d’action d’une fluidité stupéfiante…), Le château dans le ciel est donc bien l’évasion ultime promise par Miyazaki qui signe là tout simplement le plus beau film d’aventures des 80’s. Ayant atteint son objectif, il pouvait logiquement passer à autre chose, et si la touche occidentale demeure dans Kiki et Porco Rosso (et ne réapparaîtra que dans le mitigé Le Château ambulant) à suivre, le Maître y explorera désormais de nouveaux territoires.

 

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