Hara-Kiri de Kobayashi Masaki (Blu-Ray)

Posté le 9 mai 2012 par

Carlotta a décidé d’offrir aux amateurs de chanbara un grand classique datant des années soixante et édite dans un superbe Blu-ray Hara-Kiri, de Kobayashi Masaki. Ce film mérite-t-il son statut de chef-d’œuvre, et cette édition est-elle à la hauteur ? Par Yannik Vanesse.

Ce qui frappe dès les premières minutes, c’est la qualité de l’image. En effet, le film a beau dater de 1962, la restauration est magnifique, et le noir et blanc que nous livre Carlotta est d’une beauté époustouflante – aidé par une photographie sublime. Et, comme la réalisation de Kobayashi joue beaucoup sur l’image, nous livrant fréquemment des tableaux magnifiques où seul le héros remue légèrement, cette qualité est vraiment importante et permet d’apprécier le film à sa juste valeur. Car Hara-Kiri n’a pas volé son statut de pur chef-d’œuvre, loin s’en faut. Il marque évidemment par son scénario, osé, qui dénonce le code d’honneur des samouraïs, allant très loin dans la critique de la société de l’époque mais à travers cela, il parle bien évidemment du Japon moderne. Hara-Kiri raconte en effet l’histoire d’un rōnin, mal rasé et en haillons, qui vient devant la demeure d’un riche clan, proche du shogun. Il a pour requête de se faire seppuku (le suicide rituel) dans leur cour, ne supportant plus sa vie miséreuse. Mais, en ces temps troublés où la paix est une malédiction pour les samouraïs, de nombreux rōnins agissent ainsi, avec l’espoir qu’on leur fasse l’aumône pour les empêcher de se tuer. L’intendant du clan raconte, pour dissuader son interlocuteur, la tragique histoire d’un jeune homme s’étant présenté, peu de temps auparavant, avec la même demande. Cette histoire, simple, est racontée de manière épurée à travers différents flashbacks. Chaque geste, chaque parole, chaque regard sont nécessaires, précis, clairs. Il n’y a rien de trop dans ce métrage au découpage éblouissant.

Mais surtout, par une réalisation sans faille, posée, calme, la caméra étant souvent immobile, lors de longs plans aux personnages presque statiques, ou bougeant très légèrement. Certaines scènes, en apparence très simples, sont ainsi transcendées par le génie de Kobayashi. Avec lui, un simple dialogue entre notre rōnin et l’intendant, au milieu des gardes, est sublimée grâce à l’abandon du traditionnel champ-contrechamp. À la place, la caméra, immobile, se place derrière l’intendant, qui se retrouve dos au spectateur, et en face de lui le héros. Là encore, cette séquence est sublimée par la qualité du Blu-ray, qui permet d’apprécier tout le génie de cette simple scène. La réalisation est en fait aussi épurée et précise que l’histoire. Chaque décor, chaque mouvement de caméra, chaque plan ont une signification précise, appuient et servent l’histoire. Aucune esbroufe, tout est clair et précis. De même, l’utilisation de la musique, une musique traditionnelle minimaliste, positionnée à des moments-clés, apporte beaucoup au film, et, quand la violence survient – ce qui se produit rarement – c’est avec de grandes et impressionnantes effusions de sang (le combat final est impressionnant). Ainsi, beaucoup de séquences ressemblent à des tableaux. Les décors sont souvent magnifiques, d’une beauté sombre et presque effrayante (le lieu du duel face au maître d’armes en est le meilleur exemple) et, souvent, personne ou presque ne bouge. Les samouraïs, en effet, font preuve d’une grande économie de mouvement, et il n’est pas rare de voir notre rōnin immobile parler alors qu’il est entouré d’un grand nombre de gardes tout aussi statufiés.

Hara-kiri étant surtout un film de dialogues, il ne pouvait tenir sans un acteur principal aussi doué que charismatique. Et Nakadai Tatsuya est un très bon choix, tant il porte le film sur les épaules. Il parvient à faire ressortir toutes les émotions de son personnage, par ses yeux, un simple sourire ou rire, ou encore par de rares gestes. Un grand acteur dans un film d’exception.

Les superlatifs manquent en effet pour parler de ce film que tout amateur de chanbara se doit de découvrir. Hara-kiri est un métrage fort et intelligent, tragique, déstabilisant et aussi triste que magnifique, un film que le spectateur vit autant qu’il le regarde.

Si un tel film aurait mérité une édition double, avec des bonus d’époque, des making-of ou autres, les deux bonus présents sont très intéressants. L’un d’eux explique un peu le concept historique et la pratique du hara-kiri, et l’autre, surtout, est un long entretien avec Christophe Gans. Ce dernier, grand cinéphile, explique avec passion et verve l’importance de Hara-kiri.

Le Blu-ray est aussi muni d’un petit livret composé d’un portfolio empli d’images du film, et d’un petit texte très pertinent de Philip Kemp, qui révèle entre autres que le scénario n’a pas été écrit à la base pour Kobayashi.

Au final, Hara-kiri est un film d’exception et se doit d’être (re)découvert. Et cette édition rend vraiment justice à ce film, ne serait-ce que par la qualité du transfert, qui permet d’apprécier à sa juste valeur la photographie, sublime, ou la musique, essentielle.

Verdict :

Hara-kiri de Kobayashi Masaki, disponible en DVD, Blu-Ray, et VoD, chez Carlotta depuis le 09/05/2012.