King Hu de Hubert Niogret (documentaire)

Posté le 5 décembre 2011 par

Passionné, érudit et analytique, un excellent documentaire de Hubert Niogret qui permet de mieux cerner l’art du grand King Hu. Présentation du film en attendant sa diffusion à la cinémathèque lors de la rétrospective consacrée au maître du 8 au 27 février 2012. Par Justin Kwedi.

Les sorties dvd massives et riches de bonus passionnants de Wild Side pour le catalogue Shaw Brothers durant les années 2000 avaient permis de découvrir l’œuvre et les thématiques de nombreux réalisateurs phares du cinéma de Hong Kong. Autrefois ardues à trouver (et souvent sorties en salle dans des versions tronquées aux titres racoleurs improbables), les filmographies d’un Chang Cheh, Chu Yuan ou encore Liu Chia Liang bénéficiaient enfin d’un écrin idéal pour la (re)découverte.  King Hu fut un des rares réalisateurs hongkongais à avoir réellement bénéficié d’une reconnaissance critique en occident à l’époque, que ce soit pour son  Prix de la Commission Supérieure Technique à Cannes pour A Touch of Zen en 1975 ou divers textes fouillés dans les Cahiers du Cinéma notamment. La donne semble s’être inversée aujourd’hui puisque, hormis L’Hirondelle D’Or et L’Auberge du Printemps, ses autres films bénéficient d’éditions très moyennes en France, et on attend toujours la sortie de classiques absolus comme Dragon Gate Inn ou d’œuvres plus tardives comme Painted Skin.

 

L’excellent documentaire d’Hubert Niogret vient combler ce vide relatif en nous éclairant grandement sur le réalisateur. A travers le témoignage d’anciens collaborateurs (où le fan de la Shaw Brothers reconnaîtra des figures bien connues comme Yueh Hua) et de spécialistes locaux, le parcours, les thèmes et le style King Hu se dévoilent de manière passionnante. On découvre ainsi que le réalisateur fut d’abord un acteur comique très populaire avant d’être peu à peu introduit à divers postes techniques de plus en plus importants grâce à son ami Lee Han Hsiang (autre esthète s’il en est) pour lequel il finira assistant réalisateur sur des films comme The Love Eterne. Les intervenants situent pourtant bien la différence fondamentale entre King Hu et son mentor : quand Lee Han Hsiang était capable de faire preuve d’une certaine souplesse  et s’adapter aux situations, King Hu se montrait d’une rigueur inflexible à sa vision. L’un était un grand réalisateur populaire, l’autre un artiste. On sourira lors de cette savoureuse anecdote de tournage sur A Touch of Zen où un décor étant altéré par le changement de saison, et brisant la continuité visuelle, King Hu proposera sans sourciller de revenir tourner l’année suivante ! C’est d’ailleurs cette détermination qui amène le premier clash dans la carrière de King Hu avec le triomphe amer de L’Hirondelle d’Or où, trop lent et perfectionniste, il fut menacé de remplacement par Run Run Shaw. Fort de ce succès où il invente les codes du wu xia pian, il claque la porte de la Shaw Brothers et s’envole pour Taiwan, où, à l’occasion de la production de Dragon Gate Inn, il contribuera à la construction de l’industrie cinématographique locale (il y tournera plusieurs de ses films suivant).

 

Un autre aspect qu’approfondit grandement le documentaire, c’est l’érudition de King Hu qui transparait dans toutes ses œuvres. Il exécutait lui-même les calligraphies illustrant les génériques de ses films, et sorti du cinéma, il faisait figure d’autorité historique sur certaine facettes inattendues tel que la cuisine impériale. Visuellement, on constate à quel point sa mise en scène suivait l’esthétique des rouleaux de peintures chinois, notamment par ses travelling lointain suivant en parallèle l’avancée des personnages, qui créaient une sorte d’à plat reproduisant de manière cinématographique l’horizontalité des peintures. Cela le différenciait de Lee Han Hsiang, qui, puisant dans la même inspiration picturale, usait plus de la profondeur de champs et d’une volonté de capter les êtres dans leur quotidien, quand King Hu voulait figer ses personnages dans un cadre, capturer l’image d’un lieu et d’un moment précis. Narrativement, le réalisateur usa également de la très troublée ère Ming pour nouer des intrigues alambiquées à suspense, parfaitement adaptée à la mode du moment pour les films d’espionnage à la James Bond. Cet ensemble, combiné aux multiples trouvailles (de montages notamment lors des combats), détermine l’imagerie du wu xia pian comme le montre les différents extraits comparant ses scènes phares à celles de films de Tsui Hark ou Zhang Yimou.

 

En 45 minutes à peine, tout est exploré avec soin et précision, Niogret allant judicieusement dans une direction plus artistique que biographique. L’errance et les projets avortés des dernières années (le tournage houleux de Swordsman où il est évincé par Tsui Hark ; son projet sur la construction des chemins de fers américain par les émigrants chinois qui ne verra jamais le jour) sont occultés pour une vision positive et touchante. Le documentaire est destiné pour l’instant à une exploitation télévisée sur le satellite, donc à vous de la guetter, mais aux dernières nouvelles, il semblerait qu’il soit aussi projeté à la cinémathèque lors de la rétrospective consacré au maître qui aura lien en février !

Justin Kwedi.

Plus d’information sur le cycle King Hu à la cinémathèque ici !

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2 commentaires pour “King Hu de Hubert Niogret (documentaire)”

  1. Pour avoir déjeuné il y a qqs temps avec Mr Niogret et avoir été abasourdi par la pédanterie de sa vision du cinéma, je ne suis pas prêt de voir ce documentaire (même si King Hu c’est le bien)

  2. Je te rejoins – insupportable, prétentieux, imbu de sa personne et souvent démago dans sa vision – et, du coup, ses documentaires – reste qu’il a énormément contribué à la reconnaissance et promotion du cinéma asiatique (et autre) ces dernières décennies.

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