The Fourth Portrait (Le 4ème Portrait) de Chung Mong-Hong (Cinéma)

Posté le 10 octobre 2011 par

Avec The Fourth Portrait (Le 4ème Portrait), mélodrame social et tendre teinté d’humanisme, Chung Mong-Hong s’impose après Parking comme un réalisateur phare de la relève taïwanaise, à ranger aux côtés de son acteur fétiche Leon Dai. Petite présentation du film en ce jour de fête national à Taïwan pour patienter jusqu’à sa distribution dans les salles françaises, au début de l’année 2012 par Héliotrope Films. Par Victor Lopez.

L’histoire : À la mort de son père, Xiang, un petit garçon de 10 ans, se retrouve livré à lui-même. Il est alors confié à sa mère, qui travaille de nuit comme hôtesse dans une discothèque glauque. Elle a de plus refait sa vie avec un homme renfermé et menaçant, appréciant peu cette présence étrangère chez lui. Fuyant ce foyer sans amour, l’enfant s’attache aux rencontres hasardeuses qu’il fait : un vieux gardien d’école, un petit truand fantasque qui l’entraîne dans ses frasques souvent plus ridicules que criminelles… Mais le souvenir de son frère disparu va faire revenir le fantôme de sombres souvenirs auprès de sa mère et de son beau-père.

Avec un tel pitch, on pouvait craindre le mélodrame larmoyant et pathétique, usant jusqu’à la corde l’émotion que la tristesse du destin d’un gamin livré à lui-même peut entraîner chez le spectateur compatissant. La réussite du film est d’éviter un tel écueil, tout en traitant frontalement son sujet : la confrontation d’un enfant de dix ans à la violence et la tristesse du monde. C’est ainsi une œuvre digne et sans pathos que nous livre Chung Mong-Hong, en bifurquant rapidement vers une chronique légère et réaliste, qui ne s’interdit pas des éléments de loufoqueries comiques. Car la vie, malgré ses peines et coups durs, surtout quand elle est vue par le regard candide d’un enfant, a toujours ses moments joyeux !

Génération Twenty Something Tapei

Dans cette optique, Chung Mong-Hong s’inscrit parfaitement dans la lignée du cinéma de son acteur fétiche, Leon Dai, qui a aussi signé un mélodrame social teinté d’humanisme avec Je ne peux pas vivre sans toi. Ce n’est donc pas un hasard si l’on retrouve, après son rôle dans Parking, l’acteur dans la peau du mystérieux beau-père, parfait de violence contenue et tragique. On perçoit dans les univers des deux cinéastes le même goût pour la chronique sociale, filmée à hauteur d’homme, et une attention toute particulière portée au quotidien de personnages légèrement en marge de la société taïwanaise. Et on sent dans les deux cas un amour profond porté à ces figures, qui émeut plus que les situations mélodramatiques dans lesquelles elles sont jetées.

Chefs de file d’un cinéma social, plus humain que politique, les deux réalisateurs sont alors les dignes successeurs de la nouvelle vague taïwanaise des années 80, dont ils continuent le travail de chroniqueurs subtils. Sans avoir la force et l’ambition esthétique de Hou Hsiao Hsien ou du regretté Edward Yang, ils rendent cependant leurs observation plus accessibles que leurs maîtres. On retrouve d’ailleurs dans ce quatrième portrait le grand King Shih-Chieh, vu dans The Terrorists ou A Brighter Summer Day de Yang et La Cité des douleurs de Hou, qui fait le trait d’union entre les deux générations.

La Cité des enfants perdus

Son personnage, un vieux gardien à la retraite, est d’ailleurs représentatif du système de Chung : en une scène, il arrive à émouvoir en racontant un élément dramatique de son enfance. Deux clefs à ce petit miracle d’émotion brute : la justesse du cadrage et la direction d’acteur, qui ne font jamais défaut au film. Le procédé peut sembler un peu systématique, tant chaque acteur a le droit à SA scène, mais touche au final toujours juste. Le monologue de Leon Dai au fantôme du frère réussit ainsi l’exploit d’être à la fois un morceau de bravoure et un pur moment d’émotion suspendue.

Si elle est moindre, disions-nous, que chez HHH, l’exigence formelle est donc tout de même au rendez-vous : Chung Mong-Hong a réalisé des centaines de publicités et son savoir-faire est évident. Le fait de ne jamais le mettre en avant pour ne pas se placer plus haut que ses personnages fait toute la force discrète de son film. Quelques plans cependant impressionnent : on pense notamment à ceux, fantomatiques, du frère disparu marchant aux abords d’un lac évoquant La Nuit du chasseur, matrice des films de l’enfance perdue, genre dans lequel The Fourth Portrait s’inscrit parfaitement. Du terrifiant beau-père incarné par Leon Dai à l’enfance enfouie par la guerre du vieux gardien, tout dans le film évoque la perte de l’innocence et de l’enfance face à la dureté de la réalité.

Mais tout cela ne circoncit pas le récit au drame sordide. The Fourth Portrait est du côté de l’enfance et de la vie, malgré les coups qu’ils reçoivent. La construction du film, qui s’apparente à celle d’un road movie en témoigne : en privilégiant les rencontres et les hasards, le film acquiert une impression de liberté. Et à la fin du métrage, quand un miroir est tendu au spectateur, c’est finalement sa propre jeunesse que celui-ci retrouve dans celle contée par The Fourth Portrait. De la recherche de l’enfance perdue, on est passé à l’enfance retrouvée, et celle-ci est autant la nôtre que celle du cinéaste.

Victor Lopez.

The Fourth Portrait (Le 4ème Portrait) de Chung Mong-Hong, en salles début 2012 en France.

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