Portraits de la beauté soumise de Konuma Masaru (Roman Porno Nikkatsu en DVD)

Posté le 3 mai 2011 par

La collection des romans pornos éditée par Wild Side s’est enrichie de trois titres. Après Dans l’arène du vice et Esclave sexuelle, c’est avec appréhension que votre serviteur s’intéresse à ce Portraits de la beauté soumise. Par Yannik Vanesse.

Konuma Masaru, un habitué du roman porno qui a d’ailleurs réalisé l’étrange Dans l’arène du vice, ouvre ce film (datant de 1980) sur un plan de toute beauté, montrant, sur un fond noir, une femme magnifique, ligotée façon bondage – le thème des trois films de Wild Side – , le titre apparaissant en surimpression sur son corps. Puis, juste après, les principaux personnages nous sont présentés au cours d’une réunion de famille. Une famille des plus castratrices pour le héros, d’ailleurs. Sa femme le méprise car il enseigne l’art, une matière qu’elle considère inutile (ce qui n’est visiblement pas le cas du réalisateur, qui nous montre un certain nombre d’estampes sombres et torturées). Elle adule par contre son père, patriarche volontaire et politicien riche, et son fils, étudiant en qui elle place d’immenses espoirs – suivre les pas de son père en devenant lui aussi politicien. Femme et fils critiquent donc allègrement le héros, qui, quand il n’enseigne pas, préfère trainer dans les bars et se saouler que rentrer chez lui pour se faire traiter de rat d’égout. Le métrage est donc avant tout une critique de la société japonaise, où ce genre d’ambiance est fréquente, le poids des conventions et les obligations de réussite y étant particulièrement forte et pesante.

C’est alors qu’il rentre un soir, sous une pluie battante, à moitié ivre, que son destin croise celui d’une jeune femme qui, au moment où un train passe, se précipite sur les rails et traverse de justesse, tombant dans les bras de notre héros. Cette jeune demoiselle est incarnée par la magnifique Hayano Kumiko, qui semble hélas n’avoir joué que dans cet unique film. A-t-elle essayé de se suicider ? Voulait-elle frôler la mort ? Nous ne le saurons jamais. Toujours est-il que le personnage principal la ramène dans un bar dont il est ami avec le patron, et ce dernier, amateur de bondage et aimant « initier » des jeunes femmes, va droguer la demoiselle en détresse et prêter au héros un appartement tranquille, non loin, où il pourra éduquer la jeune femme au calme, lui fournissant le rouleau de corde nécessaire.

Nous retrouvons donc une histoire assez proche dans la thématique d’Esclave sexuelle (qui sortira un an plus tard, en 1981), mais en suivant non pas la victime, mais le « bourreau ». Cependant, si bourreau est mis entre guillemet, c’est que ce dernier s’éloigne sensiblement de ce qu’était le tortionnaire d’Esclave Sexuelle. D’une part, il n’est pas à proprement parler un pervers sexuel dans toute sa splendeur – il ne vole pas de culottes souillées par les règles d’une femme, par exemple – mais un homme frustré et castré qui se retrouve dans une situation aussi effrayante qu’excitante à ses yeux. Il va d’ailleurs apprendre son rôle en même temps qu’il l’enseignera à sa victime – bien qu’il soit capable, alors qu’il ne l’a jamais fait, de ligoter une femme façon bondage avec une dextérité qui force le respect.

D’autre part, la victime n’est pas torturée à proprement parler – pas de pinces à linge sur les seins et autre joyeusetés – et le but n’est pas tant d’en faire une débauchée totale – même si évidemment la découverte de nouveaux plaisirs sexuels n’est pas pour lui déplaire – mais à la soumettre à l’Homme dominant. Ainsi, dans Esclave Sexuelle, le cri que poussait la plupart du temps la victime avant de succomber était « J’ai trop honte » ,comme si le plus grave n’était pas le fouet, la souffrance, ou l’horreur qui consiste à être obligé de faire l’amour à sa cousine lycéenne, mais l’humiliation que cela représentait selon les codes de la société. Comme si le plus atroce était qu’on la voit dans une situation déviante qui la ferait être au final plus critiquée que son tortionnaire. Dans Portraits de la beauté soumise, la victime demande au bourreau pourquoi il l’attache, choquée qu’elle est d’être emprisonnée, et non craignant d’être découverte ainsi.

Nous quittons donc le discours nauséabond d’Esclave Sexuelle – en gros, toutes les femmes sont des salopes, et il suffit de les torturer assez longtemps pour qu’elles s’en aperçoivent – pour quelque chose certes toujours machiste, mais beaucoup plus crédible, et, par certain côtés, possédant une forme de poésie. Ce qui est dit, c’est que la femme peut trouver une certaine harmonie dans la soumission, et même trouver l’amour. Car le récit, portrait de deux êtres brisés et frustrés ,est, finalement, une belle histoire d’amour, où homme comme femme vont se découvrir et surtout retrouver le gout de la vie. Ainsi, le héros, tel le personnage principal des écrits de John Norman, va, non pas avilir sa victime, mais lui faire comprendre qu’il est le chef et qu’elle n’a d’autre espoir que dans la soumission. Quand elle comprend cela et cède, leur idylle peut vraiment commencer.

Ici, donc, point de scènes immondes – même si l’on échappe pas à une courte scène d’urologie – mais des séquences de bondage plutôt excitantes, qui permettent au personnage principal de reprendre confiance en soit et d’affronter sa femme. Bref, un film plaisant et le meilleur de cette sélection.

Yannik Vanesse.

Verdict :

Portraits de la beauté soumise de Konuma Masaru, disponible en DVD, édité par Wild Side depuis le 03/05/2011.

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