Coming of Age, le programme de courts-métrages des jeunes réalisateurs chinois organisé par les équipes du Festival Allers-Retours, se déroule en 2024 à Paris et à Lyon en trois séances qui proposent chacune une sélection de courts diversifiés et témoins de la génération de cinéastes en devenir. Revenons sur les cinq films de la première séance qui s’est tenue à Paris, au Studio des Ursulines, le 26 septembre.
Three d’Amie Song
Une mère d’un certain âge fête son anniversaire aux États-Unis chez sa fille, étudiante, tout en essayer de protéger le secret de la chair de sa chair qui n’est pas accepté dans cette communauté chrétienne chinoise d’Amérique. La réalisatrice Amie Song, un pied en Chine, un pied à New York, est représentative de ces étudiants chinois partis à l’étranger effectuer leurs études de cinéma. Dans ce court-métrage, il est question d’identité sexuelle aussi bien que d’amour filial et du respect de prétendues conventions. Si durant les 15 minutes que dure ce film, aucune révolution scénaristique ou narrative n’est opérée, le choix de porter le point de vue narratif sur cette mère, à travers l’expression renfermée mais aimante de son visage, se révèle particulièrement réussie et touchante.
Sojourn to Shangri-la de Lin Yihan
Un tournage d’une publicité près de la mer, dont la marée emporte le décor, est l’occasion pour l’assistante décoratrice et son drone d’offrir des images poétiques et mystérieuses en essayant de retrouver ce qui a été perdu. Par ces images en noir et blanc d’une beauté inouïe, Sojourn to Shangri-la n’est que pure expression de la poésie d’images de la nature et de l’eau, agrémentée d’une mise en scène focalisée sur la dimension atmosphérique d’une œuvre. Loin d’une bête succession de one perfect shots, la réalisatrice Lin Yihan, a su saisir l’essence de la portée esthétique des plans qu’elle a captés et les travailler sous forme de film comme un artisan pétrit l’argile.
And I Talk Like a River de Qian Ning
Un garçon envoyé en redressement dans un temple à la campagne rencontre une bête inconnue qui prend l’apparence d’un adolescent. À l’instar d’autres courts de cette sélection, l’atout de ce film n’est pas à chercher dans son épaisseur scénaristique ou sa réelle originalité, mais dans le choix du réalisateur Qian Ning de savoir où porter l’accent. Ici, sans vraiment se parler, les deux jeunes personnages, deux préadolescents, montrent une alchimie singulière et offrent au spectateur la manifestation instinctive de l’entente – l’amitié dans son aspect premier, avant l’expérience de la vie, entre deux êtres vivants. Typiquement, on peut qualifier ce court de « jeune » et de « vivace ».
A Nap in Fluoroscopy Blues de Lei Lei
Ce court d’animation est une mise en forme ultra-stylisée d’un voyage en bus. Sans scénario, les images se suffisent pourtant à elles-mêmes, tant elles se révèlent plastiques, étonnantes, sidérantes, accrocheuses… Élève du réalisateur d’animation chinoise iconoclaste Liu Jian, Lei Lei est sans aucun doute une réalisatrice à suivre qui, dans ce si petit film, livre pourtant déjà une animation révolutionnaire.
Wild Bird de Cao Yinuo
Dans un village enneigé, tout le monde s’accorde pour choisir le mutisme. Deux sœurs s’étonnent que les oiseaux puissent émettre des sons. Avec son intrigue ressemblant fort à une version compacte d’une uchronie où les règles contraignantes qui régissent la communauté sont remises en question par une nouvelle génération, Wild Bird est aussi la témoignage d’un savoir-faire technique de la réalisatrice Cao Yinuo, qui rend un court impeccable d’un point de vue graphique et à l’univers intriguant, et qui mériterait d’être développé dans une version longue.
Maxime Bauer.
Coming of Age 2024, première séance. Courts de jeunes auteurs datant de 2022 et 2023. Projetés au Studio des Ursulines le 26/09/2024.