La 16e édition du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) a commencé le 26 octobre. La section Paysage a sélectionné le film Moving On de la réalisatrice Yoon Dan-bi, récompensé l’an dernier par la Montgolfière d’or au Festival des 3 Continents. Premier long-métrage de Yoon Dan-bi, Moving On est une tranche de vie familiale le temps d’un été. Dé/construction estivale.
Pendant les vacances d’été, Dong-ju et Ok-ju, environ 10 et 15 ans, s’installent dans la maison de leur grand-père grabataire. Avec eux : leur père divorcé, qui vient de faire faillite, et leur tante, dont le mariage bat de l’aile. Trois générations se retrouvent : les enfants pour qui cet été ressemblera à tout sauf à une période d’amusement et d’évasion avec leurs amis ; le père et la tante, avec pour l’un des problèmes financiers et pour l’autre un couple en pleine explosion ; le grand-père, quasi-mutique et paisible, au seuil de la mort.
Le film se développe surtout du point de vue de l’adolescente Ok-ju (premier rôle pour l’actrice Choi Jung-woon), qui peine à s’épanouir : elle complexe à cause d’un léger strabisme et met en doute la sincérité de son petit-copain qui ne l’appelle jamais. Elle constate avec résignation l’échec de sa situation familiale : un père qui a perdu son emploi et ne roule pas sur l’or, une mère absente qu’elle a prise en horreur, une tante dont le couple part en ruines et un grand-père qui vit ses derniers jours. Bref, un niveau de lose et de mal-être assez intense…
Alors qu’Okju cherche à s’épanouir, elle n’a aucun modèle pour lui offrir conseils et stabilité : une triste image de l’explosion de la cellule familiale, avec des adultes brisés dans leur vie sociale et amoureuse. Même cette réunion chez le grand-père, qui permettait de souder la famille, n’est qu’un leurre éphémère : on comprend vite que les réunions familiales sont rares, chacun vivant sa vie en Corée ou à l’étranger. Les dialogues sont ne sont pas fréquents entre les membres de la famille : le grand-père et le père parlent peu, la tante s’exprime généralement quand elle est ivre ou en colère… sachant que la mort prochaine du grand-père implique plutôt d’évoquer des sujets terre à terre : le partage de l’héritage et la vente de la maison… soit la perte du lieu qui aura vu, sans doute une dernière fois, une tentative de reconstruction familiale.
Avec Moving On, Yoon Dan-bi reprend les codes des films d’Ozu et leur banalité du quotidien au sein de la cellule familiale, dans une société sud-coréenne bien cruelle. Il y a bien sûr de la lumière dans ce conte d’été, malgré la mort et l’échec global des personnages brisés de ce film. Mais pour reprendre et modifier légèrement une citation de Michel Audiard, « heureux soient les êtres brisés car ils laisseront passer la lumière ».
Marc L’Helgoualc’h
Moving On de Yoon Dan-bi. Corée. 2019. Projeté au FFCP 2021