Tiré d’un fait divers, My Wife hésite entre le drame social et le Road Movie mélodramatique et ne convainc au final sur aucun des deux tableaux. Faute d’empathie, de rythme et d’ampleur, le spectateur s’ennuie alors ferme en regardant la camionnette bleue traverser les mornes paysages du film. Par Victor Lopez.
L’histoire: Lui, est criblé de dettes. Il a tout perdu, y compris l’espoir de retrouver un travail, la cinquantaine passée. Elle, n’a que quelques mois à vivre, condamnée par un cancer qui l’affaiblit de jour en jour. Ils ne leur restent alors que ces derniers mois à partager, pour faire brûler jusqu’au bout la flamme de leur amour. Ils prennent la route au volant d’un van bleu, la dernière de leur possession, et attendent ensemble la mort.
C’est beau, non ? On pleurerait presque rien qu’à la lecture du pitch de My Wife… Sauf que c’est moins le mélodrame lacrymal qui intéresse le réalisateur Hanawa Yukinari dans cette histoire adaptée d’un fait divers que ses implications sociales. De moins dans une première partie, car le film aimerait aussi bien (sur)jouer sur la corde sensible, et tirer profits de cette émouvante histoire. My Wife se joue donc en deux temps distincts : la première heure est un drame social et la seconde un road-movie mélodramatique centré sur l’amour des deux personnages et la lutte contre la maladie. Le problème est que le film se montre aussi timide dans l’un que dans l’autre, et finit par rapidement ennuyer à force d’hésitation.
Car les deux facettes s’opposent au final plus qu’elles ne se complètent. Le drame social baigne ainsi dans un réalisme qui campe les personnages avec leurs défauts. Le soucis, c’est que ceux-ci sont nombreux : la femme est une gamine complétement dépendante de son mari, qui lui, de son côté, est présenté comme un beau salaud qui ne lui a accordé aucune attention lors de leurs vingt années de vie commune. A-t-on envie de s’émouvoir sur le sort d’un couple pareil ? Pas vraiment… Et sans empathie, le mélo devient vite une coquille vide, pesante et ennuyeuse.
Bref, le sort a beau s’acharner sur ces deux là sous la forme de l’exclusion sociale et de la maladie, l’émotion passe difficilement. D’autant que les deux maux sont montrés avec une superficialité qui ne facilite pas l’implication du spectateur. Un homme de plus de cinquante an n’arrive pas à trouver du travail et les séniors japonais sont les premiers touchés par l’exclusion et la pauvreté, nous dit le film… par touches suggestives et légères (ici des plans sur des vieillards SDF, là une histoire d’un couple âgé qui s’est laissé mourir de faim, etc.), comme s’il n’osait appuyer sur un sujet polémique. Et il en va de même pour la description de la maladie dans la seconde partie. L’agonie, malgré des scènes où le réalisateurs essaie de s’approcher de ses protagonistes, comme celle où la femme se voit forcer d’uriner portée par son mari, ne dérange, ne heurte, ne provoque jamais. Tout coule de source dans une mise en scène apaisante qui ne bouscule rien. Crudité ou tendresse ? Là encore, à force d’hésiter dans son traitement, Hanawa rate les deux approches.
La monotonie se fait ressentir jusque dans la construction du film. Adoptant la forme du road movie, My Wife est exempt de toute rencontre qui parviendrait à dynamiser le récit. Certes, se concentrer sur le couple pourrait être une bonne idée, mais, au vu de l’apathie que provoque le chemin fait avec lui, profiter des conventions du genre pour lui faire faire quelques rencontre en aurait été une meilleure… Les protagonistes d’un road movie évoluent, grandissent et avancent dans leurs parcours, souvent plus mental que géographique, grâce aux personnages qu’ils croisent. Ici, les rencontres restent hors-champs, exceptée celle avec un drôle de SDF, double probable et futur du mari. Et comme il s’agit là de la meilleure scène du film, on regrette que Hanawa n’ai pas plus axé son film sur celles-ci.
On sent le réalisateur, qui adapte le livre de Hisamori Shimizu, le véritable protagoniste du fait divers, comme prisonnier du poids du réel, comme devant répondre à une obligation d’exactitude face aux événements racontés par celui qui l’a vécu. C’est malheureusement le meilleur moyen d’appauvrir son sujet et de passer à côté de l’essentiel. En cela, My Wife est l’exact antithèse des deux Sono Sion aussi montrés à Kinotayo (Cold Fish et Guilty of Romance), qui s’inspirent aussi d’histoires vraies, mais pour mieux les trahir en touchant par la même quelque chose de plus général, universel, et puissant. On ne fait pas du cinéma comme on écrit un article de journal, et si les faits sont un frein à la création, le cinéaste doit faire marcher son imagination pour enjamber cet obstacle et faire du réel son allié.
En échouant à cette tâche créative, Hanawa Yukinari signe un film, qui n’est pas dénué de qualités (les acteurs Tomokazu Miura et Yuriko Ishida sont excellents, la photographie est très belle) mais ennuyeux et dénué du quelconque impact émotionnel.
Victor Lopez.
Verdict :
My Wife de Hanawa Yukinari est présenté, du 8 au 29 novembre 2011 dans le cadre du festival Kinotayo. Séances et horaires ici !