VOD – God’s Puzzle de Miike Takashi

Posté le 11 mai 2020 par

God’s Puzzle de Miike Takashi, sorti originellement en 2008, est disponible en VOD, et bien sûr en DVD depuis quelques années. Il nous permet d’apprécier une facette différente de la filmographie du réalisateur japonais, davantage habitué aux histoires de yakuzas comme dans Dead or Alive, Gozu, Fudoh ou encore Crows Zero.

Point de geysers de sang et de batailles en montage rapide dans ce film de Miike. Dans God’s Puzzle, le réalisateur se penche sur la physique quantique et présente l’histoire de deux jumeaux Watanuki, étudiants à l’université, incarnés par Ichihara Hayato (que l’on retrouve à nouveau dans le Blade of the Immortal) qui tentent de résoudre la question de la création de l’univers. L’un cherche le sens de son existence dans un voyage initiatique en Thaïlande puis en Inde tandis que l’autre, venu prendre sa place en cursus de physique quantique pour draguer des étudiantes, se voit obligé de présenter sa thèse sur l’origine du big bang. Il est aidé pour ce faire de Saraka (Tanimura Mitsuki que l’on peut également voir dans l’adaptation en live action de Ace Attorney par Miike), une jeune étudiante prodige qui a fait construire à seulement 17 ans un accélérateur de particules novateur dans la ville de Tokyo. Au fur et à mesure de leur collaboration, Saraka décide de dépasser le cadre scolaire et de s’atteler à la création d’un nouvel univers, ce que nul autre humain n’a jamais tenté puisque réussir signifierait l’effondrement du monde le précédant.

 

Il est évident que le parti pris du film peut rebuter les profanes en physique quantique. En effet, les débats des étudiants et les explications et théories de Saraka sont nombreuses et denses. Toutefois, en choisissant pour personnage principal un débutant dans le domaine, Miike permet de rendre le sujet plus accessible, en faisant de lui le reflet d’un spectateur novice en la matière. Les théories fournies par les personnages sont étayées d’exemples et de métaphores, transformant ainsi l’ardu en concret. Le réalisateur nous montre également par moment des schémas et vidéos expliquant les concepts difficiles à cerner afin de les rendre plus clairs. De même, le ton du film, très léger et comique, assure une simplicité bienvenue au vu des thèmes approfondis et offre une approche davantage vulgarisatrice qu’élitiste. Miike s’amuse également dans la confection de God’s Puzzle en multipliant les effets de réalisation. Des lecteurs vidéos apparaissent au milieu de scènes pour illustrer des flashbacks, des icônes d’ordinateur prennent le pas sur les plans, etc.

Néanmoins, l’aspect le plus intéressant de God’s Puzzle est certainement qu’il peut paradoxalement être vu comme un résumé exhaustif des thématiques chères à Miike, rendues plus explicites que jamais par les questionnements des personnages autour de leur place dans le monde et de leur destinée. Nous percevons en effet les leitmotiv du cinéaste autour de l’angoisse de l’avenir de la société au travers des personnages principaux. Sakara est née dans une éprouvette aux Etats-Unis parce que sa mère voulait se procurer une enfant génie tandis que Watanuki se projette chef dans un restaurant de sushi et rockstar. Néanmoins, les deux se retrouvent dans les doutes et appréhensions de l’autre. Leur travail sur la création de l’univers est le fruit de leur recherche de sens dans leur propre existence. Les scènes traitant de ce nouveau big bang font d’ailleurs penser à Neon Genesis Evangelion de Anno Hideaki et plus précisément à The End of Evangelion. Sakara, convaincue qu’elle est condamnée à se sentir isolée dans le monde et qu’elle ne peut plus espérer un autre horizon que la fin de l’humanité, se fait finalement tirer hors de ses pulsions destructrices par Watanuki, qui lui prouve que la joie peut se trouver dans le quotidien et dans le partage entre les êtres. Le monologue final de Watanuki sur l’essence de l’humanité qui se situerait dans la symétrie entre science et art est à l’image du film. En mêlant ces deux thématiques, Miike révèle timidement au milieu d’une filmographie parfois cruelle et souvent très sombre sa foi en l’humanité et en la possibilité de trouver un apaisement et une confiance en le futur.

Elie Gardel.

God’s Puzzle de Miike Takashi. Japon. 2008. Disponible sur la plateforme Lovemyvod