En ce jour de Noël est sorti en salles Jésus, d’Okuyama Hiroshi, un beau premier film sur l’enfance et son imaginaire d’un réalisateur de seulement 23 ans.
Le très jeune âge de son auteur (23 ans) n’est sans doute pas pour rien dans l’impression persistante, tout au long de la découverte de Jésus, que cette enfance qu’il représente lui est encore familière. C’est en effet ce qui frappe le plus dans ce beau premier film : l’aptitude d’Okuyama Hiroshi à saisir de la manière la plus simple et dépouillée la naissance des jeux d’enfant. Plus précisément comment les enfants, en l’occurrence deux garçons de neuf ans, deviennent copains. Arrivé de Tokyo avec sa famille pour vivre à la campagne chez sa grand-mère fraîchement veuve, Yura est inscrit dans une école catholique. Ayant, comme souvent lorsque l’on déménage, un peu de mal à se faire de nouveaux amis, il émet un jour le souhait de s’en faire au moins un, ce qui ne saurait tarder.
Cet ami se nomme Kazuma et partage avec lui le goût du ballon rond et un riche imaginaire les amenant à envisager ensemble une chute de météorites. Leur complicité suffit à faire tenir le récit, dans une plénitude apaisante que la mise en scène sobre, presque invisible par le choix de privilégier le plan fixe et la durée, parvient sans mal à installer. On relève pourtant un moment déroutant, peut-être le plus étrange du film. Yura s’y demande pourquoi la maman de son copain ne peut s’empêcher de rire. Elle ne sait quoi lui répondre, sinon continuer à rire. Car si les enfants, par définition, sont animés par une soif d’interprétation, les adultes butent plus que souvent sur l’impossibilité à trouver une réponse à toutes les énigmes du monde. Il en est d’ailleurs de même à l’école, lorsque Yura échange avec ses professeurs autour de la foi.
Cette dernière est avec l’amitié l’autre sujet du film. Un jour de solitude, Yura voit se matérialiser sous ses yeux rien moins qu’une version miniature de Jésus. C’est par elle que passe non seulement le souhait de se faire un ami mais aussi la plupart des doutes du garçon. On ne sait si cette apparition confirme que Yura est devenu à son tour croyant mais les scènes qu’ils partagent montrent de la part du cinéaste une réelle foi dans le caractère affabulateur et « magique » du cinéma. Jésus s’offre comme un film aussi drôle que hanté par une inquiétude, une gravité enfouie que l’omniprésence du blanc de la neige ne fera que consolider. On en sort avec un sentiment peu définissable, entre mélancolie et apaisement, ravi en tout cas de lui avoir consacré un peu de notre temps.
Sidy Sakho.
Jésus d’Okuyama Hiroshi. Japon. 2018. En salles le 25/12/2019