NETFLIX – The Wandering Earth de Frant Gwo : le blockbuster standardisé et alternatif

Posté le 11 mai 2019 par

Succès colossal en Chine avec un budget de 50 millions de dollars qui a déjà rapporté le décuple, The Wandering Earth est l’adaptation d’un roman paru en 2000 de Liu Cixin, un auteur spécialisé dans la science-fiction. Netflix a acquis les droits de diffusion à l’international et le film, réalisé par Frant Gwo, est disponible sur la plateforme depuis le 30 avril 2019.

Dans le futur, le soleil s’apprête à engloutir le système solaire. Afin de s’échapper de ce piège, les Terriens dotent leur planète d’immenses réacteurs pour la faire se mouvoir dans l’espace et partir à la recherche d’un nouveau système plus accueillant. En errant pendant des décennies, les habitants de la Terre se font tracter par une immense station spatiale internationale. La surface est gelée et la vie se déroule désormais dans des sous-terrains. Dans ce contexte, Liu Qi (Qu Chuxiao) voit son père Liu Peiqiang (Wu Jing), pilote, le laisser petit à son grand-père (Ng Man-tat) pour investir la station spatiale. Quinze ans plus tard, Qi et sa petite sœur Duoduo (Zhao Jinmai) se rendent sur la surface gelée pour le Nouvel An chinois. C’est à ce moment précis que le Terre et la station approchent de Jupiter et que tout ne se passe pas comme prévu…

Bien que sa sortie sur Netflix se soit effectuée de manière plutôt discrète, il y a beaucoup à dire sur le film, et sur son contexte. La gestation du projet aurait été compliquée et l’angle du film adopté face à une catastrophe d’envergure mondiale a fait couler de l’encre. Le film est bipolaire : d’un côté, il lorgne sur ce qui a déjà été fait en matière de blockbuster, en recherchant expressément à y ressembler ; de l’autre, son origine chinoise le rattrape et le différencie nettement de la production mondiale.

L’élément qui ne peut que frapper le spectateur, au moins sur les deux premiers tiers du film, c’est la volonté du réalisateur et des producteurs de donner naissance à une superproduction de type hollywoodienne. Le déroulé narratif, la tonalité de la musique et l’imagerie du film évoquent la science-fiction américaine moderne. Ou plutôt, le film tend à s’insérer dans la démarche de standardisation filmique que Hollywood impose au monde entier. Il en résulte un plot qui frise la drôlerie, des protagonistes manquant souvent d’épaisseur, une intrigue qui fait s’entremêler la situation de personnages plus ou moins liés comme cela a déjà fait de nombreuses fois. Les CGI démarrent à bas niveau (la première apparition du super-camion de chantier est digne d’un jeu vidéo peu moderne) mais s’améliorent au fur et à mesure que l’intrigue s’étoffe.

Ce parallèle avec le cinéma américain atteint un point limite avec des échos très appuyés à des éléments de films pré-existants. Très vite, on va voir dans The Wandering Earth du 2001, l’Odyssée de l’espace, puis du Interstellar, Gravity, Prometheus… Difficile ne pas se dire qu’il y a plagiat, mais ces références finissent par s’intégrer naturellement au récit et le dernier tiers se révèle beaucoup plus intéressant.

C’est en effet dans la dernière partie du film que les quelques éléments purement chinois se mettent en relief et permettent ainsi au projet de proposer une alternative au blockbuster hollywoodien. Car à certains égards, The Wandering Earth cherche à éloigner le spectre américain de son histoire. Les Américains sont simplement absents du film, malgré l’existence d’une coalition internationale pour mener ce projet fou. Le collègue de Liu Qi est russe (un allié logique peut-on dire), les communications mondiales passent par un intervenant français ; il est aussi question d’Anglais, de Canadiens… Par ailleurs, la surface gelée où les personnages évoluent se situe principalement en Chine, mais les deux seuls autres endroits où le réalisateur nous emmène, pour des péripéties à propos des réacteurs, sont les Philippines et l’Indonésie, deux pays asiatiques et très souvent à des lieux de l’imaginaire des scénaristes américains.

Que cela dit-il sur la qualité du film ? Pas grand chose en réalité : The Wandering Earth est la première superproduction chinoise à se hisser à ce niveau et à une époque où la guerre économique entre les États-Unis et la Chine fait rage, c’est une étape franchie en matière de softpower. La Chine est en train de dire avec The Wandering Earth qu’une alternative est possible, une alternative où la réponse à un problème n’est pas nécessairement américaine (le film a d’ailleurs le bon ton de ne pas tant centrer que ça la solution sur la Chine, plutôt sur l’humanité entière). Tout cela est intéressant mais surtout contextuel. Le film en lui-même se contente d’un spectacle vu et revu et une mise en scène inégale. Le climax fonctionne à peu près en matière de suspense, un personnage tête-à-claque voit son rôle se développer avec un peu de subtilité et la romance est absente (c’est assez original pour le soulever) : voilà les faits d’arme du film. Cela ne suffit pas à le rendre bien réalisé dans sa globalité au vu des problèmes inhérents aux superproduction que nous avons évoqués.

Maxime Bauer.

The Wandering Earth de Frant Gwo. Chine. 2019. Disponible sur Netflix le 30/04/2019.

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2 commentaires pour “NETFLIX – The Wandering Earth de Frant Gwo : le blockbuster standardisé et alternatif”

  1. pas du tout d’accord avec cette pseudo analyse clairement films anti-chinois !

  2. @Ray31 Bonjour,
    Peux-tu développer ta remarque SVP ? Je ne comprends pas ce que tu reproches à mon analyse. D’être anti-chinoise ? J’apprécie énormément la culture et le cinéma chinois et les qualités que je trouve au film (son propos alternatif) relevé de son aspect chinois, là où le défaut majeur que je soulève (les caractéristiques des blockbusters) relèvent de ce qui se fait déjà ailleurs…

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