Sunny de Kang Hyeong-cheol (FFCF)

Posté le 11 octobre 2011 par

Sunny, ce n’est pas seulement un film qui a attiré 7 millions de ménagères dans les salles coréennes cet été, c’est aussi une tragi-comédie colorée, parfois touchante et souvent enthousiasmante ! Par Victor Lopez.

L’histoire : Na-mi, élégante femme au foyer, vit une vie rangée et monotone, son quotidien étant réglé par les désirs d’un mari souvent absent et d’une fille taciturne. Alors qu’elle rend visite à sa mère à l’hôpital, elle retrouve une amie d’enfance condamnée par un cancer. Elle décide alors de profiter du temps qu’il lui reste pour retrouver les membres du groupe qu’elles composaient toutes deux avec cinq autres filles du lycée au milieu des années 80 : les terribles Sunny ! Cette recherche fait alors remonter les souvenirs d’adolescence à la surface : le disco, les batailles d’insultes, les premiers flirts, et surtout les rêves d’enfances, maintenant bien enfouis sous un morne quotidien. Ce voyage dans le temps fait alors prendre conscience à Na-mi que quelque chose manque à sa vie…

Avec un tel synopsis, et une réputation de comédie colorée et dansante qui a attiré plus de 7 millions de Coréens dans les salles cet été, on pouvait se méfier de Sunny, et craindre un feel-good movie plat et consensuel, calibré pour plaire au plus grand nombre. Rassurez-vous, il n’en est rien ! Sans éviter quelques éclats de larmes un peu excessifs et une lourdeur qui appuie parfois plus que de raison sur les sentiments (mais on s’en accommode assez aisément), le film arrive à nous transporter dans son univers plein de vie, grâce à une reconstitution fort réussie de l’adolescence des héroïnes, croquées avec panache et ne mettant pas de côté, bien au contraire, la cruauté inhérente à l’âge ingrat.

Dreams are my reality

Le film s’ouvre sur une confrontation très éloquente entre ce qu’est la vie de Na-mi en 2011 et ses souvenirs de lycée, 25 ans plus tôt. Le présent est quadrillé par une immobilité et une impersonnalité que traduisent des plans fixes et vides, alors que le premier flash-back, provoqué par la rencontre de l’héroïne avec une ancienne camarade, amène immédiatement de la vie et du mouvement dans le cadre. Des filles courent dans une salle de classe, la caméra les suit avec malice, et orchestre un joyeux bordel, que vient arrêter l’arrivée d’une enseignante, accompagnée d’une Na-mi ado, débarquant de sa province natale pour s’installer à Séoul.

La réussite majeure du film vient surtout de la reconstitution de l’adolescence d’une jeune fille dans le Séoul des années 80. On s’attache aux portraits qui rendent rapidement touchants des caricatures esquissées avec un trait de personnalité. Mais surtout leurs rêves, espoirs, bref, leur univers est rendu de manière intime et accessible. La part de rêve, de fantasme, d’imagination qui façonne la réalité de cette période de la vie est ainsi traduite avec justesse, notamment à travers la création d’un monde reflétant surtout l’intériorité des personnages plutôt qu’une quelconque réalité objective. On le voit par exemple lors d’une étonnante scène de combat dans la rue sous l’œil attentif de Rocky Balboa ou d’un clin d’œil à… La Boum !

Quel que soit votre âge, sexe ou nationalité, vous devenez une ado coréenne devant Sunny !

20 Century Girls

L’enjeu du film est alors de ramener la vie et le mouvement de l’adolescence perdue dans le morne présent des personnages. En les retrouvant aujourd’hui, on se rend compte que la réalité a depuis longtemps rattrapé nos jeunes héroïnes. Suivant l’injonction de leur leader mourante, elles vont alors essayer de redevenir « les actrices de leur vie », c’est-à-dire retrouver la part de rêve qu’elles ont perdue avec leur jeunesse.

Malheureusement, le film s’avère beaucoup plus prudent et consensuel dans cette partie. (Attention spoilers) La fin, notamment, déçoit énormément en réglant tous les problèmes d’un coup de baguette magique d’outre-tombe. Mais surtout, la libération tant attendue du personnage n’aura pas vraiment lieu. Au bout de deux heures de film, sa rébellion se contentera de glisser un mot narquois à son chauffeur, en allant chercher son invisible mari à l’aéroport. (Fin des spoilers) On a fait plus fort comme geste féministe !

Malgré un dernier tiers fort décevant, Sunny est la première bonne surprise du festival : un beau film plein de vie et d’humour sur l’adolescence, ses rêves et la confrontation de ceux-ci avec la réalité et la vie adulte.

Victor Lopez.

Sunny de Kang Hyeong-cheol est diffusé au Festival du Film Franco-Coréen (Cinéma Saint-André-des-Arts à Paris) le jeudi 13 Octobre à 21h20 en présence de son réalisateur.