FICA 2017 – Lettre à Momo de Okiura Hiroyuki : L’impossible deuil (Vesoul)

Posté le 5 février 2017 par

Lettre à Momo, dessin animé du revenant Okiura Hiroyuki sera présenté  au 23ème Festival International des Cinémas d’Asie (FICA) dans la section Japanimation !

Il n’était pas vraiment parti, Hiroyuki, après son sombre et oppressant Jin-Roh en 1999, uchronie au trait magnifique et au propos engagé. Il a travaillé dans l’ombre des grands auteurs, comme Kon Satoshi ou Rintaro par exemple. Lettre à Momo est donc son deuxième long métrage, et il marque une rupture par rapport à son oeuvre précédente. L’ombre fait place à la lumière, Okiura revient apaisé, mais toujours aussi talentueux.

Momo est un petite fille marquée par la perte de son père. Pour faire le deuil et tenter de refaire sa vie, sa mère décide de revenir sur son île natale, loin de l’agitation de la ville. Elle tente de  retrouver des visages familiers, des senteurs, des lieux qui ont bercé son enfance. Elle veut offrir à sa fille ce qu’elle n’a pas vraiment eu jusque maintenant. Mais Momo a la tête ailleurs et le coeur en berne. La seule chose qui la relie encore à son père est une lettre commencée mais pas achevée. Que voulait-il lui dire de si important ?

A letter to momo

Les regrets et le souvenir, deux grands questionnements qui traversent Lettre à Momo. Malgré le cadre idyllique, la jeune fille ne trouve pas ses marques, n’arrive pas à faire son deuil. Comment continuer de vivre quand on a perdu un être cher ? Comment vivre avec ses regrets ? Okiura ne répond pas vraiment à la question dans Lettre à Momo, mais il prend son temps, laisse vivre ses personnages, s’attarde sur des petites choses du quotidien. Dans un Japon à la nature luxuriante et aux couleurs vives, il met en parallèle l’apparente tranquillité et le bouillonnement des âmes. C’est ce qu’il y a de plus beau dans le long métrage d’Okiura : cette détresse ouaté, cette fantaisie grave. Il y a du Ozu dans cette quotidienneté, dans la description de cette vie simple qui s’écoule calmement.lettre-a-momo-11

Mais ce quotidien va peu à peu être perturbé, l’irruption du fantastique dans Lettre à Momo attendue. Ces lieux ont d’emblée quelque chose de magique. L’ile de Shio cache mille et une légendes. Okiura de par son trait et sa méthode (tout fait à la main) fait ressortir immédiatement cette magie du lieu. Mais encore une fois, il va prendre son temps pour mettre un visage concret sur ces entités fantastiques. Quand les Yûkais sortent de l’ombre, le film bascule dans une sorte de comédie burlesque, prenant racine autant dans le folklore japonais que dans les gimmiks d’un Buster Keaton ou d’un Charlie Chaplin. Okiura joue sur la dynamique des corps et l’absurdité de leur existence. Momo prend d’abord peur, face à ce qu’elle ne connait pas. Elle voit en eux une anomalie de la nature, quelque chose d’effrayant. Pourtant, les Yûkais sont montrés sous un jour facétieux et attachant. C’est bien Momo qui se refuse à y voir autre chose, obnubilée qu’elle est par cette lettre que son père lui a envoyé.

Là encore le processus sera long et douloureux pour Momo, pour qu’elle se rende compte qu’évidemment les deux événements sont liés. Dans un final aussi enchanteur que poétique, Okiura laisse la vie de Momo reprendre son cours, le coeur apaisé, et l’avenir devant elle.

Jérémy Coifman.

Lettre à Momo de Okiura Hiroyuki, à voir au  23ème Festival International des Cinémas d’Asie (FICA) de Vesoul du 7 au 14 février. Plus d’informations ici !

Samedi 11 févrierà 18h – Majestic 4
Mardi 14 février à 13h30 – Majestic 5