Assassination Classroom est un manga de Matsui Yusei racontant comment un étrange monstre à tentacules, jaune fluo, et capable de se déplacer à Mach 20, a détruit la Lune et s’apprête à détruire la Terre. Cependant, doté d’un sens de l’humour particulier et de motivations étranges, il donne aux gouvernements un délai (une année scolaire), durant lequel il va être professeur principal pour une classe de cancres abandonnés par l’administration. Ces derniers se retrouvent ainsi équipés d’armes spéciales et doivent réussir à tuer leur nouveau professeur. Ce manga, au succès phénoménal, s’est vu adapté en animé, et à présent en films, les deux longs-métrages étant présentés hors-compétition lors de la 34ème édition du Brussels International Fantastic Film Festival.
Le BIFFF a toujours été éclectique, et l’édition 2016 ne fait pas exception à la règle. Entre les films post-apocalyptiques minimalistes, la fantasy à grand spectacle, le slasher brutal et, bien entendu, plusieurs pellicules bien folles, il y en a pour tous les goûts, et nul doute que le public chahuteur du festival saura apprécier à sa juste valeur Assassination Classroom, film particulièrement décalé et adaptation fidèle du manga.
Matsui Yusei n’a pas écrit qu’Assassination Classroom. L’auteur de 37 ans s’est aussi penché sur quelques One Shot, et s’est également occupé d’une autre série, Neuro: Supernatural Detective. Assassination Classroom a débuté en 2012, et a été publié jusqu’en 2016. La traduction française des 20 volumes de la bande dessinée est en cours, grâce à l’éditeur kana. Le manga a eu un très grand succès, puisqu’un spin-off est en cours d’écriture (par d’autres auteurs). Mais une série animée a aussi vu le jour, ainsi qu’un jeu vidéo pour Nintendo 3DS. Le personnage a été ajouté comme dans un jeu de combat pour PS3 et 4 (J-Stars Victory Vs). Il est donc logique que les Japonais aient eu envie d’offrir une adaptation en film live. Et c’est Hasumi Eiichirô qui se charge du diptyque devant adapter le manga à succès, dont est critiqué ici le premier volet.
Assassination Classroom est une adaptation fidèle, certes, mais qui n’en oublie pas le changement de médium (un film cinéma se doit d’être pensé différemment d’une bande dessinée). En effet, le réalisateur construit son film différemment, accélérant certains passages et évite les longs tunnels dialogués, certes adaptés au format papier mais plutôt longuets pour un film sur grand écran.
Ainsi, les personnages sont attachants, surtout notre monstre tentaculaire jaune (la plupart du temps, car il change de couleur selon son humeur), qui se révèle plus qu’un méchant, plus qu’une cible à assassiner. D’ailleurs, les rapports entre les élèves/assassins et la créature évolueront tout le long du film, jusqu’à un final certes prévisible et « à suivre », mais qui donne envie de rapidement découvrir la suite. Alors bien entendu, en deux heures de temps, il faut raccourcir certains passages par rapport au manga qui pouvait prendre son temps, et la situation particulière des élèves est moins mise en avant. En effet, ceux-ci sont des cancres, rejetés de tous, abandonnés, étudiant dans un bâtiment à part situé loin des autres classes pour qu’on puisse les oublier, et dont personne ne veut se rappeler qu’il les a connus. Ces adolescents, dans cette position, vont découvrir que certes, leur professeur veut détruire la Terre, mais qu’il s’intéresse à eux et essaie de les faire s’en sortir. Le film, lui, montre certes l’intérêt du monstre pour ses élèves, mais ne creuse pas assez loin leur désespoir, par manque de temps évidemment. Mais cela n’empêche pas le professeur d’être particulièrement attachant, et l’ajout de la couleur permet de vraiment approfondir le changement de couleur de la créature, vraiment bien mis en scène.
Assassination Classroom est rempli d’humour et d’action. Plans étranges pour détruire la créature, que ce soit du gouvernement et sa création robotique qui rejoindra la classe et qui, pour se faire accepter, deviendra une application de téléphone portable, l’assassin sexy devenu prof de langue, le sadique ricanant qui débarque pour tuer tout le monde, ou notre monstre, autant dire que le spectateur peut se laisser porter par le vent de folie et de fraîcheur du film. Assassination Classroom est un film particulier qui se savoure ainsi, si le spectateur arrive à entrer dans l’ambiance déstabilisante du film.
En effet, Koro Sensei (surnom de la créature, qui veut dire professeur immortel) est un festival à lui tout seul, et chacune de ses apparitions, dès la séquence d’ouverture où il fait l’appel en esquivant les balles, donne le sourire. Les effets spéciaux sont excellents, rendant crédibles et la créature, et ses pouvoirs, et la réalisation est superbe, toujours au service de son monstre et de son ambiance. Pourtant, le réalisateur n’en oublie pas ses acteurs humains, et certains élèves sont mis en avant et se révèlent très attachants.
Ainsi, Assassination Classroom se laisse déguster comme un agréable moment de cinéma décalé et original comme on en voit de plus en plus rarement. Nous pouvons cependant faire confiance au Festival du Film Fantastique de Bruxelles pour continuer à dénicher des pellicules de ce genre.
Yannik Vanesse
Assassination Classroom, de Hasumi Eiichirô (2015), diffusé lors de la 34ème édition du Brussels International Fantastic Film Festival.