Après avoir séduit la croisette à Cannes, où Hard Day fut présenté en Mai dernier à La Quinzaine des Réalisateurs, le second long métrage de Kim Seong-hun est prêt à rencontrer le public du Festival du Film Coréen à Paris avant de trouver le chemin de toutes les salles obscures de France le 7 janvier prochain. Suivant les mésaventures d’un flic ripoux qui accumule les poisses en cherchant à se débarrasser d’un cadavre qu’il a renversé le jour de l’enterrement de sa mère et au moment même où l’inspection risque de mettre ses magouilles à jour, Hard Day est une belle réussite qui nous a donné envie de rencontrer son auteur, définitivement sorti des huit ans de traversée du désert suite à l’échec de son premier long métrage (How the Lack of Love Affects Two Men, en 2006). Rencontre avec un jeune cinéaste à suivre !
Pouvez-vous présenter brièvement votre parcours pour les spectateurs français qui vous découvrent avec Hard Day ?
Je suis un réalisateur coréen. Hard Day est mon second long métrage. J’avais fait mon premier, une comédie noire intitulée How the Lack of Love Affects Two Men il y a huit ans. Et me voilà aujourd’hui avec mon deuxième film. Je pense que mon premier film n’était pas très bon et c’est pour cela que j’ai mis autant de temps à faire le suivant.
Avez-vous travaillé sur d’autres projets pendant ces huit ans ?
Au début, oui. J’ai commencé à être impliqué dans d’autres projets qui n’ont pas abouti. Je me suis exclusivement consacré à ce film pendant 6 ans.
Comment le scénario a-t-il évolué pendant ces 6 ans ?
Je réalise maintenant que 6 ans est vraiment une période énorme pour faire un film, mais ce temps était nécessaire pour convaincre mes partenaires et investisseurs de faire le film. Et en même temps, j’ai pu peaufiner chaque détail du film. Il y a peu, j’ai sorti le premier brouillon du scénario du film, et j’ai réalisé que je ne m’en suis pas tellement éloigné : l’idée et la direction du film étaient déjà là.
Après l’échec de votre premier film, comment avez-vous financé celui-ci, et à quel moment Showbox a-t-il accepté cette production ?
J’ai rencontré les gens de Showbox il y a environ deux ans et tout le monde dans la boîte avait des avis différents sur le film. Certains avis convergeaient, mais comme le personnage principal est plutôt méchant, ce n’était pas facile de les convaincre de présenter ce personnage-là. Il fallait que je trouve des arguments vraiment solides pour qu’ils acceptent et comprennent vraiment le film. De mon côté, dans une certaine mesure, j’ai aussi accepté pas mal leurs avis. C’était parfois de bonnes idées qui m’ont aidé.
Le choix de Lee Sun-gyun vient-il de vous, ou est-ce la production qui vous l’a imposé pour avoir un visage sympathique auprès du public coréen ?
C’est justement pour avoir un personnage qui a l’air d’un gentil que je l’ai choisi et que la production a accepté.
Vous connaissiez bien son travail ?
Oui, car pour le public coréen, il est considéré comme quelqu’un de très sympathique. Je voulais qu’il incarne ce personnage de policier dans mon film, car même si c’est un personnage qui est assez immoral, qui fait de mauvais choix, il devait inspirer une forme d’empathie pour le public. Je le compare souvent à Hugh Grant, un acteur dont on a l’impression qu’il ne peut pas faire de mal.
Le film est un film de genre, mais a aussi un aspect réaliste. Et Lee Sun-gyun a ce jeu qui est vraiment réaliste.
Je ne sais pas si vous connaissez les films de Hong Sang-soo. On le voit souvent dans ses films.
Bien sûr, il est d’ailleurs principalement connu en France pour son travail avec Hong Sang-soo.
Le film a beaucoup de tension, mais aussi beaucoup d’humour. Comment avez-vous trouvé cet équilibre, et n’aviez-vous pas peur que l’aspect comique dédramatise certaines scènes de suspense ?
Le plus important pour mon film était en effet de trouver ce bon équilibre et j’ai beaucoup réfléchi à ce problème. Je voulais d’ailleurs faire un film qui soit un peu plus drôle, mais j’ai abandonné car en effet, l’humour pouvait tuer le suspense. Quand les événements sont trop comiques, le spectateur a du mal à revenir dans l’état de tension dans lequel il était avant. C’est pour cela que j’ai trouvé ce juste équilibre, qui était déjà présent dans le scénario.
Nous demandons à chaque réalisateur que l’on rencontre de nous parler d’une scène d’un film qui l’a marqué ou inspiré. Quel serait votre moment de cinéma ?
Comme on est en France, je vais vous donner l’exemple d’un film français : les deux premières scènes du Samouraï de Jean-Pierre Melville. C’est un plan-séquence dans lequel Alain Delon est allongé sur son lit et fume une cigarette. D’ordinaire, je ne suis pas fan de films d’auteurs, que je trouve longs et ennuyeux, mais cette scène marche sur la durée. Il y a une tension, on se demande qui il est. Juste après, il y a une scène où l’on essaie de forcer une porte de voiture, avec pleins de clefs. Chaque clef est montée. C’est grâce à cette scène que j’ai senti l’immense pouvoir du cinéma, quand il filme en continuité, sans coupe. Avec des coupes, la tension n’existerait pas.
Propos recueillis le 18/05/2014 à Cannes par Victor Lopez.
Photos : Pauline Labadie.
Merci à Pascal Launay d’avoir rendu cette rencontre possible.
Hard Day, de Kim Seung-hun. Corée. 2014. En salles le 07/01/2014.